Kamala Harris est une piètre candidate

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Kamala Harris et les défis de sa campagne

Par Alphonse Moura

Quelques jours nous séparent du 5 Novembre, jour de l’élection nord-américaine. S’il est vrai que les sondages montrent une course très serrée, il est également vrai qu’ils ont toujours montré Trump comme plus bas qu’il ne l’était en réalité. Le camp démocrate tire la sonnette d’alarme et Kamala Harris déambule sans se retrouver.

Comment est-elle arrivée là ?

Le chemin vers la Maison Blanche en 2024 sera tâché à tout jamais. Le camp démocrate protégea un président en exercice trop longtemps ; les problèmes de santé de Joe Biden étaient plus que visibles, ils sautaient aux yeux. Ce n’est pas une honte, De Gaulle bien disait que l’âge était un naufrage. La honte s’est produite après la débâcle du premier débat présidentiel de 2024.

La structure démocrate comprit pendant le débat que Biden très difficilement pourrait vaincre Donald Trump. À plusieurs moments dudit le président des États-Unis a été coincé par son adversaire républicain – c’était le contraire de la campagne de 2020, maintenant l’homme aux affaires était Biden et Trump en profita pour attaquer depuis l’opposition, une place confortable.

Mais le pire fut le manque de fraîcheur de Biden ; il bégaya, il trembla, il se perdit dans sa propre tête. Avant la fin du débat démarra un processus inédit : il culminerait avec l’éjection de Biden. Pour éviter le chaos l’élite du parti – les Clinton, Obama, entre autres – décida d’offrir la place à Kamala Harris, la vice-présidente en exercice.

Les primaires aux États-Unis sont le sel de la politique, son importation en France fut attaquée maintes fois car elle fut considérée comme une américanisation de la politique française. Ceci étant, Harris eut une actuation calamiteuse pendant la primaire démocrate de 2020. C’est fort improbable qu’elle ait pu atteindre la nomination de son parti dans une primaire ouverte et libre.

Les mauvaises langues virent l’éjection de Biden et le couronnement indu de Harris comme une tricherie impitoyable. Une chose est indéniable : sa légitimité démocratique est faible.

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Hillary Clinton ou le charme de l’aristocratie étasunienne

Les comparaisons entre Hillary et Kamala commencèrent dès que la dernière remplaça Biden. Deux femmes talentueuses prêtes à affronter un macho réactionnaire. Kamala triompherait là où Hillary a été vaincue par la fortune. Un discours mêlant féminisme, féminité et progrès s’imposa outre-Atlantique.

Nonobstant, les similitudes entre les deux femmes ont été contrastées par leurs différences. Harris est la fille de deux Américains de courte date – sa mère venait de l’Inde,  son père de la Jamaïque. Clinton est la fille du monde celto-germanique.

Harris, malgré son rôle actuel de vice-présidente, demeure une personnalité politique américaine de second plan. Clinton peut se targuer d’être parmi les hommes politiques de premier plan – son mari, Obama, Al Gore, Bush, Trump, Newsom.

L’imaginaire politique de la nation américaine garde une image plutôt imposante de Hillary Clinton. Certes, sa défaite de 2016 macula son image, mais les Américains se souviennent d’elle ailleurs – comme l’épouse de Bill Clinton, comme la secrétaire d’État des États-Unis.

Hillary est plus fourbe, plus intense, plus articulée que Kamala. Hillary a également le faciès que les immigrés venus des contrées les plus lointaines associent à l’Amérique et au succès. Hillary est plus forte avec l’électorat blanc – l’électorat encore le plus important, malgré les significatifs changements démographiques en cours. Finalement, la mère de Chelsea Clinton est une patricienne ; elle appartient à ce groupe dont les Américains nient l’existence, mais qu’ils admirent honteusement en cachette…

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Joe Biden et l’Amérique d’avant

Le Biden de 2024 nous a fait oublier le Biden de 2020. Certes, il n’était pas brillant en 2020, mais il était encore suffisamment habile mentalement. À son âge quelques années peuvent faire une différence significative, et ce fut son cas.

