L’Édito de Roland Lombardi
La victoire inattendue et magistrale de Donald Trump le 6 novembre 2024 à la présidentielle américaine constitue un tournant majeur, politique et stratégique, dont les conséquences seront particulièrement visibles aux Etats-Unis, en Occident et surtout sur la scène internationale.
Alors que le président élu fait déjà l’objet de débats intenses quant à ses choix politiques, sa stratégie en matière de politique étrangère vis-à-vis de l’Europe, la guerre en Ukraine, de la montée en puissance de la Chine et des conflits au Moyen-Orient, notamment entre Israël, le Hamas et l’Iran, pourrait redéfinir les équilibres mondiaux et marquer, qui sait, la fin du recul de l’hégémon américain…
Ce nouveau paradigme s’inscrit dans une vision pragmatique et réaliste, dont Trump a déjà fait preuve avec succès durant son mandat de 2016 à 2020 et totalement éloignée des idéaux interventionnistes qui ont caractérisé l’ère des administrations Clinton, Bush, Obama et dernièrement Biden. La posture adoptée par cette présidence pourrait en effet s’apparenter aux principes de Realpolitik, privilégiant les intérêts nationaux américains et l’équilibre des forces au niveau mondial, tout en rétablissant des alliances stratégiques là où cela s’avère indispensable.
Une victoire historique
Il est tout d’abord indispensable de revenir un instant sur cette victoire de Donald Trump qui peut donner aussi des clés de lecture quant à sa future politique internationale. Une victoire donc inattendue et magistrale.
Inattendue, car beaucoup d’observateurs et d’« experts » prévoyaient, soit pour les plus nombreux et les plus idéologues (toujours les mêmes, ceux qui analysent le monde tel qu’ils aimeraient qu’il soit et non tel qu’il est vraiment !), la défaite pure et simple de Trump face à Harris. Soit pour les plus prudents, un résultat très serré dans le duel entre le républicain et la démocrate. Rares étaient les spécialistes qui voyaient, certes difficile et de justesse, une victoire de l’ancien et sulfureux président américain.
Qu’il me soit d’ailleurs ici permis de saluer notre jeune et brillante analyste, Angélique Bouchard, et tous nos auteurs qui ont alimenté, depuis plus de six mois, la rubrique spécialement dédiée aux élections américaines sur Le Diplomate et qui, toujours ancrés dans le réel et de par l’acuité, la sagacité et la clairvoyance de leurs analyses, avaient finalement vu juste et se sont donc inscrits dans la dernière catégorie de commentateurs évoqués plus haut.
Moi-même, en janvier 2024, dans un édito précédent, j’expliquais qu’il ne fallait surtout pas sous-estimer encore une fois Donald Trump et sa popularité grandissante car il n’était pas un populiste comme les autres et encore moins un boy-scout ou un enfant de chœur comme le sont les populistes en Europe (et surtout en France, où ils ne sont au final que les instruments, souvent volontaires, du Système !). J’écrivais que Trump, lui, avait été le plus indépendant des présidents américain dans l’histoire, et qu’il était devenu après sa défaite de 2020, LE « Super Champion » anti-Système pour l’« Amérique périphérique » notamment avec ses promesses électorales largement tenues, en ayant, durant les quatre années de son mandat, prouvé de quoi il était capable et grâce à son bilan plus qu’honorable, sur les plans interne et extérieur ! Or, je n’avais pas prévu, moi aussi, que ce véritable fauve politique parviendrait finalement et contre ouragans et tsunamis, avec une trentaine de procès et deux tentatives d’assassinat, à mettre littéralement KO l(es)’ État(s) profond(s) et l’establishment américain(s) qui s’acharnaient contre lui.
Car sa victoire du 6 novembre dernier peut être qualifiée, quoi qu’on pense du personnage et en toute honnêteté intellectuelle, de magistrale et sans appel ! Les faits parlent encore d’eux-mêmes.
