Onze morts, des milliers de blessés, Israël a frappé très fort son pire ennemi, le Hezbollah. C’est l’une des opérations secrètes hybrides des plus audacieuses de l’histoire du Mossad. De quoi effacer l’échec catastrophique du 7 octobre 2023 ? Pas si sûr. Enquête et récit.
Il y a quelques temps, en plein désert du Néguev, sur une base militaire, des hommes s’affairent autour d’un mannequin habillé en tenue civile pour l’occasion. Les détails comptent : chemise, jeans, baskets au pied, le pauvre mannequin qui peine à tenir debout a été « dérobé » à la petite amie de l’un des hommes présents. En effet, avant de se retrouver en plein désert, « Maroun » le mannequin professionnel, exerçait dans une vitrine d’un centre commercial d’une ville du sud d’Israël. Sa patronne l’a déclaré « volé ou perdu »…
L’un des hommes s’avance, tous les autres reculent et fissa, normal c’est un artificier… Il pose à la ceinture du mannequin un « pager » ou téléavertisseur, c’est un récepteur de messages, ou service de radiomessagerie qui a connu ses heures de gloire avant l’avènement des téléphones portables. En France nous avons tous eu un TamTam ou un Kobby pour ne citer qu’eux. Les pagers sont toujours utilisés par les professionnels des urgences, les services spécialisés ou les entreprises qui veulent joindre des personnes importantes dans leur organigramme.
Mais ce pager est particulier, un modèle spécifique, durci, antichocs, étanche (norme IP67) avec une batterie capable de tenir 85 jours.
L’homme qui vient de poser le pager sur la ceinture pose une paire de lunettes de soleil à Maroun le mannequin recruté de force. Il lui donne une tape sur la joue : « Ata khazak ya sharmouta » dit-il dans un mélange d’arabe et d’hébreu (tu es fort fils de pute, traduction fidèle).
Tout le monde a disparu.
« Hamech, arba, chaloch, chtaïm, ehad, efes »
BOUM !
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Clic Mortel
Nous sommes le 17 septembre 2024, il est 15h25 à Beyrouth, un homme d’âge moyen fait ses courses, un autre circule avec son 4X4 flambant neuf. Plus loin un jeune libanais discute au téléphone dans la rue, là un barbu regarde la télévision chez lui…
À 215 kilomètres de là, à vol d’oiseau, dans un bâtiment inconnu, à Tel-Aviv, une main fait glisser une souris. Sur les écrans du centre des opérations du Mossad, défilent des noms et des numéros, tous passent au vert. Une fréquence apparait : 157.950 MHz.
« Le Magicien » vient de sélectionner plusieurs profils sur l’écran. Il rédige un message, et l’envoie sur la fréquence de radiomessagerie. Il est 15H30.
À Beyrouth et dans tout le Liban, jusqu’en Syrie, des dizaines de pagers, ces récepteurs de radiomessagerie, explosent. Ils tuent instantanément ou blessent gravement leurs propriétaires et leur entourage.
D’un clic de souris, « le Magicien » vient de neutraliser plusieurs opérateurs des services spéciaux du Hezbollah, les « VIP » sur la liste à rallonge de « l’institut », l’alias du Mossad.
L’opération est hallucinante, incroyable, même Hollywood n’y aurait pas pensé dans ces proportions : 11 cibles terroristes islamistes éliminées, 4000 blessés dont 400 en urgence absolue, 500 aveugles à vie et autant de « castrés » ou amputés d’une main…
Le glaive de David a frappé dans le silence, c’est comme cela qu’on reconnait une opération du Mossad, la signature de son double effet Kiss Cool : l’efficacité de l’effroi et surtout le traumatisme psychologique qui va s’en suivre et qui a déjà envahi chaque haut cadre du Hezbollah à l’heure où j’écris ces lignes et où vous les lisez. Grosso merdo : « on sait où vous êtes, on vous touchera partout, même chez vous, votre temps est compté ».
Le Mossad, ce service que j’étudie depuis mes 20 ans quand j’ai posé mon pied pour la première fois en Israël, j’en ai 48, et je n’ai jamais vu une telle opération, sauf celle de 1996, incroyable opération, une guérilla sécrète d’ingénieurs, déjà à l’époque.
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Allo Akbar ?
