ANALYSE – La promesse du chemin de fer Chine-Kirghizistan-Ouzbékistan redessine l’échiquier eurasiatique

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chemin de fer avec des trains de marchandises sur une carte d'Asie centrale
Réalisation Le Lab Le Diplo

Par Olivier d’Auzon

Dans les montagnes escarpées du Kirghizistan, où les cimes enneigées touchent presque le ciel, un projet longtemps rêvé prend enfin vie. Le chemin de fer Chine-Kirghizistan-Ouzbékistan (CKU), serpentant à travers ces paysages grandioses, reliera Kashgar, en Chine occidentale, à Andijan, au cœur de l’Ouzbékistan.

Une ligne de fer et d’ambition, capable de transporter 10 à 12 millions de tonnes de fret chaque année, vient bouleverser les routes traditionnelles et les équilibres géopolitiques.

L’inauguration officielle, célébrée dans un mélange de pragmatisme et de fierté nationale, marque la fin d’un rêve ajourné pendant trois décennies. Dès l’effondrement de l’Union soviétique, l’idée d’un corridor reliant ces nations exsangues mais ambitieuses avait germé. Mais entre les instabilités politiques au Kirghizistan et l’ombre pesante de la Russie, farouchement opposée à un projet contournant son territoire, le CKU semblait condamné à rester un mirage.

Puis, le monde bascula.

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Un projet façonné par la guerre et l’économie

La guerre en Ukraine, avec son cortège de sanctions et d’isolement pour Moscou, fut le catalyseur inattendu. Les routes passant par la Russie devinrent périlleuses, incitant les nations d’Asie centrale à tourner leurs regards vers l’Est, là où l’Empire du Milieu tendait sa main de fer. Pékin, déjà omniprésent dans la région par ses investissements massifs et ses accords de sécurité, y vit une opportunité de plus pour asseoir sa domination.

En mai 2024, le président kirghiz Sadyr Japarov lança un cri de ralliement : “Les travaux commenceront cette année.” En juin, les financements furent bouclés, avec une part majoritaire pour la Chine (51 %) et le reste divisé équitablement entre le Kirghizistan et l’Ouzbékistan. Cette alliance inattendue, cimentée par l’urgence économique et géopolitique, marque un tournant historique.

Mais derrière les discours officiels, l’Histoire est celle d’un basculement silencieux. Car Moscou, autrefois le maître incontesté de l’Asie centrale, regarde désormais ces terres lui échapper. Engluée dans son conflit ukrainien, dépendante des biens chinois pour alimenter son effort de guerre, la Russie est réduite à un spectateur impuissant.

Un vent de changement sur l’Asie centrale

Sur les quais d’Andijan, les commerçants ouzbeks rêvent déjà des débouchés que cette nouvelle ligne leur offrira : des connexions rapides avec la mer Caspienne, la côte géorgienne de la mer Noire, et, au-delà, l’Europe. À Anaklia, sur les rives géorgiennes, les ouvriers chinois travaillent jour et nuit à construire un port en eaux profondes, pierre angulaire de cette nouvelle route commerciale.

Pour l’Asie centrale, isolée et contrainte depuis des siècles à des relations commerciales asymétriques, le CKU est plus qu’un chemin de fer : c’est une promesse d’ouverture. Les fruits de ses champs, les minerais de ses montagnes et l’énergie de ses steppes pourraient enfin atteindre les marchés mondiaux, libérant la région d’une dépendance historique envers Moscou.

Mais tout n’est pas rose. Les rivalités géopolitiques persistent. Le Kazakhstan, pilier des routes commerciales entre l’Est et l’Ouest, voit d’un mauvais œil son rôle de carrefour menacé. Les États-Unis et l’Union européenne, qui applaudissent l’affranchissement de la région de l’influence russe, s’inquiètent cependant de l’emprise croissante de la Chine, cette “puissance douce” devenue omniprésente.

Un pari risqué, mais prometteur

Pourtant, même avec ses promesses, le CKU demeure néanmoins un pari. Les coûts colossaux de sa construction, les défis techniques liés au tracé dans des montagnes inhospitalières, et les incertitudes liées à l’économie chinoise en ralentissement pourraient freiner sa réalisation. Mais pour les hommes et les femmes des vallées kirghizes et ouzbèkes, pour ces peuples qui ont vu passer des siècles de caravaniers et de conquérants, cette voie ferrée est plus qu’une simple ligne de métal : c’est un passage vers un avenir plus libre, plus connecté.

Les locomotives n’ont pas encore démarré, mais déjà, le souffle du changement parcourt les plaines et les montagnes de l’Asie centrale.

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