
Par Olivier d’Auzon
À la lisière du désert et de l’Atlantique, dans les profondeurs où se rejoignent les eaux sénégalaises et mauritaniennes, une révolution silencieuse est en marche. Le projet gazier Grand Tortue Ahmeyim (GTA) n’est pas seulement un gisement offshore : c’est une expérience géopolitique grandeur nature, une leçon d’ingénierie, de diplomatie et de souveraineté partagée.
Une ligne de faille devenue ligne de force
Ils n’avaient, a priori, pas vocation à s’entendre. La Mauritanie, regard tourné vers le Maghreb et les sables du Sahara. Le Sénégal, ancré dans l’Afrique de l’Ouest francophone, plus préoccupé par le cacao que par les hydrocarbures. Mais sous leurs pieds, ou plutôt à près de 3 000 mètres sous la mer, un gisement géant de gaz naturel bouleverse les équilibres.
Découvert en 2015 par l’Américain Kosmos Energy, développé avec le soutien du britannique BP, GTA réunit aujourd’hui quatre partenaires inédits : les deux majors occidentales, et les compagnies nationales Petrosen (Sénégal) et SMHPM (Mauritanie). La ressource, estimée à plus de 15 trillions de pieds cubes, est exploitée de manière équitable, sur la base d’un accord intergouvernemental de 2018 qui prévoit un partage strict des coûts, des profits et de la gouvernance. Une première en Afrique de l’Ouest, où le gaz devient un vecteur d’unité plutôt que de division.
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L’ingénierie comme instrument de puissance
Le défi n’est pas seulement politique, il est aussi technologique. Une unité flottante de liquéfaction (FLNG) transforme sur place le gaz en GNL, directement en mer. Cette plateforme de haute mer – la plus profonde jamais déployée – propulse la région dans le cercle fermé des nations capables de produire du gaz liquéfié de manière autonome.
Ce saut technologique place Dakar et Nouakchott dans une position nouvelle : celle de fournisseurs fiables sur un marché global en recomposition. Alors que les chaînes d’approvisionnement se réorganisent et que les besoins énergétiques européens et asiatiques s’intensifient, le gaz ouest-africain s’impose comme une alternative stratégique.
Washington, sentinelle discrète
La récente visite à Washington des présidents Bassirou Diomaye Faye et Mohamed Ould Ghazouani n’a pas échappé aux observateurs. Sous couvert de coopération bilatérale, c’est bien la sécurisation du projet GTA qui est en toile de fond. Les États-Unis, déjà engagés via Kosmos, souhaitent garantir que cette source énergétique soit stable, durable et intégrée aux circuits transatlantiques.
Il ne s’agit pas d’un alignement forcé, mais d’un intérêt mutuel. Le Sénégal et la Mauritanie cherchent des garants, pas des maîtres. Les Américains, de leur côté, y voient une opportunité de bâtir un pilier de stabilité dans une région fragile. GTA devient alors plus qu’un projet énergétique : c’est un nœud stratégique, à la croisée des routes commerciales, des enjeux sécuritaires et des équilibres diplomatiques.
Une enclave de coopération dans un environnement tourmenté
Autour du GTA, l’instabilité progresse. Les voies terrestres s’effritent, les routes maritimes sont scrutées, les courants politiques deviennent plus imprévisibles. Mais sur cette frontière maritime, la coopération résiste, mieux : elle se renforce. C’est là toute la force du projet. Il impose une discipline, une gouvernance partagée, une transparence rare dans la sous-région.
Pour durer, il faudra protéger cette enclave de stabilité. Par la technologie – drones, cybersécurité, satellites. Par la diplomatie – accords navals, coopération transfrontalière. Et surtout, par la confiance. Car GTA n’est pas qu’un gisement de gaz : c’est une fabrique de souveraineté, un modèle de co-développement, dans une région qui cherche ses repères.
Vers une diplomatie du gaz made in Afrique
L’Afrique de l’Ouest, souvent reléguée aux marges du grand jeu énergétique, prend ici sa revanche. Non par les armes, mais par le contrat. Par la technique. Par la vision. GTA, c’est le laboratoire d’un continent qui veut parler d’égal à égal, qui construit au lieu de subir.
Ce gisement pourrait bien, demain, alimenter l’Europe. Mais il alimente déjà une idée puissante : celle d’une Afrique qui articule souveraineté et partenariat, indépendance et ouverture.
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