Un nom que la presse a déjà oublié, sauf les spécialistes : Yahia Ayache, cet ingénieur palestinien et membre influent des Brigades Izz al-Din al-Qassam – la branche armée du groupe islamo-terroriste Hamas – est devenu une figure centrale dans la lutte armée contre Israël au début des années 1990. Ayache, surnommé “L’ingénieur” en raison de ses compétences techniques, était responsable du développement et de la fabrication des premières bombes utilisées par le Hamas dans une série d’attentats suicides meurtriers en Israël.
Ses innovations ont fait de lui l’un des hommes les plus recherchés par Israël à l’époque, et il était considéré comme une menace stratégique pour la sécurité du pays. Il est responsable de la mort d’environ 90 à 100 personnes. Ces attentats, perpétrés entre 1993 et 1996, ciblaient principalement des civils israéliens, causant également des centaines de blessés.
L’agence de sécurité intérieure, le Shabak, et le Mossad, l’agence de renseignement israélienne extérieure, ont alors mené une traque intense main dans la main, cerveau contre cerveau pour neutraliser Ayache.
Après plusieurs tentatives infructueuses, il a été tué le 5 janvier 1996 à Beit Lahiya, dans la bande de Gaza. La neutralisation du terroriste a été possible grâce à un téléphone mobile piégé. L’explosion a été déclenchée à distance, tuant Ayache sur le coup alors qu’il utilisait l’appareil.
PETN enrobe la batterie
L’opération a été pensée et exécutée d’une main de maitre, même si Israël va nier, nos sources n’ont pas hésité une seconde pour confirmer l’implication des ingénieurs et autres « magiciens » du Mossad.
En effet, rapidement, hier après-midi nos sources ont confirmé que « des explosifs auraient été déclenchés en augmentant à distance la température de la batterie ». Et après avoir visionné les dizaines de vidéos, avoir vu les dégâts causés, ce ne sont pas les batteries au lithium seules qui ont pété, on parle d’une opération organisée, réfléchie, de la haute couture…
Et rapidement les réseaux « cas sociaux » s’affolent, reviennent les « experts à roulettes », les mêmes qui jadis étaient spécialistes des virus… vous vous souvenez ?
« La détonation, le son, les dégâts, regarde sur la vidéo où le type a laissé le beeper dans sa chambre… C’est du PETN qui a été utilisé, il n’y a que ça, seul les véritables experts peuvent reconnaitre la signature, j’en ai fait péter des kilos dans ma vie, une batterie ça brule ok, mais ça ne pète pas comme ça ! » nous précise un expert formé à l’école du Service Action de la DGSE à Perpignan.
Le PETN est considéré comme l’un des explosifs les plus puissants et est très sensible à la chaleur et à la friction, ce qui pourrait expliquer le mécanisme d’explosion, et surtout les différentes explosions ainsi que leur différent rayon d’action.
Quelques heures plus tard, c’est Al Jazeera et d’autres sources qui précisent que 20 grammes d’explosifs auraient été placés dans chaque pager. Ces pagers que le Hezbollah a commencé à utiliser il y a cinq mois.
Le PETN, ou tétranitrate de pentaérythritol, est un explosif chimique extrêmement puissant, utilisé principalement dans des applications militaires et industrielles. Faisant partie des explosifs de la famille des nitrates, le PETN est l’un des plus énergétiques. C’est un explosif à haute puissance, souvent employé dans des dispositifs explosifs improvisés, des détonateurs et des charges militaires. Il est également utilisé dans les industries pour des activités comme le démantèlement contrôlé de structures. Le PETN se compose de pentaérythritol, un alcool, qui est nitré pour produire une substance cristalline blanche ou incolore. Ses propriétés chimiques lui permettent de libérer une grande quantité d’énergie lors de sa détonation, sa signature chimique est souvent détruite et il est peu détectable, c’est justement ce qui permet de (paradoxalement) l’identifier ou de lever le doute. Il y a aussi le son spécifique et les vidéos qui peuvent permettre d’identifier le PETN, comme dans le cas des pagers piégés, mais finalement c’est juste le potentiel destructeur qui lève les derniers doutes.
« C’est rondement mené ! Bien que relativement stable sous certaines conditions, le PETN est extrêmement sensible aux chocs, à la friction et à la chaleur. Cela le rend particulièrement dangereux lors de sa manipulation, mais cette sensibilité le rend aussi efficace dans les détonateurs » précise notre spécialiste ex des services français.
Les indices ne trompent pas, le PETN a été tristement célèbre pour son utilisation dans des tentatives d’attentats terroristes, notamment parce qu’il peut être difficile à détecter par les scanners conventionnels, ce qui le rend prisé pour des actions malveillantes.
