Le Grand Entretien du Diplomate avec Alain Dolium, fondateur et CEO du groupe T4H

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Portrait d'Alain Claude Dolium, fondateur du groupe T4H – Technology for Humanity, sur fond de planète Terre et satellites, symbolisant la souveraineté numérique, la diplomatie technologique et l’impact global de l’innovation digitale au service du développement durable.
Réalisation Le Lab Le Diplo

Alain Claude Dolium est un entrepreneur et dirigeant indo-martiniquais, ancien cadre chez DHL, CBS Outdoor et Connectik,  engagé depuis plus de 25 ans dans l’innovation sociale et économique, la diversité et l’inclusion numérique. Il a exercé des responsabilités publiques en France, notamment en tant qu’auditeur au C.H.E.D.E rattache au Ministère des Finances (Bercy). 

En 2020, il fonde T4H – Technology for Humanity, un groupe international dont la holding est basée à Londres, dédié à la création d’écosystèmes numériques inclusifs alignés avec les Objectifs de Développement Durable. À travers ses déploiements en France, au Royaume-Uni et en Afrique, T4H mise sur la coopération technologique, le développement de pays émergents et la consolidation de la paix. Ce dialogue s’inscrit dans la tradition du réalisme diplomatique et du pragmatisme géopolitique.

Propos recueillis par Angélique BOUCHARD 


Le Diplomate : Après plusieurs décennies dans le secteur privé et des engagements publics en France, vous avez lancé T4H en 2020. Qu’est‑ce qui vous a conduit à créer ce groupe dédié au “Tech for Good”, et comment résumez‑vous aujourd’hui sa mission centrale ? 

Alain Dolium : T4H constitue la synthèse d’un parcours de plus de 26 ans jalonné par des responsabilités de haut niveau dans le secteur privé en tant que responsable du changement, notamment la transformation digitale pour des groupes tel que DHL ou CBS, mais aussi en tant qu’expert en matière de politique publique visant à améliorer les conditions de vie des plus vulnérables grâce à l’innovation sociale et économique adossée à une solide base technologique. Le groupe T4H est né lors du premier confinement pendant l’expansion du Covid 19 avec pour idée première de concevoir un nouvel écosystème numérique en faveur de celles et ceux qui n’ont pas un accès aisé aux services essentiels allant de l’éducation à l’emploi, de l’inclusion financière au logement, de la santé a la protection civile. Cela notamment sur fond de ‘’ economic recovery’’ post Covid -19. A ce titre, un mois à peine après notre création l’état Français à travers France Travail nous a fait confiance pour favoriser le retour à l’emploi de milliers de chômeurs à travers un dispositif que nous avons baptisé C-Tab. Ce dernier permettant d’accélérer l’employabilité à travers une tablette intégrant des contenus de formation profilés, tout en collectant des informations permettant d’améliorer l’efficacité des politiques publiques en matière de retour à l’emploi via le levier numérique. La mission centrale de T4H prenait donc vie, quelques semaines après sa création : ‘’favoriser l’accès aux services essentiels pour les plus vulnérables grâce à un usage pertinent et adapté de la technologie.’’


Vous positionnez T4H comme un acteur de la coopération Nord–Sud. Comment transposez-vous concrètement cette vision dans vos projets ? Quelles formes de diplomatie numérique le numérique peut‑il porter à l’échelle internationale ?

Tout à fait, T4H a pour vocation de favoriser une nouvelle forme de dialogue entre le nord et le sud, je dirais même le sud global au regard de notre écosystème partenaire qui va de l’Afrique en passant par le Moyen Orient jusqu’à la Chine. Nous entendons à longueur de temps que l’Afrique est l’avenir de l’Europe et pour autant, moi qui travaille avec de très nombreux états africains depuis plus de 15 ans, je ne fais que constater chez beaucoup d’entités européennes, publiques et privées. L’usage de méthodes de collaboration euro-centrées, incapables d’appréhender sereinement, pour ne pas dire intelligemment et objectivement, les nouvelles dynamiques du continent africain. Nouvelles dynamiques telles que, et de manière non exhaustive, la multipolarité active, la revendication de souveraineté économique et militaire, l’industrialisation locale, les écosystèmes technologiques dynamiques, l’économie circulaire, la renaissance panafricaine, l’hybridation des conflits ou la mobilisation transcontinentale. 

