
Par Olivier d’Auzon
L’Afrique. Terre de poussière et de richesses, de révoltes et d’ambitions. Depuis les confins du Sahel jusqu’aux rivages de l’Atlantique, une ombre avance, discrète mais implacable. Celle de la Russie. Non pas lointaine et bureaucratique, mais brutale et efficace. Ses hommes ne portent pas d’uniformes rutilants ni d’insignes dorés. Ils sont parfois clandestins, parfois officiels. Wagner et Africa Corps, deux visages d’une même volonté : établir un corridor d’influence à travers un continent en recomposition.
La Porte d’entrée : Wagner et les Aigles de Libye
À l’aube, la chaleur n’a pas encore envahi les bases aériennes du désert libyen. À Al Jufra, des MiG-29 s’alignent sous des hangars d’acier. Autour d’eux, des silhouettes circulent, méthodiques. Ils ne parlent pas l’arabe, ces hommes. Ils sont Russes. Certains arborent encore les tatouages du Groupe Wagner, d’autres attendent déjà de passer sous la bannière officielle de l’Africa Corps.
La Libye est plus qu’une escale. C’est un pivot stratégique, une base avancée pour déployer l’influence russe vers le Tchad, le Niger et le Soudan. Moscou ne cherche pas ici un pouvoir politique. Elle veut l’espace, le ciel, les routes. Les bases d’Al Khadim, Al Brak al Shati et Al Qurdabiya forment un réseau d’appui pour surveiller, frapper si nécessaire, mais surtout contrôler.
Soudan : L’emprise sur la Mer Rouge
À Port-Soudan, les vents du large portent l’odeur du sel et du kérosène. Ici, Wagner a fait son œuvre en soutenant la junte militaire, et le Kremlin a négocié un traité discret mais redoutable : une base navale russe sur la mer Rouge.
Les Occidentaux sont absents, prisonniers de leurs querelles diplomatiques. La Russie, elle, avance. Une flotte à Port-Soudan, c’est un contrôle sur l’une des routes maritimes les plus stratégiques du monde. C’est aussi un pied posé sur le flanc sud de l’Europe, une alternative aux bases vulnérables de Syrie.
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République Centrafricaine : L’empire Wagner
Si l’on veut comprendre le modèle russe en Afrique, il faut plonger dans l’ombre de Bangui, capitale d’une République Centrafricaine asservie à Wagner. Ici, les mercenaires russes ne sont pas seulement des combattants. Ils sont les maîtres. Ils protègent le président Touadéra, et en échange, ils possèdent tout. Les mines d’or de Ndassima, les ressources, la peur des habitants.
Là où les Français ont échoué, où l’ONU s’enlise, Wagner impose la loi du plus fort. À coups de kalachnikov et de propagande, ils transforment la RCA en colonie économique et militaire. Ce n’est pas une simple présence, c’est une domination.
Mali : La transition de Wagner à Africa Corps
Le Mali fut le joyau de Wagner, le premier État sahélien à chasser la France et embrasser la Russie. Mais Wagner, avec son brutal réalisme, a dépassé les limites. Trop de massacres, trop de haine contre les Touaregs, trop de pression internationale.
En février 2025, la transition se fait. Wagner disparaît, du moins officiellement. Africa Corps prend le relais. Le vernis devient plus acceptable. L’unité dépend du ministère de la Défense russe, se présente comme un allié structuré, un soutien légitime. Les T-90 se déplacent toujours dans le sable du Sahel, les instructeurs parlent toujours russe, mais l’image est lissée. C’est la guerre sous une autre forme.
Niger et Burkina Faso : Remplir le vide Occidental
Les drapeaux tricolores français ont brûlé à Niamey et à Ouagadougou. La France partie, les États-Unis en repli, qui viendra protéger ces jeunes juntes militaires ? Moscou n’a pas hésité.
Avril 2024, les premiers instructeurs de l’Africa Corps débarquent au Niger. Peu après, 400 spécialistes s’installent au Burkina Faso. Ce ne sont pas des aventuriers. Ce sont des formateurs, des techniciens, des experts en contre-insurrection. Ils enseignent aux armées locales, ils encadrent, ils sécurisent.
La recette est simple : sécurité sans conditions. Pas de questions sur la démocratie, pas de sermons sur les droits de l’homme. Juste des armes, des formations, un soutien contre les insurrections djihadistes.
Guinée Équatoriale : L’Ultime Enjeu
Pourquoi Malabo, cette ville discrète sur la côte du Golfe de Guinée ? Parce que la Russie regarde loin.
À la fin de 2024, 200 hommes d’élite russes arrivent en Guinée équatoriale. Leur mission : protéger le vice-président Teodoro Nguema Obiang Mangue, probable successeur du vieux dictateur.
Mais cette mission de protection est un prétexte. La vraie ambition de Moscou, c’est un port. Un port militaire. Avec une base navale ici, la Russie couvrirait la façade atlantique africaine et menacerait les routes maritimes reliant l’Europe à l’Amérique du Sud.
L’Afrique sous Influence Russe : Jusqu’où ?
Les cartes se redessinent. Le corridor russe se trace lentement : du Sahel à l’Atlantique, de Bangui à Niamey. Un empire informel, mais efficace.
L’Europe observe, s’inquiète, mais agit trop lentement. L’OTAN murmure des avertissements, l’Union européenne parle de nouvelles alliances. Mais sur le terrain, les drapeaux changent. Les bases militaires se multiplient. Les routes de l’or, du pétrole et du diamant sont sécurisées.
La question n’est plus : « La Russie peut-elle dominer l’Afrique ? »
La question est : « Qui peut encore l’arrêter ? »
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