
Par Giuseppe Gagliano, Président du Centro Studi Strategici Carlo De Cristoforis (Côme, Italie).
Dans l’imaginaire collectif, la Gendarmerie évoque l’ordre, la discipline et la protection des citoyens. Mais derrière cette institution, se cache une longue histoire qui débute en France au XVᵉ siècle, sous le règne de Charles VII, et qui s’est progressivement étendue à d’autres nations, influençant les structures policières et militaires du monde entier. À travers les siècles, la Gendarmerie a évolué, passant d’une cavalerie lourde d’élite à une force polyvalente capable d’assurer à la fois la sécurité intérieure et la défense nationale.
L’histoire de la Gendarmerie débute au Moyen Âge, lorsque la guerre de Cent Ans fait rage entre la France et l’Angleterre. En 1455, le roi Charles VII, soucieux de renforcer son pouvoir militaire et d’assurer une meilleure organisation des forces armées, décide de créer une unité d’élite sous le nom de “Gens d’armes”, une contraction du terme “Gente d’armes”, désignant les cavaliers lourdement protégés par une armure et armés de lances. Mais ces hommes d’armes ne sont pas de simples guerriers. En plus de leur rôle militaire, ils sont chargés d’assurer la justice et le maintien de l’ordre dans le royaume. C’est là que se dessine ce qui deviendra, plusieurs siècles plus tard, l’essence même de la Gendarmerie : un corps à la croisée des chemins entre l’armée et la police.
Avec le temps, l’institution se modernise. Sous Louis XIII (1601-1643), les gendarmes deviennent un corps spécialisé, chargé de la protection des membres de la famille royale et de certaines missions de police. Sous Louis XIV, la Gendarmerie s’impose comme une force d’élite, utilisée aussi bien sur le champ de bataille que pour des missions de maintien de l’ordre à travers le royaume.
C’est durant la Révolution française et l’époque napoléonienne que la Gendarmerie connaît un tournant décisif. L’abolition des privilèges de l’Ancien Régime entraîne une réorganisation des forces de sécurité. Napoléon Bonaparte, conscient de l’importance d’un corps structuré et discipliné, réorganise la Gendarmerie en légions, compagnies et brigades, avec des unités stationnées à la fois en ville et à la campagne. L’Empire voit ainsi naître la Gendarmerie moderne, telle que nous la connaissons aujourd’hui. Le corps est intégré aux forces militaires, mais il reçoit également des prérogatives en matière de police administrative et judiciaire. C’est un modèle unique, qui influence plusieurs pays européens, notamment l’Italie.
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L’empreinte française sur l’Italie ne se limite pas aux conquêtes napoléoniennes. Dès 1569, sous l’autorité du duc de Savoie Emmanuel-Philibert, certaines unités de cavalerie sont organisées selon le modèle français, et chargées de missions de sécurité publique. Ces unités, initialement conçues pour protéger les élites et surveiller les routes, deviennent des corps permanents à mesure que les États italiens renforcent leur appareil répressif.
Au début du XIXᵉ siècle, le Royaume des Deux-Siciles, alors sous domination napoléonienne, instaure en 1806 la Gendarmerie Napolitaine, une force de police militaire inspirée directement du modèle français. Cette structure sera adoptée par d’autres États italiens, notamment en Toscane, à Venise et à Modène. Avec l’unification de l’Italie en 1861, la majorité de ces forces sont intégrées aux Carabiniers royaux, créant ainsi une force nationale de police à caractère militaire. Malgré cela, certaines petites Gendarmeries continuent d’exister, notamment au Vatican et à Saint-Marin.
À Rome, la Gendarmerie Pontificale voit officiellement le jour en 1816, sous le pape Pie VII. Ce corps, initialement appelé Carabiniers Pontificaux, a pour mission d’assurer la sécurité des États de l’Église, qui, à cette époque, s’étendent bien au-delà des murs du Vatican. Après la prise de Rome par les troupes italiennes en 1870, la Gendarmerie Pontificale est maintenue sous une forme réduite. Avec la signature des Accords du Latran en 1929, le Vatican conserve un corps de sécurité, qui deviendra le Corps de la Gendarmerie de l’État de la Cité du Vatican en 2002. Aujourd’hui, cette force est responsable de la sécurité du pape et du territoire du Vatican, en collaboration avec la Garde suisse.
De son côté, la Gendarmerie de Saint-Marin, fondée en 1842, conserve des liens historiques étroits avec l’Italie. Pendant une grande partie du XXᵉ siècle, des officiers des Carabiniers italiens prennent le commandement du corps, garantissant une coopération constante entre les deux États.
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Si l’influence française sur l’Italie est indéniable, la Gendarmerie s’est également imposée ailleurs dans le monde. Aujourd’hui, plusieurs pays conservent une force de police militaire inspirée du modèle français. En France, la Gendarmerie nationale reste un pilier de la sécurité intérieure, opérant aussi bien en milieu rural que dans la police judiciaire et la lutte contre le terrorisme. En Espagne, la Guardia Civil joue un rôle similaire à celui de la Gendarmerie française. Aux Pays-Bas, la Koninklijke Marechaussee est une force de police militaire aux missions multiples. Au Canada, la célèbre Royal Canadian Mounted Police (Gendarmerie royale du Canada) assure la sécurité sur un territoire immense. En Argentine, la Gendarmería Nacional Argentina est chargée du contrôle des frontières et de la lutte contre le crime organisé.
En 2004, plusieurs pays européens – France, Italie, Espagne, Portugal, Pays-Bas, Roumanie et Pologne – décident de mutualiser leurs forces et créent la Force de Gendarmerie Européenne (FGE), une unité spécialisée dans les opérations de maintien de la paix et de sécurité dans les zones de crise.
Au fil des siècles, la Gendarmerie a su s’adapter aux défis de son temps. Née comme une force d’élite militaire, elle est aujourd’hui un acteur incontournable de la sécurité publique, en France et ailleurs. Son double rôle, à la fois militaire et policier, en fait une institution unique, capable d’intervenir aussi bien en période de guerre que dans la gestion des crises intérieures.
En 2025, alors que la Gendarmerie célèbre ses 570 ans d’existence, elle demeure un modèle de rigueur et d’efficacité, perpétuant une tradition qui a marqué l’histoire de nombreux pays à travers le monde.
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Giuseppe Gagliano a fondé en 2011 le réseau international Cestudec (Centre d’études stratégiques Carlo de Cristoforis), basé à Côme (Italie), dans le but d’étudier, dans une perspective réaliste, les dynamiques conflictuelles des relations internationales. Ce réseau met l’accent sur la dimension de l’intelligence et de la géopolitique, en s’inspirant des réflexions de Christian Harbulot, fondateur et directeur de l’École de Guerre Économique (EGE)
Il collabore avec le Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R) (Lien),https://cf2r.org/le-cf2r/gouvernance-du-cf2r/
avec l’Université de Calabre dans le cadre du Master en Intelligence, et avec l’Iassp de Milan (Lien).https://www.iassp.org/team_master/giuseppe-gagliano/
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