Dana ce contexte, T4H aide les états africains à structurer une diplomatie numérique d’influence, de partenariat gagnant-gagnant et d’impact. Ainsi T4H comme architecte d’écosystème Tech for good est un appui technique et financier aux gouvernements et collectivités pour des plans de transformation numérique responsables, résilients et locaux. Le premier smartphone citoyen de T4H (NALA) est l’expression la plus concrète de cette diplomatie numérique, car plus qu’un smartphone c’est un outil permettant aux populations vulnérables d’accéder en quelques clics aux services essentiels et notamment ceux de l’états, tout en permettant à ces mêmes états de créer leurs propres Datasets, de bénéficier de l’installation si souhaité de nos unités d’assemblages clef en main afin de renforcer des compétences de pointe ainsi que l’entrepreneuriat numérique local grâce à notre T4H Talent Program. J’ose dire que la création de ses propres datasets est vital si les pays Africains veulent assurer leur souveraineté numérique, décoloniser l’IA et les algorithmes, renforcer ses politiques locales et stimuler ses économies locales. En bon français ‘’at the end of day’’l’écosystème numérique NALA développé par T4H a pour agenda très clair d’aider les pays d’Afrique à créer leur propre dataset. Ce n’est pas une envolée lyrique c’est une réalité d’implémentation en cours à laquelle nous participons activement. 

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En Afrique francophone (Côte d’Ivoire, RDC…), vous avez mené des programmes touchant sport, inclusion et cyber-souveraineté. Quelles sont les retombées tangibles pour les populations locales et les États partenaires ? Vous considérez-vous comme un acteur de codéveloppement ? 

Effectivement en 2018, avant la création officielle de T4H, nous avons dessiné et implémenté un programme de renforcement des capacités du monde du sport en Côte d’Ivoire baptisé I-Sport avec un plateforme de moyens numériques permettant au Ministère des Sports de dialoguer de manière continue et constructive avec leurs 42 fédérations sportives pour 185 000 licenciés, les aider à établir leur projet sportif tout en suivant le bon usage du financement alloué. Au niveau des fédérations et des clubs de sport, les actifs numériques innovants déployés permettaient d’optimiser la gestion, le marketing et d’amplifier la monétisation des évènements sportifs. S’agissant des pratiquants, un des enjeux clef du programme I-Sport, cela consisté a déployer la première licence de sport ‘’intelligente’’ et socialement responsable favorisant l’accès à l’éducation, une bourse au matériel sportif, aux logements ou alors une assurance digitale au tiers payant afin de pratiquer son sport sans crainte des frais d’hospitalisation en cas de blessure. Enfin, pour les sportifs professionnels, considérés comme des actifs économiques monnayés à l’échelle mondiale nous avons développé le premier indice (big data) mixant performance sportive et performance marketing afin d’offrir la possibilité a ces mêmes athlètes de négocier leur talent a la juste valeur du marché, in fine de ne plus être bradés sous prétexte qu’ils auraient été formés sur le continent africain. 

En RDC, nous avons bâti le village des athlètes dans le cadre de jeux de la Francophonie en juillet 2023, cela grâce à des technologies innovantes combinant modulaires, steel et shed structure fruit de processus de préfabrication dans nos usines chinoises dont la puissance de production qualitative est mondialement reconnue. Cette cité, au départ dédié à 4000 athlètes,  est en cours de transformation  (post jeux)afin d’en faire un bassin de vie associé à des services numériques permettant d’améliorer les conditions de vie de 27 millions de Congolais et créer un dataset congolais pour aller vers une souveraineté numérique. Pour se faire nous travaillons main dans la main avec l’état et notamment le Conseil National de Cyber-sécurité.

A travers ces deux exemples, on peut effectivement dire que T4H est un acteur du Co développement avec des solutions écosystémiques à la fois technique et financière, innovantes mais toujours adapté a la réalité sociologique et économique du pays partenaire.  

 
Votre approche associe technologie et construction de la paix. Peut‑on réellement bâtir de la paix par le développement numérique ? Quels sont, selon vous, les leviers clés pour transformer la fracture numérique en facteur de stabilité sociale ? 

Un acteur tel que T4H tout autant que d’autres sur le segment de la Tech For Good, peut et doit contribuer à bâtir la paix par le truchement du développement numérique, à condition d’agir de manière systémique, territorialisé et centré sur l’humain. La fracture numérique est aujourd’hui à la fois un risque de déstabilisation (marginalisation, exclusion, manipulation) et une opportunité de réinclusion (accès à l’information, a l’éducation, a l’économie, a la participation citoyenne). La fracture numérique est aujourd’hui un marqueur des inégalités profondes qui alimentes les conflits : exclusion des jeunes, défiances envers les institutions, absences de services essentiels. La diplomatie numérique de la paix portée par T4H peut transformer cette fracture en levier de reconstruction, de cohésion et de résilience, notamment dans les zones fragiles, post conflits ou en transition. 

