
Par Giuseppe Gagliano, Président du Centro Studi Strategici Carlo De Cristoforis (Côme, Italie)
Les raisons cachées du conflit OTAN-Russie
Dans le récit dominant du conflit en Ukraine, la séquence des événements est souvent compressée en une narration simpliste : une agression soudaine, un peuple héroïque, une solidarité internationale. Mais sous la surface des slogans se cache une réalité plus profonde, patiemment construite au fil des années, tenue secrète dans les chancelleries et les services de renseignement. Une guerre par procuration, qui a transformé l’Ukraine en champ de bataille entre puissances nucléaires et l’Europe en spectatrice complice et vulnérable.
La longue marche vers la guerre
Dès 2015, après le coup d’État de Maïdan et l’annexion de la Crimée, l’OTAN a mis en place un programme systématique de formation, d’équipement et de réorganisation des forces armées ukrainiennes. Des milliers de soldats ont été formés chaque année par des instructeurs américains, britanniques et canadiens. Le Wall Street Journal a documenté comment, en huit ans, l’ensemble de la structure de commandement ukrainienne a été remodelée pour s’aligner sur les standards de l’OTAN. Les officiers ont adopté des doctrines occidentales, les troupes ont participé à des manœuvres multinationales, et le parlement ukrainien a été encadré par des « superviseurs » atlantistes. Tout cela s’est fait alors que, officiellement, l’Ukraine n’était pas membre de l’Alliance.
Parallèlement, les services de renseignement — en particulier la CIA et le MI6 — ont construit un partenariat opérationnel toujours plus étroit avec le SBU et le GUR ukrainiens. Depuis 2016, comme l’a révélé le New York Times, la CIA finance et structure un réseau de bases d’espionnage à travers toute l’Ukraine. Objectif : surveiller les mouvements russes et préparer une capacité de réponse instantanée. Cet appareil a permis, dès février 2022, de frapper des cibles stratégiques comme le croiseur Moskva ou des généraux russes de haut rang, dont le chef d’état-major, qui a échappé de peu à une tentative d’élimination.
La guerre de l’ombre et les règles violées
Ces actions, bien que masquées par une stratégie de déni plausible, ont violé les « règles non écrites » censées éviter une escalade entre puissances nucléaires. L’élimination, avec le soutien de la CIA, d’un général russe de premier plan a frôlé la ligne rouge stratégique. Mais ce ne fut pas un cas isolé. Des documents confidentiels, confirmés par Newsweek, Associated Press et The Times, révèlent la présence en Ukraine de forces spéciales françaises, britanniques et américaines engagées dans des opérations secrètes à haut risque politique et militaire.
En février 2024, le chancelier allemand Olaf Scholz a publiquement dénoncé l’implication directe de la France et du Royaume-Uni dans la planification d’attaques contre la flotte russe en mer Noire et en Crimée. Les missiles SCALP-EG et Storm Shadow, fournis par Paris et Londres, ont été utilisés pour frapper Sébastopol, des sous-marins et des navires amphibies. Scholz a souligné que la Bundeswehr ne devait en aucun cas être impliquée dans la désignation des cibles, admettant ainsi, en creux, que la France et le Royaume-Uni l’étaient.
Une escalade délibérée
Le véritable tournant s’est produit en avril 2022, lors des négociations d’Istanbul entre Kiev et Moscou. Un cessez-le-feu semblait à portée de main. Mais la visite surprise du Premier ministre britannique Boris Johnson, le 9 avril, y a mis fin. Selon plusieurs sources, Johnson aurait ordonné à Zelensky de ne signer aucun accord avec Poutine, assurant que l’OTAN garantirait la victoire militaire. L’ancien Premier ministre israélien Naftali Bennett, alors médiateur, a confirmé cette version.
Dès lors, la guerre est devenue une stratégie, non une circonstance. Le Congrès américain a débloqué un paquet d’aide militaire de 61 milliards de dollars. Les missiles ATACMS, avec une portée de 300 km, ont commencé à frapper la Crimée. Ben Hodges, ancien commandant des forces américaines en Europe, a résumé l’objectif : rendre la Crimée « inhabitable » pour l’armée russe.
Mais cette campagne a réveillé un risque longtemps latent : celui de l’arme nucléaire. James Acton, du Carnegie Endowment for International Peace, a rappelé que, selon la doctrine russe, la Crimée est territoire national. Une attaque contre elle peut justifier, aux yeux du Kremlin, une riposte atomique. Vladimir Poutine l’a confirmé en juin 2024 : tout assaut mené par un État non nucléaire mais soutenu par une puissance nucléaire sera considéré comme une agression conjointe contre la Russie.
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Cobelligérance et dissimulation
Cette cobelligérance occidentale — clandestine mais de plus en plus flagrante — est niée par des gouvernements qui continuent d’affirmer leur « neutralité ». Pourtant, selon la jurisprudence du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, la planification et la supervision d’opérations militaires équivalent à une participation active. En Ukraine, ces critères sont amplement remplis.
En juin 2024, des missiles ATACMS ont frappé un centre spatial russe en Crimée. L’explosion, qui a causé des pertes civiles, a provoqué une riposte diplomatique immédiate : la Russie a accusé directement Washington, réactivé ses programmes nucléaires à moyenne portée et entamé une révision de sa doctrine stratégique.
Dans le même temps, la Royal Navy et les Royal Marines britanniques menaient des opérations discrètes. Le général Robert Magowan a admis que ces missions présentaient un « risque politique et militaire élevé ». Et pourtant, ni le Parlement britannique, ni le public n’ont été informés.
Le mensonge stratégique
D’après Le Monde, Air-Cosmos, Atlantic Council et RUSI, les attaques menées avec des drones navals et des missiles à longue portée ont franchi les lignes rouges fixées par Moscou. En août 2024, des chars britanniques Challenger 2 étaient engagés à Koursk. Une première historique. Keir Starmer et Emmanuel Macron ont même, selon le Telegraph, coordonné une pression sur Joe Biden pour autoriser des frappes en territoire russe à l’aide de missiles occidentaux, dans le but de bloquer un retrait américain potentiel sous Donald Trump.
Le Kremlin, en réaction, a révisé sa doctrine nucléaire. Toute attaque massive impliquant un soutien occidental est désormais considérée comme motif de riposte atomique. Le seuil d’emploi des armes nucléaires a été abaissé.
L’Europe complice et silencieuse
Et l’Europe dans tout cela ? Spectatrice, suiviste, silencieuse. Aucun débat public, aucun référendum, aucune information transparente. Le discours des dirigeants sur les « valeurs » ne tient plus dès lors qu’ils engagent leurs peuples dans une guerre sans les consulter.
Jeffrey D. Sachs, dans le Financial Times, a rappelé que la faute originelle remonte aux années 1990, quand les États-Unis ont décidé d’élargir l’OTAN vers l’Est, malgré leurs engagements envers Moscou. Clinton, Bush, Obama, Biden : tous ont contribué à créer l’encerclement que redoutait Poutine. Et quand ce dernier demanda à négocier l’arrêt de l’élargissement à l’Ukraine, Washington refusa.
Aujourd’hui, nous en payons le prix. Une guerre provoquée, planifiée, intensifiée. Et que personne, désormais, ne semble en mesure d’arrêter.
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