Le grand entretien politique du Diplomate avec Malika Sorel

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Montage Le Diplomate

Malika Sorel-Sutter, Chevalier de la Légion d’honneur, a été nommée par le Président de la République au Haut Conseil à l’intégration. 

Son livre Décomposition française (Fayard, 2015) a reçu plusieurs prix dont en 2016 celui de la Société des Membres de la Légion d’honneur, remis par le Grand Chancelier de la Légion d’honneur, le Général d’armée Jean-Louis Georgelin. Elle est ingénieur de l’École polytechnique d’Alger, diplômée de Sciences-Po et a administré, aux côtés de personnalités civiles et militaires, une association de géopolitique et de Défense, Géostratégies 2000.

Depuis son ralliement au président du Rassemblement national (RN), tête de liste pour les élections européennes, Jordan Bardella, Malika Sorel est deuxième sur la liste du Rassemblement national aux élections européennes. Elle revient pour Le Diplomate sur les raisons et les objectifs de son engagement politique.

Entretien réalisé par Angélique Bouchard

Le Diplomate : Beaucoup de commentateurs politiques vous décrivent comme « le portrait- type de la recrue rêvée du RN » pour les prochaines élections européennes des 8 et 9 juin 2024. Intellectuelle, vous êtes associée à la droite républicaine et issue de l’immigration. Pouvez-vous nous décrire les raisons de votre engagement politique aux côtés du RN ?

Malika Sorel : Je suis habitée du sentiment d’urgence, de la conviction profonde qu’un compte à rebours est enclenché, que le temps joue contre le maintien de la cohésion de la nation. Dans mes différentes publications, je n’ai jamais caché qu’il s’agissait là d’une urgence vitale pour la France. En 1906, dans Le Livre de mes fils, Paul Doumer écrit : « Quand il s’agit de défendre la France, de défendre l’honneur ou l’intérêt national, il nous faut tout quitter, intérêts privés, famille, affections. Le devoir envers le pays prime alors et efface tous les devoirs. » C’est ce que j’ai fait en 2005. Les émeutes de 2005 ont été l’élément déclencheur de mon engagement citoyen. Je me suis levée, ai pris mon bâton de pèlerin et ne me suis plus jamais assise. 

C’est en écoutant et lisant les médias, que j’ai pris la mesure de l’ignorance d’une belle part de la classe politique quant aux défis que notre société devait réussir à relever. J’ai alors écrit au Premier ministre Dominique de Villepin et depuis lors, n’ai plus quitté le monde politique ni celui des idées. 

Au regard de mon parcours, je suis très heureuse de rejoindre la liste de Marine Le Pen et Jordan Bardella, de contribuer à pulvériser des clivages partisans qui n’ont pas lieu d’être. Notre liste arrive à présent en tête chez les CSP+, ce qui signe une prise de conscience. Dans ces élections, nous représentons le seul vote utile. 

En 2011, Élisabeth Badinter disait qu’« En dehors de Marine Le Pen, plus personne ne défend la laïcité. Au sein de la gauche, le combat a été complètement abandonné, si ce n’est par Manuel Valls. » J’ai moi-même toujours écrit que la laïcité était la digue qui protégeait la France, je suis aujourd’hui à la place où je me devais d’être. Concernant Manuel Valls, j’explique, dans mon livre Décomposition française, le rôle qui a été le sien, dès son arrivée dans l’équipe gouvernementale du Président François Hollande. Ses premières mesures furent en effet de supprimer ce que nous avions fait de bien, avec Claude Guéant à l’Intérieur, sous le Président Nicolas Sarkozy. Encore aujourd’hui, nous continuons à payer pour ces erreurs. 

LD : Vous avez dressé, il y a quelques années, le constat de la décomposition française. Lors de votre audition par Simone Veil, dans le cadre de la réforme du Préambule de la Constitution, vous aviez même évoqué votre crainte d’une « libanisation de la France ». Votre engagement politique, au niveau européen, permettra-t-il de dépasser l’impuissance de notre pays face à la crise migratoire ?

MS : La libanisation comme perspective, c’est la raison pour laquelle Simone Veil avait refusé de voir la « diversité » être inscrite dans le Préambule de la Constitution française. Le contenu de mon audition est accessible en ligne. Cette audition permet de comprendre bien des aspects de ce qui se joue, y compris l’importation sur notre sol des conflits et tensions qui concernent les pays d’origine. 

Avec ce concept de « décomposition française », j’explicite ce que le Président Hollande nommera ensuite « partition », et le Président Macron « séparatisme ». Pour avoir siégé au sein du Haut Conseil à l’intégration et avoir observé ce qui se produisait, partout en Europe, et même au Canada, je savais depuis longtemps que tous les pays européens étaient, peu ou prou, confrontés aux mêmes inquiétudes, aux mêmes problèmes à résoudre. 

Ce sujet doit être traité, en simultané, au niveau de chaque État ainsi qu’au niveau des instances de l’Union Européenne. Nous devons construire une Europe respectueuse de ses propres peuples et soucieuse de leur devenir. Aujourd’hui, les peuples européens perçoivent l’échelon européen comme desservant leurs intérêts. Comment leur donner tort alors même que la situation démontre que les instances européennes jouent contre les peuples et pays qui la composent ? Il suffit d’analyser le pacte migratoire pour constater cet état de fait. 