Puisque pour Trump c’est un retour politique historique et spectaculaire à la Maison-Blanche avec les résultats suivants :
- Il a rassemblé environ 50,5 % des voix populaires, contre 47,9 % pour Harris. Avec près de cinq millions de voix d’avance avec près de 75 millions d’électeurs contre 70 millions pour Harris.
- Il a assuré un total de 312 grands électeurs avec sept « swing states » sur sept remportés.
- Au Sénat, les Républicains ont obtenu 53 sièges, prenant ainsi le contrôle de cette assemblée.
- A la Chambre des représentants, avec 220 sièges, les Républicains ont également pris la majorité.
- Quant aux gouverneurs, les Républicains ont remporté plusieurs États, consolidant leur influence locale (27 républicains contre 23 démocrates)
- Le vote de l’électorat latino surprend aussi. En 2016, un gros quart (28 %) seulement avait opté pour Donald Trump, puis un tiers en 2020. Ils sont presque un sur deux cette année (45 %), une spectaculaire progression, notamment chez les électeurs hispaniques masculins qui ont plébiscité l’ancien président (54 %).
Cette « déferlante trumpiste » a été depuis, et à postériori, parfaitement expliquée par Hubert Védrine («Avec Trump, les Américains ont dit “Trop c’est trop!” au progressisme»), Christophe Guilluy («L’élection de Trump est une réaction à des années d’invisibilisation et d’ostracisation de la majorité ordinaire»), Ophélien Champlain (« La défaite la plus significative est celle de la classe médiatique, qui s’est exposée en tant qu’organe de propagande de l’establishment politique. Sa couverture biaisée et parfois délibérément malhonnête n’a pas été en mesure de livrer l’élection à la candidate de l’establishment ») ou encore une fois, dans nos colonnes, par Angélique Bouchard, H16 ou encore Julien Aubert.
Bref, pour résumer, la victoire de Trump, qui à l’inverse de ses contemporains, n’est lui soumis à aucun serment d’allégeance envers quiconque et surtout pas aux « puissances de l’argent », c’est en fait la victoire du réel sur l’idéologie, la bien-pensance et le politiquement correct. Une victoire d’une nouvelle forme de libéralisme, un mélange de nationalisme (J.D. Vance) et de libertarianisme (Elon Musk).
Mais c’est également et surtout la victoire de la majorité silencieuse et en colère, victime de la désindustrialisation (au profit de la haute finance et de la Chine) et de la mondialisation malheureuse, contre une petite minorité arrogante, une caste médiatique, élitiste et dirigeante des côtes est et ouest et occidentale en général, progressiste et mondialiste, qui a perdu le monopole de l’information (ou de la désinformation ?) depuis la révolution numérique toujours en cours et dont les membres sont les vrais fossoyeurs de l’Occident et les idiots utiles du wokisme et surtout d’un ultralibéralisme économique sauvage.
De fait donc, le retour de Donald Trump à la tête des États-Unis, puissance encore dominante de l’Occident mais à l’image de l’ancien président Biden, atteinte de sénescence et d’impotence, représente peut-être le début d’un ultime sursaut face à un déclin qui semblait pourtant inéluctable jusqu’ici…
Or il n’est pas certain que Trump fasse des émules en Europe. Il n’y a pas de véritables et efficaces incarnations de la colère des peuples européens (encore bafouée lors des dernières élections européennes) qui puissent définitivement et pacifiquement balayer la petite caste dirigeante et si néfaste de l’UE…
Make America Great Again !
Au VIe siècle, Justinien le Grand est considéré comme le dernier empereur romain, avant que l’Empire byzantin (Empire romain d’Orient) ne commence à se différencier de l’Empire romain dont il est le continuateur direct. Il est le dernier empereur à rétablir, avec un certain succès, par des reconquêtes militaires mais également une œuvre de codification législative de grande ampleur et profonde, l’unité et l’universalité de l’Empire romain en déclin depuis deux siècles.
