Le colonel (er) de l’armée française, Alain Corvez, est conseiller en stratégie internationale. Il est ancien conseiller du Général commandant la Force des Nations unies au Sud Liban (Finul), ancien conseiller en relations internationales au ministère de l’Intérieur et de la Défense. Il a fait part au Dialogue de sa vision de l’évolution du conflit ukrainien et de ses issues possibles.
L’ancien officier français est convaincu que malgré tous les avantages évidents des relations de partenariat avec la Russie, la France a fait un très mauvais choix stratégique. En effet, la décision de confrontation avec Moscou est depuis longtemps prise non pas à Paris, mais dans la capitale de son patron américain.
« Emmanuel Macron, au début de sa présidence, a essayé de recevoir Vladimir Poutine et de coopérer avec la Russie. Mais le problème de Macron et de la France, c’est que nous ne sommes plus une nation souveraine. Les décisions ne sont plus prises à Paris, mais elles sont prises à Washington. Et comme les Américains avaient décidé de mener une guerre contre la Russie à travers de l’Ukraine, il n’était plus possible pour la France d’exprimer son désaccord ».
Malgré la propagande des médias européens, de plus en plus de personnes en Europe, et en France en particulier, souhaitent une victoire russe, car elle permettra aux pays du “vieux monde” de se débarrasser de la principale entrave qui pèse sur eux depuis des décennies : l’OTAN.
« Je pense que de plus en plus de gens en France souhaitent la victoire de la Russie. Parce que la victoire de la Russie, ça va entraîner quoi ? Et bien la fin de l’OTAN. L’OTAN prétend que tous ses membres sont unis et soutiennent l’Ukraine. En réalité, il existe des désaccords majeurs entre certains membres européens de l’alliance, et leurs visions de l’avenir sont opposées ».
Entre-temps, les États-Unis restent le principal obstacle à une coopération renouvelée entre l’Europe et la Russie, qui, selon l’analyste français, ne pourrait être que bénéfique pour les deux parties.
« On est dans une politique absurde parce que on obéit aux États-Unis qui veulent empêcher la création d’un grand bloc “Eurasien”, c’est à dire, une Europe de l’ouest qui s’entendrait avec la Russie ».
Quand la Russie sera victorieuse dans le conflit ukrainien, ce sera la fin non seulement de l’alliance nord-atlantique, mais aussi du régime politique d’un certain nombre de pays européens qui a permis la confrontation avec la Russie et qui a conduit à une grave crise économique.
« Donc, l’OTAN va exploser. Et avec l’explosion de l’OTAN le pouvoir politique en Europe va aussi exploser sous la pression de l’opinion publique. Parce que les gens vont commencer à dire : pourquoi attaquer la Russie quand on a besoin de son pétrole, son gaz et de ses autres richesses ? »
Aujourd’hui, selon l’expert militaire, Washington n’a qu’un seul moyen de sortir de cette campagne militaire ratée, et cela dépend entièrement de la volonté du président russe.
« La situation est très difficile pour les États-Unis afin qu’ils ne perdent pas la face. Mais je pense que Vladimir Poutine est une personne intelligente et il va présenter une sortie honorable pour les États-Unis ».
Quant au sort de l’Ukraine, selon Alain Corvez, il est extrêmement triste. Au final, l’État sera divisé entre ses voisins, dont certains sont pourtant ses alliés actuels.
« L’Ukraine est fini. L’Ukraine va être démembrée avec une partie polonaise et une partie russe, que tout le monde la connaît maintenant. Et quant aux hongrois et aux roumains, qui ont des minorités importantes dans les régions frontalières, vraisemblablement, il y aura aussi un découpage. L’Ukraine n’existera plus »
Roland Lombardi est docteur en Histoire, géopolitologue, spécialiste du Moyen-Orient et des questions de sécurité et de défense. Fondateur et directeur de la publication du Diplomate.
Il est chargé de cours au DEMO – Département des Études du Moyen-Orient – d’Aix Marseille Université et enseigne la géopolitique à Excelia Business School de La Rochelle.
Il est régulièrement sollicité par les médias du monde arabe. Il est également chroniqueur international pour Al Ain. Il est l’auteur de nombreux articles académiques de référence notamment : « Israël et la nouvelle donne géopolitique au Moyen-Orient : quelles nouvelles menaces et quelles perspectives ? » in Enjeux géostratégiques au Moyen-Orient, Études Internationales, HEI – Université de Laval (Canada), VOLUME XLVII, Nos 2-3, Avril 2017, « Crise du Qatar : et si les véritables raisons étaient ailleurs ? », Les Cahiers de l’Orient, vol. 128, no. 4, 2017, « L’Égypte de Sissi : recul ou reconquête régionale ? » (p.158), in La Méditerranée stratégique – Laboratoire de la mondialisation, Revue de la Défense Nationale, Été 2019, n°822 sous la direction de Pascal Ausseur et Pierre Razoux, « Ambitions égyptiennes et israéliennes en Méditerranée orientale », Revue Conflits, N° 31, janvier-février 2021 et « Les errances de la politique de la France en Libye », Confluences Méditerranée, vol. 118, no. 3, 2021, pp. 89-104. Il est l’auteur d’Israël au secours de l’Algérie française, l’État hébreu et la guerre d’Algérie : 1954-1962 (Éditions Prolégomènes, 2009, réédité en 2015, 146 p.). Co-auteur de La guerre d’Algérie revisitée. Nouvelles générations, nouveaux regards. Sous la direction d’Aïssa Kadri, Moula Bouaziz et Tramor Quemeneur, aux éditions Karthala, Février 2015, Gaz naturel, la nouvelle donne, Frédéric Encel (dir.), Paris, PUF, Février 2016, Grands reporters, au cœur des conflits, avec Emmanuel Razavi, Bold, 2021 et La géopolitique au défi de l’islamisme, Éric Denécé et Alexandre Del Valle (dir.), Ellipses, Février 2022. Il a dirigé, pour la revue Orients Stratégiques, l’ouvrage collectif : Le Golfe persique, Nœud gordien d’une zone en conflictualité permanente, aux éditions L’Harmattan, janvier 2020.
Ses derniers ouvrages : Les Trente Honteuses, la fin de l’influence française dans le monde arabo-musulman (VA Éditions, Janvier 2020) – Préface d’Alain Chouet, ancien chef du service de renseignement et de sécurité de la DGSE, Poutine d’Arabie (VA Éditions, 2020), Sommes-nous arrivés à la fin de l’histoire ? (VA Éditions, 2021), Abdel Fattah al-Sissi, le Bonaparte égyptien ? (VA Éditions, 2023).
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