Biden a su se servir de la popularité d’Obama, Harris souffre l’impopularité de Biden. La popularité d’Obama dans le camp démocrate demeure inégalée en ce siècle-ci. Le 10 octobre il a fait une intervention électrisante en Pennsylvanie. L’ancien président a été dur et passionnant : il interpella directement les hommes – et particulièrement les hommes noirs – vis-à-vis leur réticence de choisir une femme pour la plus haute charge du pays. La dureté de ses mots aurait été dangereuse pour Harris dans la bouche d’un politique lambda ; mais Obama peut se le permettre. Le problème avec les apparitions d’Obama est que les électeurs peuvent s’apercevoir de l’écart qu’existe entre Barack et Kamala…

En 2020 Biden a eu de la chance, la conjecture lui a été favorable. La situation pandémique a bouleversé les rapports entre politiciens et citoyens. Elle a aussi produit une réalité exceptionnelle. Trump était aux affaires quand la pandémie éclata, l’homme d’affaires n’a jamais véritablement saisi ce dossier, et cela lui a coûté cher.

Des analystes insistent beaucoup sur le rejet de Donald Trump, cela aurait permis une mobilisation massive pour faire élire Joe Biden. Nous ne partageons pas cet avis. Il nous paraît que la récupération de la classe travailleuse blanche de trois états fédérés – du Wisconsin, du Michigan et de la Pennsylvanie – fut déterminante pour la victoire de Biden. Victoire encore aujourd’hui contestée par Trump et les siens…

Joe Biden, né à Scranton pendant la Seconde Guerre Mondiale, avait une allure convaincante pour le Rust Belt. Kamala Harris a des difficultés pour communiquer avec ce monde d’une Amérique pas forcément conservatrice, mais pas tout à fait progressiste.

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Le problème de la rupture dans la continuité

La figure clef de la présidentielle reste Joe Biden, son spectre n’abandonne pas l’arène ; car il est le président – et probablement le sera pour encore quelques mois – car il fut le candidat démocrate, car il fait partie du discours de Kamala et de Donald.

 Oui, on a oublié trop rapidement que Biden et Trump ont débattu en juin. Le candidat républicain se vante d’avoir battu pas un, mais deux candidats démocrates ! C’est une drôle d’histoire pleine de magouillage et de bassesse. Et comment peut-elle, Kamala, se séparer de Joe sans se renier ?

Elle doit se maintenir dans une voie extrêmement étroite. Si elle critique Biden elle saborde ses propres décisions, si elle ne le critique point elle reste inaudible. Sa stratégie communicationnelle opta pour manipuler le temps.

Elle court un risque considérable – Trump est sa cible, mais, maintes fois, il paraît que Trump n’est pas dans l’opposition. Elle dit qu’il faut tourner la page comme si Trump était encore le président. Or, si les Américains tournent la page elle sera effacée. Elle est le présent, Trump est le passé, qui sera l’avenir ?

Harris mise sur des réflexes pavloviens des Américains anti-Trump. Peut-être il n’est plus aux manettes, mais il est omniprésent dans le discours politique ; seront les Américains suffisamment flexibles pour entendre cet argument ?

On n’a pas assez mis le curseur sur la manie américaine du changement : la « bougeotte » est intrinsèque à l’Amérique. L’une des raisons de la défaite de Hillary furent les deux mandats d’Obama. Le besoin de changement – ou la perception qu’il faut bien changer de cap – a été un facteur important dans la victoire trumpienne de 2016. L’inflation nous étouffe ? La faute au gouvernement…

La présence encombrante de Biden est le talon d’Achille de Harris, Trump le sait pertinemment et l’exploite savamment. La faiblesse de Harris est-elle la certitude de sa défaite ? Non. Mais s’il y a quelqu’un qui a besoin d’un miracle pour être élu c’est Harris. Être dans la couverture de Vogue peut faire chic, mais cela n’apporte pas de voix dans le Rust Belt, bien au contraire…

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