Trump sera-t-il alors le sauveur et le Justinien de l’Empire américain en lui redonnant toute sa grandeur ? Ses électeurs en sont convaincus ! Lui-même, avec sa mégalomanie légendaire, doit l’être tout autant !
Pour autant, afin d’envisager cette possibilité, il suffit de voir, au-delà des félicitations diplomatiques polies et d’usage, les réactions des différents leaders de la planète. Et il est assez révélateur d’observer ceux qui se sont vraiment réjouis ou pas du « come-back » de Trump et donc de l’éventualité du retour d’une Amérique forte, non isolationniste comme certains le pensent, mais plutôt avec une politique étrangère régénérée et pro-active basée strictement sur la Realpolitik pure.
Il est clair que tous les ennemis de l’Occident, comme la Chine, le Qatar, la Turquie d’Erdogan et l’Iran sont très inquiets. Là aussi, Trump de 2016 à 2020 a démontré de quel bois il était fait ! Le pouvoir de Kiev et la plupart des dirigeants européens, eux, furent au bord de la syncope ! Pour ces derniers, il est vrai qu’idéologiquement, Trump représente tout ce dont ils exècrent. Et surtout, il est pour eux un empêcheur de faire des affaires tranquillement (avec la Chine ?) sur le dos de leurs peuples et pour leurs propres intérêts et ceux de leurs maîtres…
Quant aux Russes, prudents, ils attendent de voir… L’imprévisibilité de Trump (sa principale force à l’international) les a toujours déconcertés…
Essayons donc de comprendre quelle sera la politique et la stratégie internationale ainsi que le concept de « Paix par la Force » du 47e président américain.
La Chine, le seul et réel danger des États-Unis et de l’Europe
Les grands penseurs et idoles des démocrates américains et des progressistes occidentaux globalement, Francis Fukuyama et Zbigniew Brzeziński, s’étaient complètement fourvoyés dans leurs prospectives sur le monde du XXIe siècle, ne percevant pas la montée en puissance par exemple de l’islamisme et surtout de la Chine.
Samuel Huntington, le paria des Intelligentsia occidentales, lui, avait pourtant tout annoncé…
Et de fait, la montée en puissance de la Chine représente sans doute le plus grand défi stratégique pour les États-Unis au XXIe siècle. Elle représente en effet leur première et principale menace politique, militaire et économique.
Comme il l’a fait dès 2017, et s’inspirant de celle de Reagan contre le Japon en son temps, Trump va assurément vouloir relancer sa politique « révolutionnaire » et disruptive de guerre commerciale à outrance (inédite pour un président américain, un cauchemar pour les GAFAM soutiens de Biden et Harris et rejetée par l’Europe et surtout les Allemands, conflits d’intérêts obligent !) contre la Chine. Guerre commerciale mise en parenthèse par l’administration Biden de 2021 à nos jours, comme c’est étrange… Il est quasi certain que Trump réactivera la réindustrialisation des États-Unis tout en augmentant de nouveau, et notamment, les droits de douanes sur les produits chinois. Des efforts seront aussi entrepris visant à réduire la dépendance américaine à l’égard des chaînes d’approvisionnement chinoises (et leur monopole sur l’exploitation des métaux rares…)
En janvier 2020, dans un accord préliminaire entre Washington et Pékin, Trump avait ainsi remporté une première victoire historique contre l’Empire du milieu que beaucoup ont (volontairement ?) oubliée…
Parallèlement, plutôt que d’opter pour une confrontation directe, il est probable que la nouvelle administration Trump cherchera également à contenir la Chine par des alliances renforcées en Asie-Pacifique.
