DÉCRYPTAGE – Gaza : Le mirage américain de Donald Trump ?

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Donald Trump réuni avec des dirigeants du Moyen-Orient et du monde musulman autour d’une table diplomatique, entouré des drapeaux des États-Unis, du Qatar, de la Turquie, de la Jordanie, du Pakistan, de l’Égypte, de l’Indonésie et de l’Arabie saoudite, lors d’un sommet international sur Gaza et la paix au Proche-Orient.
Capture d’écran

Par Olivier d’Auzon

Quand la diplomatie contractuelle se heurte aux passions de l’Histoire

Un plan conçu comme un contrat immobilier

Donald Trump ne change pas de méthode. Depuis ses débuts, il aborde la diplomatie comme une négociation immobilière : fixer des clauses, échanger des contreparties, promettre des constructions. Son « plan en 21 points » pour Gaza dont The Washington Pos t( ” Trump’s Gaza peace plan leaves door ajar for Palestinian statele 27 septembre 2025) a révélé les grandes lignes, en est l’illustration parfaite. 

Le document, présenté aux Nations unies, prévoit un cessez-le-feu immédiat, la restitution de vingt otages, la remise de trente corps, la destruction de l’arsenal du Hamas, et enfin un grand programme international de reconstruction.

Pour l’ancien président américain, l’équation paraît simple : stopper la guerre, rendre les prisonniers, rebâtir les infrastructures, puis ouvrir une « voie crédible » vers un État palestinien. Mais la simplicité contractuelle se heurte au réel de l’Orient compliqué, où la mémoire des humiliations et la force des passions nationales balaient souvent la froide rationalité des ingénieurs de paix.

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L’impossible désarmement du Hamas

Le premier obstacle est clair : exiger du Hamas qu’il détruise ses armes offensives. L’histoire enseigne que jamais une guérilla n’a accepté de se désarmer avant d’obtenir des garanties politiques tangibles. L’IRA en Irlande du Nord n’a consenti à rendre une partie de son arsenal qu’après l’Accord du Vendredi saint de 1998, lorsque Londres et Dublin avaient garanti aux républicains une représentation et un partage du pouvoir. Au Liban, le Hezbollah, plus puissant encore, n’a jamais rendu ses roquettes.

Comment croire que le Hamas, qui a bâti son identité sur la lutte armée, consentira à se désarmer au moment où Benjamin Netanyahou proclame devant l’Assemblée générale de l’ONU qu’il faut « finir le travail », autrement dit éradiquer l’organisation islamiste ? On ne négocie pas avec un acteur dont on nie par avance le droit d’exister. L’exigence américaine relève davantage du vœu pieux que d’une base réaliste de règlement.

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La reconstruction sans horizon : promesses et désillusions

Trump promet la reconstruction de Gaza : hôpitaux, boulangeries, centrales électriques. L’ONU et des ONG seraient chargées de superviser les chantiers. Mais qui financera ? Qui protégera les ingénieurs et les humanitaires, alors que la bande de Gaza reste l’un des territoires les plus dangereux du monde ?

L’histoire regorge de promesses de reconstruction non tenues. Depuis vingt ans, les conférences internationales se sont succédé sur Gaza, annonçant des milliards de dollars qui se sont évaporés faute de mécanismes clairs ou de sécurité sur le terrain. On pense à la Bosnie d’après Dayton, où des ponts et des routes furent bien reconstruits, mais où le pays demeura sous tutelle, sans horizon politique clair. Car le développement économique ne peut pas précéder la souveraineté : il en dépend.

Rebâtir Gaza sans régler la question de l’État palestinien, c’est bâtir des châteaux de sable au bord de la mer. À la première vague de violence, tout s’effondre.

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Un État palestinien en pointillé : l’éternelle promesse

Le cœur du plan réside dans une formule : a « credible path » vers un État palestinien. L’expression est choisie avec soin : ni promesse ferme, ni échéance, mais un horizon vague, suspendu à des réformes incertaines. On retrouve ici l’ombre des accords d’Oslo de 1993, qui prévoyaient une autonomie intérimaire devant mener à un État. Trente ans plus tard, les Palestiniens attendent toujours.

À Washington, on espère sans doute rassurer les monarchies du Golfe et les 150 pays qui reconnaissent déjà la Palestine. Mais les Palestiniens, eux, ne s’y trompent pas : ils voient dans cette prudence une nouvelle esquive. Et côté israélien, Netanyahou, qui gouverne avec une phalange messianique, n’a jamais caché son refus d’un État palestinien souverain. La contradiction est flagrante.

La tentation des forces internationals

Pour sécuriser le plan, Washington propose une « International Stabilization Force » composée de pays arabes. Les soldats israéliens se retireraient progressivement, tout en gardant une présence de « périmètre », formule vague qui rappelle les zones tampons des guerres froides.

Mais qui peut croire à l’efficacité d’une telle force ? L’exemple de la FINUL au Liban est parlant : mandat flou, efficacité contestée, absence de volonté politique des contributeurs. Quant aux mandats britanniques et français de l’entre-deux-guerres, ils devaient être temporaires ; ils durèrent des décennies, nourrissant rancunes et révoltes. Qui, dans le monde arabe, accepterait d’envoyer ses soldats mourir pour Gaza, sous la menace des deux camps ? Pas même l’Égypte, voisine, n’y songe.

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Berlin, Belfast, Sarajevo : les leçons de l’histoire

Certains comparent Gaza à Berlin-Ouest, enclave assiégée au cœur de la guerre froide. Mais à Berlin, les Occidentaux avaient pris un engagement clair : défendre militairement la ville contre Moscou, au prix de l’affrontement. Rien de tel à Gaza, où aucune puissance ne garantit aux Palestiniens leur survie face à Israël.

À Belfast, l’IRA n’a rendu ses armes qu’une fois un accord politique crédible signé, qui lui assurait reconnaissance et dignité. À Sarajevo, les milliards de la reconstruction internationale n’ont pas suffi à créer une souveraineté véritable : la Bosnie demeure sous perfusion diplomatique, trente ans après Dayton. Ces trois précédents montrent que la paix ne se décrète pas par en haut, ni par la seule injection de milliards, mais par la reconnaissance réciproque des protagonistes.

Trump, Netanyahou, Hamas : le triangle d’impossibilités

Le plan Trump se heurte à trois volontés contradictoires. Washington veut un cessez-le-feu et une sortie honorable pour les Arabes. Netanyahou veut la destruction de Hamas, et refuse par avance tout État palestinien. Hamas, enfin, refuse de se dissoudre sans obtenir reconnaissance politique et dignité nationale. Entre ces trois logiques, l’accord de Washington ressemble à une équation impossible.

L’Amérique face à l’Orient compliqué

Le mérite du plan est réel : il rappelle que l’Amérique demeure la seule puissance capable de convoquer Israéliens et Arabes autour d’une table. Mais il illustre surtout l’écart abyssal entre la vision contractuelle des diplomates américains et les réalités du Levant. On ne pacifie pas Gaza comme on signe un contrat d’hôtel à Las Vegas.

Tant qu’Israël refusera d’offrir aux Palestiniens un État véritablement souverain, et tant que les Palestiniens croiront que seule la lutte armée protège leur dignité, aucun plan, fût-il signé en grande pompe à la Maison-Blanche, ne transformera Gaza en havre de paix.

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