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La clef de la logistique
Selon nos sources, cette opération a débuté il y a plusieurs années, Les services israéliens ont infiltré l’usine qui fabriquait ces pagers soit pour les « copier » et ensuite les « remplacer » avec des dispositifs contenant des charges explosives, soit ils ont intercepté la chaine logistique pour en quelques heures remplacer les batteries par des batteries « maison », « enrobées » de PETN.
Une source nous indique avoir déjà procédé à ce type d’opérations pour piéger une cargaison de smartphones dans les soutes d’un cargo… ils disposaient alors d’une bonne semaine pour « infecter » les téléphones en injectant du code vérolé…
Un groupe d’experts indépendants qui n’aiment pas la publicité affirment que « des charges explosives auraient été installées sur des pagers destinés au hauts cadres du Hezbollah, entre la sortie de l’usine et la livraison aux clients VIP ».
Alors pourquoi les hauts cadres du Hezbollah utilisaient des pagers ? Ironiquement, des années avant, ils ont abandonné les téléphones GSM puis les smartphones car ils se savaient écoutés par les militaires et les services israéliens. Les logisticiens et ingénieurs du Hezbollah ont donc proposé un service de radiomessagerie « codée » ou seul des séries de chiffres/lettres sont envoyés, des codes simples à retenir (urgence, réunion à tel point, etc.)
Nous avons identifié les modèles utilisés par le Hezbollah ce sont des Rugged Pager (AR-924) et Gold Apollo, mais d’autres sont en cours d’identification.
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Encore des tours de magie ?
Si le Mossad sort de sa manche un atout de ce genre, combien d’autres opérations de style « cheval de Troie piégé » sont en cours ? Combien sont « en sommeil » ?
Dans un jeu de 52 cartes, il existe quarte As, deux jokers… Pour le Mossad, on peut parler sans se tromper de 52 cartes blanches prêtes toutes à se transformer en As de pique, d’un seul clic…
Pour les vierges offusquées, la guerre c’est la guerre, et ça pique, les soldats s’engagent et savent ce qu’ils risquent, les terroristes islamistes ne sont pas des enfants de chœur, loin s’en faut.
Le Mossad laisse là une signature clair et précise, je n’ose pas imaginer l’état de frayeur ce soir, et les jours qui arriveront, le chef du Hamas liquidé en Iran, chez lui, au cœur du système islamo-terroriste le plus implacable, 11 hauts cadres du Hezbollah tués chez eux, au Liban occupé par les islamistes, des centaines d’autres mutilés, aveugles…
« D’autres opérations sont en cours, ils n’imaginent pas à quel point ils ont énervé les israéliens, c’est la guerre, la liste est longue, et les israéliens sont prêts à relever le défi après le K.O monumental du 7 octobre, ils iront jusqu’au bout, ce n’est pas un concours de bites, mais bel et bien une question de survie, et pour ça, tous les coups sont permis, même les plus subtils » conclue notre expert de Perpignan.
Il faut l’avouer, c’est l’une des opérations secrètes hybride des plus audacieuses de l’histoire du Mossad. Une opération réfléchie « taillée sur mesure », de la haute horlogerie, qui a su employer des agents sur le terrain pour infiltrer l’usine, la logistique du Hezbollah en amont et surtout préparer la partie la plus sensible sans être détectés : le détournement des pagers, et, soit leur « swapping » c’est-à-dire les échanger sur place, ça va plus vite, soit prendre le temps dans un conteneur non loin, avec des ingénieurs et des petites mains, pour remplacer les batteries… Ce qui semble impossible au vu du nombre d’engins qui ont explosé. C’est donc beaucoup plus en amont que l’opération a commencé… Ce qui nous conduit inexorablement vers un gigantesque plan mis en place depuis plus d’un an et qui a nécessité beaucoup d’argent et d’hommes, nous avons une petite idée avec plusieurs autres analystes, mais nous éviterons de rendre nos conclusions publiques.
En guise de conclusion, comme le temps fait son office et donne toujours raison aux gens sérieux, en 2002, un pigiste militant gauchiste condamné par la justice pour piratage (après avoir enquêté sur lui et publié son nom), m’avait invectivé avec fort courage par écran interposé : « Le cyberterrorisme ça n’existe pas, tout comme les cyber-armes, ça n’existera jamais ! Vous êtes un clown ». Depuis, il a rejoint le cirque Pinder, un exemple que d’autres pseudo-experts à roulettes devraient suivre.
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