Ce renforcement des alliances voulu par Trump pourrait notamment s’appuyer sur des partenariats stratégiques avec des pays comme l’Inde de son « ami » Modi, l’Australie, le Japon, les Philippines, la Corée du Sud et Singapour et avec des pays émergents comme l’Indonésie et le Vietnam en développant des alliances et des partenariats bilatéraux et peut-être des exercices militaires communs. La protection de Taïwan sera renforcée notamment en redéployant des forces navales et terrestres dans cette région avec par exemple le transfert d’un porte-avions et son escadre actuellement en Méditerranée ou dans l’Océan indien (d’où d’ailleurs sa volonté de stabiliser le Moyen-Orient que nous traiterons plus loin).
Dans une optique réaliste, ces alliances auront pour but de limiter l’influence chinoise dans la région sans provoquer une rupture irréversible entre Pékin et Washington. En outre, l’approche de « découplage économique » entre les deux puissances pourrait se poursuivre, mais de manière graduelle.
Ainsi, comme on l’a dit, plutôt que de risquer un affrontement militaire potentiel dans la région Asie-Pacifique, cette administration pourrait privilégier une stratégie d’endiguement « asymétrique », cherchant à limiter l’expansion économique et politique de la Chine dans le monde, avec autant de coins possibles placés dans l’organisations des BRICS+ en pleine expension, notamment en jetant aux orties les leçons moralisatrices et les ingérences politiques et sociétales très mal vécues jusqu’ici par le fameux « Sud Global », tout en renforçant les investissements américains en Afrique, en Asie et en Amérique latine, où les Chinois sont de plus en plus présents. Cette approche pragmatique s’inscrit dans une volonté de repositionnement stratégique, où l’affrontement avec Pékin n’est pas perçu comme une fin en soi, mais plutôt comme un possible partage du monde et un équilibre à maintenir pour garantir les intérêts américains à long terme.
C’est donc cette « priorité chinoise » défendue par Trump depuis toujours qui conditionnera aussi sa politique en Europe avec notamment la guerre en Ukraine, ses futures relations avec la Russie et enfin, la volonté de paix au Moyen-Orient.
Enfin la paix en Europe et en Ukraine ?
Depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, les États-Unis ont apporté un soutien militaire et financier massif à Kiev. Or comme je l’écrivais en janvier dernier, « même si à court terme le soutien américain à l’Ukraine contre la Russie est bénéfique pour les Etats-Unis (surtout pour son complexe militaro-industriel !) puisqu’ils ont un peu plus vassalisé l’Europe en lui vendant son gaz et ses armes, à long terme cette politique antirusse est, d’un point de vue strictement objectif, une totale absurdité géopolitique. Car pour les États-Unis, la seule et véritable puissance qui menace leur suprématie mondiale (mais aussi l’Europe) c’est la Chine, et non la Russie ». Et dès mars 2022, j’expliquais qu’« au contraire, une stratégie américaine censée aurait été en toute logique un partenariat, voire une alliance avec Moscou contre Pékin. Trump et ses généraux l’avaient très bien compris. C’est pourquoi (…) ils avaient tenté, en dépit du blocage de l’État profond étasunien, une normalisation des relations avec Poutine, dans la droite ligne de l’ancienne et efficace stratégie de Kissinger, visant à toujours séparer Pékin et Moscou », surtout que les « stratèges chinois ne peuvent que se frotter les mains en voyant les Américains, les Européens et les Russes s’étriper à propos de l’Ukraine ».
Trump, de retour à la Maison-Blanche et débarrassé de l’emprise des néoconservateurs et du puissant et trop influent complexe militaro-industriel américain (sauf s’il décide de s’en servir un temps – comme de 2016 à 2018 – pour des raisons de politiques internes ou comme moyen de pression dans ces futures négociations avec les Russes…), voudra « reconsidérer les implications de l’engagement américain » dans ce conflit voire y mettre fin « en 24h » comme il l’a annoncé. Et comme il a la fâcheuse habitude de tenir ses promesses électorales, il est certain qu’il forcera ainsi Zelenski (qu’il méprise et à qui il lui annoncera la fin de l’aide américaine) à négocier la paix afin de pouvoir se « réconcilier » avec Poutine et l’arracher de l’orbite chinoise. Si ce n’est pas trop tard…
Quoi qu’il en soit, les États-Unis de Trump pourraient opter pour ce rôle de médiateur, cherchant à éviter une confrontation directe avec Moscou qui pourrait avoir des conséquences dramatiques pour la sécurité européenne et mondiale. Un tel choix permettrait de mieux servir les intérêts américains en Europe, mais aussi d’éviter l’implication coûteuse et incertaine d’un soutien prolongé à l’Ukraine, qui pourrait s’avérer difficilement tenable sur le long terme face à la lassitude croissante de l’opinion publique américaine et au renforcement du soutien russe par la Chine.
