LIVRE – Recension du livre « Les Conséquences Géopolitiques de la Guerre d’Ukraine » d’Éric Denécé : une analyse qui fait écho aux thèses de Gianandrea Gaiani

Par Giuseppe Gagliano, Président du Centro Studi Strategici Carlo De Cristoforis (Côme, Italie).

Le livre Les Conséquences Géopolitiques de la Guerre d’Ukraine, dirigé par Éric Denécé et publié par le Centre Français de Recherche sur l’Intelligence (CF2R), se propose de déconstruire la narration dominante autour de la guerre en Ukraine, remettant en question la version officielle promue par les chancelleries occidentales et amplifiée par les médias mainstream.

Une perspective qui présente des similitudes surprenantes avec les analyses développées ces dernières années par Gianandrea Gaiani, directeur d’Analisi Difesa, qui a souvent dénoncé la myopie stratégique de l’Occident et son approche défaillante du conflit.

L’ouvrage, réalisé avec la contribution d’une douzaine d’experts parmi lesquels des diplomates, des analystes du renseignement et des universitaires, cherche à offrir une vision plus nuancée des événements, échappant aux simplifications propagandistes. L’objectif est clair : expliquer comment et pourquoi la guerre en Ukraine a été transformée par Washington en un bras de fer global avec la Russie, l’Europe étant reléguée au rôle de spectateur et de victime collatérale.

Un conflit sacrifiable : L’Ukraine comme outil de la stratégie américaine

Denécé et ses collaborateurs partent d’un postulat clé : la guerre en Ukraine n’a jamais été une priorité stratégique pour Washington, mais seulement un moyen d’user Moscou et de renforcer l’OTAN. Une position qui fait écho à ce que Gaiani a soutenu, soulignant à plusieurs reprises que l’Occident a utilisé Kiev comme chair à canon dans une guerre d’usure destinée à épuiser les ressources russes sans perspective réelle de victoire pour l’Ukraine.

Les auteurs montrent comment l’aide occidentale, présentée comme inconditionnelle, a en réalité eu un impact limité sur le terrain. Après des années de soutien militaire massif, Kiev se retrouve avec une économie dévastée, des infrastructures en ruines et une position de négociation de plus en plus fragile. Même l’échec de la contre-offensive de 2023 a démontré l’illusion qu’une victoire totale sur l’armée russe était possible, une idée que le Pentagone et les chancelleries européennes continuent de soutenir pour justifier l’envoi d’armes et de financements.

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L’Europe : Le grand perdant de cette guerre

Le livre souligne comment l’Europe, dépourvue de sa propre vision stratégique, s’est laissé entraîner dans un conflit qui l’a finalement endommagée économiquement et politiquement. Les sanctions imposées à la Russie, loin d’isoler Moscou, ont accéléré le processus de détachement du système financier occidental, poussant des pays comme la Chine, l’Inde et l’Arabie Saoudite à développer de nouveaux mécanismes de coopération économique.

Même sur ce point, la lecture de Denécé est étonnamment proche de celle de Gaiani, qui depuis longtemps dénonce la subordination européenne aux États-Unis. L’Union Européenne a aveuglément suivi Washington, acceptant une escalade qui a rendu insoutenable sa sécurité énergétique et a provoqué une hausse des coûts industriels. Ce sont l’Allemagne et l’Italie, autrefois piliers de l’exportation européenne, qui ont payé le prix le plus élevé, pénalisées par la rupture avec la Russie et par la perte de compétitivité face aux économies émergentes.

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Moscou n’est pas tombé : La grande erreur de calcul de l’Occident

Un autre point central du livre est la démonstration de comment les prévisions occidentales sur la chute de la Russie se sont révélées erronées. Washington espérait que les sanctions, la guerre et la pression diplomatique mettraient à genoux le Kremlin. Au lieu de cela, le résultat a été inverse : Moscou a redessiné son économie, renforcé ses capacités militaires et consolidé ses relations avec le reste du monde non occidental.

Denécé souligne que, tandis que les États-Unis continuent de pousser pour une guerre prolongée, la Russie a adopté une stratégie à long terme, jouant sur l’épuisement des aides occidentales et sur le malaise croissant en Europe. Une lecture que Gaiani a souvent réitérée, affirmant que Moscou, loin d’être isolée, a simplement déplacé son centre économique et diplomatique vers le Sud global, laissant à l’Occident le fardeau de soutenir une guerre de plus en plus coûteuse et impopulaire.

L’illusion de la paix : La stratégie de Washington pour prolonger le conflit

Une des réflexions les plus intéressantes du livre concerne la gestion du conflit par l’administration Biden et, maintenant, par celle de Trump. Si d’un côté Biden a cherché à renforcer l’OTAN et à maintenir la pression sur Moscou, de l’autre, Trump pourrait tenter une approche plus pragmatique, visant des négociations qui donneraient un avantage stratégique aux États-Unis sans perdre la face.

Le problème est que ni Washington ni Bruxelles ne semblent véritablement intéressés par une vraie solution diplomatique. L’autorisation des attaques à longue portée en Russie, accordée par l’administration sortante, et les déclarations belliqueuses de Trump montrent que l’objectif n’est pas de clore le conflit, mais de le maintenir actif le plus longtemps possible pour tenir Moscou en échec et consolider l’hégémonie américaine en Europe.

Ici encore, la convergence avec les analyses de Gaiani est évidente : tous deux soulignent que la guerre en Ukraine n’est plus une question de souveraineté nationale pour Kiev, mais une pièce d’une stratégie plus large où l’Ukraine est devenue un champ de bataille secondaire par rapport aux intérêts des grandes puissances.

Une analyse à contre-courant de la crise en Ukraine par l’expert du

Une guerre qui change le monde, mais pas comme l’Occident le voulait

Denécé et son équipe concluent le livre par une réflexion sur la transformation de l’ordre mondial. Loin d’avoir renforcé le leadership américain, le conflit a accéléré la transition vers un système multipolaire où Washington n’est plus le seul arbitre global. Les BRICS se renforcent, la Russie a évité l’isolement et l’Europe se retrouve plus faible et divisée.

Si l’objectif était d’utiliser l’Ukraine pour frapper Moscou et réaffirmer l’hégémonie occidentale, le résultat a été l’inverse : les États-Unis ont montré leur incapacité à contrôler les dynamiques mondiales, tandis que la Russie a trouvé de nouvelles alliances et soutiens.

En résumé, Les Conséquences Géopolitiques de la Guerre d’Ukraine offre une analyse lucide et impitoyable d’une guerre qui s’est révélée être un boomerang pour l’Occident. Une perspective qui s’insère parfaitement dans la lignée des réflexions proposées par Gaiani, confirmant que les critiques de la gestion occidentale du conflit ne sont plus une position isolée, mais une réalité de plus en plus évidente.

Pour ceux qui cherchent une lecture hors des sentiers battus, capable de dépasser la rhétorique officielle, ce livre représente une contribution essentielle à la compréhension des nouvelles dynamiques géopolitiques.

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