ENTRETIEN – Jean Bexon : « Les TAAF sont une richesse française »

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TAAF pour la France
Photo Jean Bexon (x.com)

Jean Bexon est un journaliste basé à La Réunion. Il a été envoyé spécial dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) pour la revue Conflit dans laquelle il signe un grand reportage en collaboration avec l’Écho austral. Pour Billet de France, il revient sur son expérience à bord du brise-glace l’Astrolabe et sur les îles subantarctiques : Crozet, Kerguelen, Saint-Paul et Amsterdam.

Propos recueillis par Charles de Blondin, fondateur et le rédacteur en chef du média Billet de France

Cet entretien a été initialement publié sur Billet de France

Charles de Blondin : Particulièrement éloignées de la Métropole, les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) sont peu connues. Quelles sont leur importance pour la France ?

Jean Bexon : Les TAAF représentent 2 300 000 km² de zones économiques exclusives (ZEE), ce qui place la France au deuxième rang mondial après les États-Unis. Ces terres symbolisent la présence de notre pays dans des contextes différents. En Antarctiques avec la Terre Adélie, dans les eaux subantarctiques avec les îles australes, que j’ai eu la chance de découvrir comme Kerguelen, Crozet, Saint-Paul et Amsterdam et enfin autour de Madagascar avec les îles éparses. Ces contextes géographiques forment l’atout géopolitique de ces espaces. Notre pays est ainsi largement représenté au pôle Sud où résident une faune et une flore singulière à conserver et à étudier.

Une source scientifique sur place m’a ainsi appris qu’un manchot (appelé communément pingouin) sur deux dans le monde est sur un territoire français : de quoi donner une idée de la richesse de la faune en France ! Mais les TAAF, c’est aussi des espaces infinis où se mêlent rêve et fantastique conquis par l’âpreté de marins bretons. Pour avoir posé par exemple le pied dans la baie du Marin à Crozet, où cohabitent harem d’éléphants de mer, manchots royaux et albatros, on ne peut qu’être saisi par ces paysages oniriques, qu’a eu plaisir de saisir de son pinceau mon colocataire de traversée, un aquarelliste de marine. C’est aussi ça la richesse de la France.

CDB : Quelles sont les activités et missions de la recherche polaire française ? 

JB : Il s’agit surtout de recherches scientifiques. Celles-ci visent la préservation des espèces pour faire de ces espaces des écrins. Plus étonnant, à Kerguelen, il y a un bureau qui mesure des données sismiques et qui collaborent avec l’Inde directement concernée par ces informations.

CDB : Habiter plusieurs mois, voire une année entière sur place ne doit pas être facile. Quels sont les types de profils qui s’embarquent pour les TAAF ?

JB : Oui. J’ai échangé longuement avec un chef de district. Je sentais que sur lui reposait une lourde charge, à savoir manager (ménager dirait Fayol) des personnes originaires de divers milieux que nous classons en trois catégories. En langue « taafienne », les « VSC » pour volontaires services civiques, c’est-à-dire les scientifiques ; les « infra » pour l’infrastructure qui est composée de spécialistes (électriciens, menuisiers, boulangers et tout ce qui est nécessaire à l’entretien de la base) et enfin des forces de souverainetés, à savoir les militaires.

CDB : Comment se passe la communication avec ses proches à l’autre bout du monde dans cette région ?

JB : La connexion internet est bonne et permet facilement les échanges WhatsApp et les visios dans les bâtiments de vie. Néanmoins, la rupture avec les proches est claire. C’est pourquoi nous observons une vraie solidarité de fait entre les hivernants, qui se constituent ainsi une famille de substitution. L’isolement, la vie en promiscuité est un vrai enjeu pour le chef de district.

CDB : Qu’est-ce qui vous a le plus marqué lors de ce voyage ?

JB : C’est la sensation d’être sur un autre monde, sur une autre planète. Il y a par exemple à Kerguelen des panneaux de circulation annonçant un danger, celui d’éléphants de mer pouvant traverser la route. Quand vous rencontrez les chefs de district, ceux-ci vous accueillent dans un bureau qui a des airs de principauté polaires avec des attributs de pouvoir comme une grande clé en fer. Les codes sont différents, tout le monde a les lacets défaits pour pouvoir changer ses chaussures rapidement d’un bâtiment à un autre. A table, certains plats, comme des langoustes de l’île Amsterdam, sont servis comme s’il s’agissait d’un repas banal. Je pourrais énumérer sans fin ces détails qui donnent l’impression d’être dans un monde imaginaire !

CDB : Comment s’est déroulée votre expérience à bord du navire de l’Astrolabe ? Quelles ont été les missions lors de votre embarquement ?

JB : Il y a la découverte des Terres australes et il y a la découverte du passeur d’Antarctique, l’Astrolabe. Sa mission consistait à patrouiller dans la ZEE, notamment contre la pêche illégale. Accessoirement, le brise-glace délivre de l’équipement aux bases des districts. Plus surprenante et authentique est la mission de distribution du courrier par l’Astrolabe. Des plis du monde entier sont envoyés à l’équipage. Les philatélistes de tout horizon attendent avec impatience leurs lettres tamponnées par le commandant et oblitérées par les bases des districts !

Vivre au sein de l’équipage et sentir l’impressionnant gîte du bateau m’ont permis de saisir que les Terres australes sont avant tout des histoires d’hommes. Des découvreurs dont la volonté et le courage ont pu fendre les 40e rugissants et les 50e hurlants. Ce sont des navigateurs du royaume de France qui ont fait surgir l’Eden austral des Terrae Incognitae. Citons Yves de Kerguelen, Marc Marion Dufresne ou encore Jules Dumont Durville. Au XVIIIe siècle, ce sont des flûtes en bois qui bataillaient contre ces eaux agitées des îles de La Désolation à des mois de traversées de Brest.

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