En clair, Trump cherchera à négocier directement avec Poutine, l’intégrité territoriale de l’Ukraine pourrait être partiellement sacrifiée au profit d’une stabilisation à court terme et la reconnaissance officielle de la nature russe des 4 oblats du Donbass annexés ainsi que de la Crimée (Soit 20% du territoire ukrainien comme je l’annonçais déjà en avril 2023). Le président américain garantira également la non-entrée définitive de l’Ukraine dans l’OTAN et une zone démilitarisée comme en Corée qui serait garantie soit par l’OTAN, les États-Unis voire mieux, par l’ONU ou des soldats européens ! En échange, avant d’avoir rafler l’exclusivité pour tous les contrats de la reconstruction du pays (déjà en cours), Trump promettra sûrement à Zelenski tout son soutien afin que son pays puisse intégrer l’UE mais il n’aura pas trop de mal puisque les responsables de Bruxelles, éternels dindons de la farce, sont toujours les premiers pour s’attacher des boulets supplémentaires à leurs pieds…
Enfin, Trump parviendra facilement à renforcer son leadership au sein de l’OTAN tout en obligeant les États membres comme ceux de l’Europe et même l’Ukraine à s’investir davantage dans le financement de l’organisation atlantiste et surtout à n’acheter (exclusivement ?) que du matériel made in USA !
Vers la paix au Moyen-Orient ?
Le Moyen-Orient reste une région centrale pour les États-Unis, bien que la dépendance de Washington au pétrole de la région ait fortement diminué ces dernières années. Les récentes tensions extrêmes entre Israël, le Hamas, le Hezbollah et tous les proxys de Téhéran, ainsi que la menace persistante de l’Iran, posent toutefois un dilemme de taille pour la nouvelle administration.
Or je le rappelle encore une fois, comme je l’ai fait dès le 10 octobre 2023, c’est l’administration Biden qui a la plus grande responsabilité dans cette situation déplorable actuelle : « C’est donc également l’une des inconséquences et des responsabilités de l’administration Biden dans ce nouveau conflit (mais également dans d’autres dans le monde !) : avoir fait de l’idéologie et de l’anti-trumpisme primaire en rouvrant les vannes de ces aides sans contrôle ni garantie. À l’inverse justement de Trump qui lui les avait totalement coupées, ayant compris la vraie source de ces guerres, car sans argent pas de guerre ! Soulignons aussi les efforts de Joe Biden pour réintégrer l’accord sur le nucléaire iranien et la levée discrète de certaines sanctions visant certains responsables iraniens. Ils n’ont été, au vu des piètres résultats obtenus, qu’une série de concessions unilatérales, stériles et humiliantes envers l’Iran, le plus grand soutien du Hamas ».
Rappelons également que c’est l’administration Biden qui interrompit net la grande enquête des services spéciaux américains et de la DEA sur les liens entre le Hezbollah et le narcotrafic international et qui retira les Houthis de la liste américaine (et qui conditionne toutes les autres) des organisations terroristes. Tout cela pour encore « amadouer » l’Iran dans des négociations secrètes qui n’ont jamais abouti… On a vu la suite !
Le président élu a déjà exprimé une certaine fatigue vis-à-vis des conflits interminables du Moyen-Orient.
