Affaire Florence Bergeaud-Blackler : “L’islamisation de l’Occident, les islamistes n’ont jamais caché leur intention”

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Depuis la publication de son ouvrage Le Frérisme et ses réseaux, Florence Bergeaud-Blackler, chargée de recherche au CNRS, est violemment attaquée par les islamistes, ainsi que par François Burgat, ancien directeur de recherche au CNRS, qui l’accuse de racisme dans un texte intitulé : “L’islamisation de la France : acteurs et ressorts d’une dangereuse rengaine”. À vrai dire, cet acharnement contre Florence Bergeaud-Blackler parce qu’elle dénonce un entrisme islamiste et son objectif d’islamiser l’Europe est incompréhensible, voire étonnant venant d’un chercheur, étant donné que les islamistes, ceux qui pensent l’islamisme et pas uniquement les Frères musulmans, n’ont jamais caché leur intention et cela non seulement au sujet de la France ou de l’Occident mais de toute l’humanité. Hassan al-Banna, fondateur de la Confrérie des Frères musulmans, a déclaré que l’objectif de son mouvement était l’instauration d’un « État islamique qui s’étend de l’est à l’ouest de la terre » (Les prêches du vendredi, Dar el-Chahab, Batna Algérie, p. 175). Cela fait partie de la doctrine islamiste fondée sur la prédication qui consiste à convertir l’autre à l’islam. Cependant, dans le discours islamiste, c’est l’Occident qui représente cet autre, ce que l’histoire ancienne et contemporaine peut parfaitement expliquer.

Dans son ouvrage L’avenir de l’islam en dehors de sa terre. Comment on le pense ? le prédicateur égyptien Mohamed al-Ghazali (1917-1996), un des membres les plus influents de la Confrérie des Frères musulmans, décrit l’Occident comme un monde dépravé et en déroute que seul l’islam peut sauver. Il rapporte, à la page 16, les paroles d’un Français converti à l’islam dans lesquelles il aurait dit : « J’ai imaginé toute la France convertie à l’islam ! Que se passera-t-il ? On ne trouvera plus des soûlards dans les rues, ni des statuts, ni des publicités de sexualité, ni des programmes de variété. Les églises se transformeront en mosquées après les avoir peintes en blanc et les magasins qui vendent de la viande porcine seront fermés. » Le prédicateur indien Abou al-Hassan al-Nadawi (1914-1999) raconte dans son ouvrage écrit en arabe et intitulé L’islam et l’Occident que, lorsqu’il a été invité par l’Université d’Oxford pour le lancement du département des études des sciences islamiques, il s’était réjoui de cette occasion pour pouvoir faire de la prédication ou daoua islamique. En précisant qu’appeler l’autre à l’islam était son devoir en tant que musulman en appuyant ses propos avec le verset 64 de la sourate 3, la Famille d’Imran : « Dis ô vous les gens du Livre venez-en à une parole qui nous réunit vous et nous nous adorerons que Dieu et nous lui associerons aucune autre divinité et nous prendrons pas d’autres Dieu que Dieu et s’ils se récusent dites (à Dieu) soyez témoin que nous sommes des musulmans. »

Islamisme et lutte contre l’islamophobie 

Quant à l’entrisme des islamistes au niveau des différentes institutions européennes pour imposer leurs règles et leur vision de la société et du monde, c’est une réalité. Personne ne peut croire que le Conseil de l’Europe a décidé tout seul en 2021 de faire la promotion du voile, cette arme de guerre des islamistes qu’ils ont utilisée en premier lieu dans les pays musulmans pour les réislamiser. Sur les affiches, le Conseil de l’Europe a présenté le voile comme faisant partie de l’identité de la femme musulmane et c’est exactement la représentation que veulent lui donner les islamistes. Ils veulent en faire un signe d’appartenance de la femme à l’islam, ce qui est théologiquement et historiquement faux. Cependant, les islamistes ne veulent laisser aucune chance à la femme de se dire musulmane sans porter le voile. Pour eux, plus les femmes se voilent, plus l’indice de la réussite de leur projet social et politique est élevé.

