Par André Boyer – Son blog : http://andreboyer.over-blog.com/
Le territoire néo calédonien est marqué par les différences entre kanaks, caldoches et les nouveaux arrivants, qu’ils proviennent d’Europe, de Wallis et Futuna ou d’Asie. Ces différences fragilisent le pays, qui a d’autant plus de difficultés à s’adapter aux crises qui l’atteignent.
La plus importante de ces crises concerne le revenu issu de l’extraction du nickel. La Nouvelle-Calédonie détient le douzième des réserves mondiales de nickel, ce qui la fait vivre au rythme des oscillations des cours mondiaux : que le prix monte et les usines tournent, le chômage baisse, l’espoir renait. Qu’il baisse et une sorte de dépression, économique et psychique, s’abat sur l’ile, accentuant les effets matériels de l’extension de la pauvreté.
L’offre néocalédonienne est en partie détenue par les Kanaks, une autre partie revenant aux caldoches, les deux ayant dû s’adjoindre des partenaires étrangers, l’apport financier français se révélant insuffisant.
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Cette offre est constituée par l’usine de Koniambo dans le nord de l’ile, dont le capital est détenu à 51 % par la SMSP qui appartient aux Kanaks et à 49 % par le groupe anglo-suisse Glencore, ainsi que l’usine hydro métallurgique de Goro, détenue à 95 % par Prony Resources qui produit du nickel et du cobalt, avec pour principal client Tesla.
Il faut y ajouter la plus que centenaire usine pyrométallurgique de Doniambo (Nouméa) qui appartient à la SLN, dont 56 % du capital est entre les mains du groupe français Eramet.
Avec la moitié de la production métallurgique achetée, la Chine est le principal client pour le nickel métal et le deuxième pour le minerai. La SMSP s’est associée à l’aciériste sud-coréen Posco pour construire une usine en Corée du Sud utilisant le minerai néo-calédonien qui a été ouverte en 2008 et dont elle détient 51 % du capital.
Cette industrialisation de la Nouvelle Calédonie a fait évoluer l’économie néo-calédonienne, qui était surtout financée par les transferts publics, vers les revenus issus de la rente assise sur l’extraction du nickel. Mais cette substitution de revenus l’a rendue sensible à la concurrence internationale.
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Or le coût de la vie très élevé en Nouvelle Calédonie dû, entre autres, aux sur rémunérations dont bénéficient les fonctionnaires et nombre d’employés des secteurs protégés, comme les banques et les monopoles de distribution tels que l’eau, l’électricité, le téléphone ou Internet.
Aussi la baisse des prix du nickel ne bénéficie pas à la Nouvelle Calédonie. Déjà menacé en 2013 du fait du prix de marché, l’ensemble des usines de production de nickel ont dû fermer leurs portes à partir du printemps 2024, soit du fait du manque de rentabilité comme l’usine de Koniambo, soit du fait des manifestations.
En effet, dans ce contexte déprimé, la proposition de loi visant à élargir le corps électoral, proposition aujourd’hui suspendue, a mis le feu aux poudres dans un contexte économique anxiogène et avec un corps socio-ethnique profondément divisé.
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Si l’on peut comprendre que la République Française cherchât à conserver la Nouvelle Calédonie en son sein, pour les capacités d’action qui en découlent dans la zone indopacifique, tout en disposant d’un certain contrôle sur le nickel et sur la zone économique exclusive, il parait curieux que l’action de l’État ait ignoré les craintes de marginalisation ressentie par les Kanaks.
Ces craintes ont engendré un mouvement de révolte par rapport à ce qui est apparu, du point de vue Kanak, comme une provocation alors que la crise du nickel, avec la fermeture de l’usine Glencore en février 2024, provoquait déjà une montée des tensions socio ethniques.
Désormais la crise du nickel conjuguée avec les émeutes du printemps 2024, qui perdurent partiellement, se traduisent à court terme par une dépression économique et à long terme par une forte incertitude relative à l’avenir institutionnel de la Nouvelle Calédonie.
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En effet, pour le court terme, le 21 aout 2024, le journal LES ECHOS titrait sur une « Nouvelle-Calédonie au bord de l’effondrement économique », du fait que mille deux cent entreprises avaient été pillées ou incendiées pendant les émeutes, que certaines routes restaient coupées et que les aides financières arrivaient lentement.
Huit jours plus tard, le 28 aout 2024, le Congrès de Nouvelle Calédonie a adopté à une large majorité une résolution demandant un soutien massif de l’État de 500 milliards de francs Pacifique, soit environ 4,2 milliards d’euros, pour reconstruire l’archipel après les émeutes qui ont ravagé son tissu économique. Ce plan viserait à « assurer le sauvetage du pays dans un premier temps, et, dans un second temps, d’engager sa reconstruction ».
Il faut noter que l’aide demandée à Paris ne représente pas loin de la moitié du PIB de la Nouvelle-Calédonie, qui atteignait en 2022 1.092 milliards de francs Pacifique, soit 9,1 milliards d’euros et il est probable que la Nouvelle Calédonie ne recevra qu’une aide plus modeste, compte tenu des contraintes budgétaires du budget de l’État pour 2025 et pour les années suivantes.
On peut en déduire que si une remontée significative du prix du nickel ne se produit pas dans les prochaines années, on peut s’attendre à une paupérisation de la Nouvelle Calédonie qui engendrera le départ pour la France d’une partie de sa population, en particulier d’origine européenne.
Il faudra alors constater que les émeutes du printemps 2024 auront contribué à renverser l’équilibre démographique en faveur des Kanaks et à contraindre la Nouvelle Calédonie à rechercher des appuis économiques en dehors de la France, les deux facteurs entrainant à terme l’éloignement politique et institutionnel de la Nouvelle Calédonie par rapport à la République française.
Jusqu’à son indépendance ?
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