Dans cette perspective, il est probable que sa politique visera à maintenir un soutien fort et sans réserve à Israël. Un soutien assumé qui lui permettra par la suite (comme il l’a fait avec succès durant son premier mandat) de pouvoir tout demander voire exercer une pression accrue sur les Israéliens et même sur Netanyahou (Trump ayant été d’ailleurs le seul président américain à avoir un quelconque ascendant sur le Premier ministre israélien) pour trouver plus tard une issue au conflit voire qui sait ? relancer son fameux « Big deal » et forcer ainsi l’État hébreu à des négociations de paix avec une Autorité palestinienne régénérée et une nouvelle phase de normalisations avec des pays arabes (qui n’attendent d’ailleurs que ça secrètement). Or il est vrai que pour l’heure, celles-ci semblent peu réalistes dans le contexte actuel…
Mais n’oublions pas que Trump est un businessman retors et que rien n’est gratuit avec lui !
Profitant de la suppression de l’équation du Hamas, du Hezbollah et l’affaiblissement de l’Iran par les Israéliens, Trump réactivera son arme transactionnelle favorite contre le régime de Téhéran : taper au portefeuille (c’est ce que j’appelle « la jurisprudence Capone ») avec une pression maximale économique et le retour à des sanctions plus strictes. Sanctions qui font plus de mal que certains le croient, surtout lorsqu’elles visent les responsables d’un État (comme entre 2016 et 2020)…
Surtout que le régime des mollahs, bien qu’encore solide et impitoyable, est toujours de plus en plus impopulaire chez la majorité des Iraniens et surtout dans la jeunesse. De ce côté-là d’ailleurs, Trump, toujours hostile à une intervention militaire directe, pourrait accentuer toutefois son soutien à l’opposition iranienne voire lancer une série d’« opé-noires » contre la République islamiste…
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En somme, nous l’avons vu et compris, et comme durant sa première mandature, le réaliste Trump veut régler le conflit ukrainien (qui est en train aussi de ruiner littéralement l’UE son principal allié sur l’échiquier mondial) et ceux du Moyen-Orient, pour tout simplement se focaliser pleinement et sereinement contre la principale menace des États-Unis qu’est la Chine. Afin d’effectuer ce recentrage stratégique vital pour l’Empire américain et lui redonner son influence et sa grandeur, il est capital pour Washington de ne plus s’encombrer de conflits chronophages, épuisants, absurdes géostratégiquement parlant et surtout extrêmement coûteux.
De fait donc, la nouvelle administration Trump adoptera une politique étrangère davantage marquée par le pragmatisme et l’équilibre des forces, s’éloignant ainsi des idéaux interventionnistes qui ont souvent caractérisé la diplomatie américaine et qui ont toujours eu des conséquences désastreuses jusqu’ici.
Quoi qu’il en soit, Trump reste imprévisible. C’est d’ailleurs l’adjectif qui le définit le mieux et surtout sa principale force. Nous verrons quelles seront les nominations au Pentagone, à la CIA et au Secrétariat d’État pour y voir plus clair dans son jeu. Des surprises sont possibles. Même si comme il l’a prouvé il y a huit ans, ce seront toujours ses choix géostratégiques qui s’appliqueront.
Or les défis pour Trump sont incommensurables. Il veut entrer dans l’Histoire tel un nouveau César et surtout être le premier président américain qui aura réussi à nettoyer les écuries d’Augias à Washington, à enrayer la décrépitude et le « pourrissement » intérieur de l’Empire et surtout, celui qui, à l’instar de l’un de ses modèles, Ronald Reagan, « le tombeur » du Japon et de l’URSS, sera parvenu à entraver l’avènement du « Siècle chinois » pourtant déjà bien entamé…
Il peut y parvenir. Comme je ne cesse de le rappeler, il n’y a pas de sens de l’Histoire et souvent ce sont un petit groupe d’hommes voire un seul homme qui font cette même Histoire. Par exemple, comme Trump aujourd’hui, Churchill avait fait en 1940 le pari risqué de s’appuyer sur son peuple pour se dresser contre un establishment britannique hostile et changer à lui tout seul le cours des évènements…
Mais même si la relève semble assurée avec son vice-président, le brillant J.D. Vance, Trump n’aura que quatre ans pour accomplir « sa mission ».