« Pour eux, la seule solution est que l’Occident renonce à ses valeurs »

La validation de l’islamophobie par des institutions européennes et par l’ONU qui a créé la journée internationale de lutte contre l’islamophobie, ou contre « la haine de l’islam » dans la version arabe, est une autre preuve de l’entrisme islamiste.  « L’islamophobia » et « la haine de l’islam » étaient les deux expressions préférées de Youcef al-Qaradaoui leader des Frères musulmans. Pour lui, aucune critique de la religion musulmane ou du discours religieux islamique n’est motivée par quoi que ce soit en dehors de la haine de l’islam et la peur de le voir triompher. L’accusation de « la haine de l’islam » résonne encore dans les oreilles des Algériens qu’elle a terrorisés pendant les années du terrorisme islamique. Quand François Burgat écrit sur compte Twitter que « la dénonciation de l’islamophobie » ne tue pas, il ne dit pas la vérité, car il sait, lui qui connaît bien l’Algérie, que cette accusation (la peur ou la haine de l’islam) a tué des milliers d’Algériens, des journalistes, des artistes, des écrivains, des femmes, des hommes et des enfants tous accusés de haïr l’islam.

Ce que les islamistes et tous les musulmans conservateurs redoutent en Occident, défenseur de la liberté d’expression et de conscience, c’est que l’islam soit soumis à un regard critique qui l’obligerait à évoluer et se réformer. Pour eux, la seule solution est que l’Occident renonce à ses valeurs après avoir réussi à faire renoncer les pays musulmans à ce qu’ils ont réalisé pendant la Nahda (XIXe siècle et début du XXe siècle) dans le domaine de la modernisation.

Les dangers de l’islamisme

Certes, le terme d’islamophobie a été forgé en Occident. Cependant, la démarche est connue dans l’histoire de l’islam. À l’époque médiévale, les musulmans qui ne se soumettaient pas aux règles et normes des religieux étaient accusés de Zandaqa, notamment les penseurs et écrivains. Certains y ont perdu leur vie. Entre le VIIIe siècle et le Xe siècle, les musulmans ont mis en place des concepts et des théories pour empêcher la pensée créatrice et rationnelle de s’exprimer au sujet de l’islam. Seule la pensée qui imite inlassablement le savoir des anciens était acceptée, ce qui a provoqué l’effondrement de la pensée et de l’intelligence, donc de l’humain, et par conséquent le déclin de la civilisation musulmane comme je l’ai expliqué dans mon ouvrage Islam : quel problème ? Les défis de la réforme. Toute compréhension des évènements présents nécessite d’interroger l’histoire pour éviter des erreurs d’analyse.

« L’ouvrage de Florence Bergeaud-Blackler est un travail de recherche d’une anthropologue qui a été réalisé avec beaucoup de courage »

Ces quelques exemples montrent la réalité de l’entrisme islamiste en Occident, et non seulement de l’entrisme frériste. L’islamisme ne se résume pas au frérisme d’autant plus que c’est l’islamisme qui a créé les Frères musulmans et non le contraire. Quant aux stratégies des islamistes que dénonce Florence Bergeaud-Blackler, elles sont exactement les mêmes que celles utilisées dans les pays musulmans. En Algérie, l’entrisme des Frères musulmans et notamment de Youcef al-Qaradaoui et de Mohamed al-Ghazali au plus haut niveau dans les années 1980, leur a permis d’avoir à leur disposition la seule chaine de télévision algérienne. Ils ont misé, après les mosquées, sur l’école et les médias pour endoctriner les Algériens qui ont fini par prendre les armes contre leur pays et contre d’autres Algériens.

François Burgat, grand défenseur de l’islamisme, dénonce « une diabolisation de l’islam politique » par l’Occident opposant ainsi l’Occident et l’islam politique, comme si l’islam politique n’était un problème que pour l’Occident. Or, l’islam politique fait davantage de mal aux musulmans notamment les populations des pays musulmans. Il piétine les libertés individuelles, opprime les femmes et les assigne à une situation d’infériorité.

L’ouvrage de Florence Bergeaud-Blackler est un travail de recherche d’une anthropologue qui a été réalisé avec beaucoup de courage. Toute personne a le droit de ne pas être d’accord avec les arguments qu’elle présente à condition de leur opposer d’autres arguments. C’est ainsi que s’exprime l’esprit scientifique et non en s’attaquant aux personnes pour les faire taire. 

Tribune publiée par Marianne, le 14 avril 2023

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