T4H a dessiné 6 leviers stratégiques pour faire du numérique un faiseur de paix. Ces leviers sont les suivants : 

  1. L’inclusion numérique comme pilier de justice sociale : l’accès au numérique ne doit pas être une récompense circonscrite aux plus nantis, mais un droit fondamental 
  2. L’éducation numérique comme rempart contre la radicalisation : L’ignorance numérique est un terrain fertile pour la manipulation, l’extrémisme et la résignation 
  3. Une gouvernance numérique inclusive pour la confiance sociale : la défiance envers les institutions est une source majeure d’instabilité, Le numérique peut y remédier. 
  4. La création de datasets locaux : sans données pas d’anticipation. Sans anticipation, pas de prévention des conflits. 
  5. La mise en place d’une économie numérique pour la dignité et la réintégration : le chômage structurel alimente la colère, l’exode et le conflit, Le digital peut créer une nouvelle économie de la paix 
  6. La définition d’un narratif numérique panafricain pour déconstruire les conflits : l’arme principale des conflits modernes, c’est l’information. Ou sa manipulation. 

La souveraineté numérique et la puissance douce sont aujourd’hui des enjeux stratégiques internationaux. Comment T4H se positionne‑t‑il face à l’influence des grandes puissances ou entreprises tech, notamment en zones fragiles ou émergentes ? 

C’est une excellente question car le monde la tech peut paraître parfois difficile à déchiffrer quand à ces véritables intentions ! Ainsi T4H, entreprise a mission, acteur reconnu de la Tech For Good se positionne non pas en opposition face aux grandes puissances et les Big tech (GAFAM, BATX, etc…) mais comme un acteur d’équilibre, entre puissance publique, souveraineté locale, besoins des populations et innovation éthique, sans pour autant omettre les nécessaires ratios de rentabilité.  T4H décline une stratégie fondée sur l’agilité diplomatique, la proximité terrain, la neutralité éthique et la co-construction inclusive.

Ainsi notre positionnement est structuré autour des 5 axes suivants :

  1. T4H est de plus en reconnu, notamment par les États africains, comme une alternative crédible, agile et éthique aux logiques de puissance et de prédation. T4H n’est ni une filiale d’intérêts étrangers, ni un bras armé de lobbying.
  2. T4H a choisi d’investir la diplomatie technologique de proximité et devient de plus en plus une interface locale-tech-stratégique dans des zones grises où les États et grandes firmes manquant de capacité d’adaptation réelle aux us codes et coutumes, échouent. Pour se faire nous mettons en place des ‘’Digital peace missions’’ avec des indicateurs d’impact local grâce à notre partenariat avec le Do Tank Impactability
  3. T4H a créé des alliances stratégiques sud-sud et multi-acteurs. Dans un paysage ‘’faussement’’ encombré T4H s’est muer en architecte de coalitions régionales et éthiques de la Tech For Good. Nous avons réussi cela à travers notre programme ‘’T4H Talent Academy’’
  4. T4H n’a pas pour vocation à subir l’influence géo Tech, mais l’anticiper, la décrypter et la transformer, toujours grâce à notre partenariat stratégique avec le Do Tank Impactability, En effet, nous sommes en train de finaliser un Digital Power Index – Afrique. 
  5. Enfin, T4H finalise la co-création d’un label ‘’Tech for good’’ permettant de certifier des projets conformes à des critères éthiques locaux. Cette initiative permet de construire une diplomatie de terrain, orientée par l’écoute, l’adaptabilité et l’impact social, Nous sommes effectivement convaincus que la confiance populaire ne s’achète pas !


Face aux crises et aux défis sanitaires, écologiques et politiques des décennies à venir, quelle est votre vision de l’emploi du numérique pour le développement durable ? Et comment T4H compte-t-il se structurer pour garantir son autonomie, son impact et sa crédibilité sur le long terme ? 

Votre question est la fois stratégique et existentielle pour un acteur comme T4H. Elle touche au cœur du rôle du numérique dans un monde instable, où conflits armés, crises sanitaires, climatiques, sociales et politiques convergent et se renforcent sur fond de changement du centre de gravité économique au profit du sud global. Tout d’abord La vision de T4H c’est de faire du numérique un accélérateur de transformation systémique et notamment afin de permettre aux états partenaires de passer d’un capitalisme extractif a une économie de régénération. 

Par ailleurs, T4H est en train de muscler ses capacités internes de R&D en IA, Data, blockchain, egde computing, Bien évidement nous n’excluons pas l’option d’avoir également nos propres data center. 

Nous avons également des négociations très poussées avec des acteurs financiers spécialistes dans l’impact, tant nos premiers résultats d’impact et financiers ont été jugées prometteurs après 4 ans de croissance continue. Ces résultats ont également contribué à assurer une certaine crédibilité internationale, comme si T4H était en train de se muer en porte-voix Tech du Sud Global pour aussi un new deal Europe – Afrique. Je pense que T4H, nonobstant le modèle économique,  peut être à l’Afrique ce que Pantagonia est à l’écologie ou ce que la Croix Rouge est à l’humanitaire, mais dans le champs du numérique. 

En clair, un levier a la souveraineté numérique, une force morale, une puissance d’impact et un rempart face aux dérives technologiques globales. 

À lire aussi : REPORTAGE – T4H – Technology for Humanity : Le Tech for Good au cœur de l’action


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