D’autant que, ne l’oublions pas, les Empires sont comme les poissons, ils pourrissent toujours et d’abord par la tête ! Car ses principaux et ses plus féroces adversaires ne se trouvent peut-être pas à Moscou et à Pékin mais bel et bien à Washington (et à Bruxelles) ! Et puis un évènement assez grave et plus ou moins « impromptu » pourrait aussi le forcer à faire la guerre et ruiner ainsi tous ses plans…
Enfin, d’ici le 20 janvier 2025 et sa prise de fonction effective, il peut se passer encore beaucoup de choses…
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Roland Lombardi est docteur en Histoire, géopolitologue, spécialiste du Moyen-Orient et des questions de sécurité et de défense. Fondateur et directeur de la publication du Diplomate.
Il est chargé de cours au DEMO – Département des Études du Moyen-Orient – d’Aix Marseille Université et enseigne la géopolitique à Excelia Business School de La Rochelle.
Il est régulièrement sollicité par les médias du monde arabe. Il est également chroniqueur international pour Al Ain. Il est l’auteur de nombreux articles académiques de référence notamment : « Israël et la nouvelle donne géopolitique au Moyen-Orient : quelles nouvelles menaces et quelles perspectives ? » in Enjeux géostratégiques au Moyen-Orient, Études Internationales, HEI – Université de Laval (Canada), VOLUME XLVII, Nos 2-3, Avril 2017, « Crise du Qatar : et si les véritables raisons étaient ailleurs ? », Les Cahiers de l’Orient, vol. 128, no. 4, 2017, « L’Égypte de Sissi : recul ou reconquête régionale ? » (p.158), in La Méditerranée stratégique – Laboratoire de la mondialisation, Revue de la Défense Nationale, Été 2019, n°822 sous la direction de Pascal Ausseur et Pierre Razoux, « Ambitions égyptiennes et israéliennes en Méditerranée orientale », Revue Conflits, N° 31, janvier-février 2021 et « Les errances de la politique de la France en Libye », Confluences Méditerranée, vol. 118, no. 3, 2021, pp. 89-104. Il est l’auteur d’Israël au secours de l’Algérie française, l’État hébreu et la guerre d’Algérie : 1954-1962 (Éditions Prolégomènes, 2009, réédité en 2015, 146 p.). Co-auteur de La guerre d’Algérie revisitée. Nouvelles générations, nouveaux regards. Sous la direction d’Aïssa Kadri, Moula Bouaziz et Tramor Quemeneur, aux éditions Karthala, Février 2015, Gaz naturel, la nouvelle donne, Frédéric Encel (dir.), Paris, PUF, Février 2016, Grands reporters, au cœur des conflits, avec Emmanuel Razavi, Bold, 2021 et La géopolitique au défi de l’islamisme, Éric Denécé et Alexandre Del Valle (dir.), Ellipses, Février 2022. Il a dirigé, pour la revue Orients Stratégiques, l’ouvrage collectif : Le Golfe persique, Nœud gordien d’une zone en conflictualité permanente, aux éditions L’Harmattan, janvier 2020.
Ses derniers ouvrages : Les Trente Honteuses, la fin de l’influence française dans le monde arabo-musulman (VA Éditions, Janvier 2020) – Préface d’Alain Chouet, ancien chef du service de renseignement et de sécurité de la DGSE, Poutine d’Arabie (VA Éditions, 2020), Sommes-nous arrivés à la fin de l’histoire ? (VA Éditions, 2021), Abdel Fattah al-Sissi, le Bonaparte égyptien ? (VA Éditions, 2023).
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