Le pacte migratoire transformera l’Union européenne en gigantesque centre d’accueil dont l’unique préoccupation est de ventiler les migrants à travers les villes et les campagnes européenne, avec à la clé une sanction financière pour les pays récalcitrants. Ce sont bien les instances de l’Union européenne qui condamne l’Europe au Châtiment du tonneau des Danaïdes. De nombreux autres sujets attestent du fait que l’Europe actuelle est hors sol, joue contre sa propre économie donc contre le bien-être de ses peuples, comme le démontre, entre autres, le pacte vert punitif qui fragilise considérablement nos économies. La lettre aux Européens de Luca de Meo, pour ce qui concerne le secteur de l’automobile, est éclairante. Ce qui est proprement surréaliste, c’est que les contraintes posées par l’Union européenne en viennent à favoriser l’économie de pays extra-européens extrêmement pollueurs !

Nous devons réactiver le principe de subsidiarité dont le fondement est que les problèmes soient traités à l’échelon le plus efficace, mais également que soit pris en considération le fait de respecter l’héritage des peuples, leur l’identité culturelle et politique.  

Il est urgent de réinjecter de la cohérence à tous les étages, dans tous les processus de décisions. Ce sujet est multidimensionnel. Il a un impact direct, entre autres, sur l’école, l’économie, la diplomatie, la paix à l’intérieur des frontières, la cohésion des équipes au sein de nos entreprises mais également de nos forces armées et de la police. Il ne peut y avoir d’Europe forte, d’Europe puissance si les nations qui la composent se décomposent puis entrent en convulsion. 

LD : Selon vous, les forces conservatrices et souverainistes sortiront-elles renforcées de ce scrutin ?

MS : Au regard de la gravité des enjeux, j’espère vivement que l’échiquier politique sera clarifié au lendemain du 9 juin. Pour ce faire, le principal défi est de faire que les opinions publiques soient suffisamment informées, que la presse traite des vrais sujets, ceux qui engagent leur destin.  

L’enjeu est clair. Il y a d’un côté ceux qui souhaitent arrêter la course d’une Europe qui a perdu la raison et de l’autre, ceux qui veulent nous imposer encore plus de cette Europe-là, une Europe qui dessert les intérêts de ses propres peuples. Une Europe qui persiste dans des élargissements sans fin quand les fondations de la maison Europe ont révélé leur fragilité. 

Face à ceux qui entendent effacer les nations et peuples européens, il nous faut réussir à bâtir l’Europe des nations et des peuples. Très récemment, un appel collectif de 50 personnalités, signé, entre autres, par Stéphane Rozès et Marcel Gauchet, tire la sonnette d’alarme ; les élections du 9 juin ne sont à nulle autre pareille. Un sale coup se prépare en effet, un coup d’État contre les nations. Il est question « de transférer à l’Union les derniers éléments de ce que le Conseil constitutionnel français appelle les « conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale ». Ce qui se dessine, c’est « la fin des souverainetés nationales, et donc de nos démocraties. » Chaque voix va compter. Les citoyens ne pourront pas dire qu’ils ne savaient pas. 

LD : Le Canard enchaîné a révélé des textos envoyés en janvier 2024 à Emmanuel Macron dans lesquels vous lui suggéreriez de vous nommer au ministère de l’éducation nationale. Que répondez-vous à vos détracteurs qui vous soupçonne « d’opportunisme politique » ?

MS : Le procès que l’on tente de me faire depuis le début est un procès en illégitimité. J’ai en ma possession tant et tant de preuves qui attestent de mon action auprès de hautes personnalités, et juge pathétique que certaines puissent clamer ne pas me connaître.

Des journalistes sont allés jusqu’à contacter Sciences-Po Paris pour vérifier si j’étais bien Major de promotion, tant cela a pu leur sembler improbable qu’une Arabe d’origine puisse avoir coiffé au poteau des Français d’origine. Cela témoigne du fait que le vrai racisme est celui du camp dit du bien. Un camp qui refuse de voir les enfants de l’immigration s’émanciper de la case de « victimes de l’homme occidental » dans laquelle ils les ont enfermés. Une case qui leur permet de se sentir supérieurs et de faire leur aumône. Les racistes ne sont pas qui l’on croît, et ma présence aux côtés de Jordan Bardella, lui aussi enfant de l’immigration, vient le souligner.

Mais le plus grave n’a pas été relevé : le Président de la République, en ouvrant son propre téléphone portable à un média, a étalé au grand jour deux grandes faiblesses. La première est qu’il peut facilement perdre ses nerfs, ce qui peut se révéler préjudiciable par ces temps de retour de la guerre, un moment où l’on attend que le Chef des Armées sache garder son sangfroid en toute circonstance. La seconde atteste du fait qu’il est capable de révéler le contenu d’échanges privés, à un moment où, là aussi, les échanges exigent la confiance, par ces temps de contexte international incertain. Sur ce dernier point, ce sont des journalistes étrangers qui m’ont dit leur stupéfaction. Dans les deux cas, je dirai qu’un Président ne devrait pas faire ça.


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