Le président iranien ainsi que son chef de la diplomatie ont été tués dans un accident d’hélicoptère dans le nord-ouest de l’Iran le 19 mai. L’Iran se retrouve de fait dans une période délicate pour trouver un successeur. Décryptage.
« Le président iranien et son entourage sont morts dans un accident d’hélicoptère… Ebrahim Raïssi, le président de notre pays, est mort dans un accident d’hélicoptère dans une région montagneuse du nord-ouest de l’Iran, le ministre des Affaires étrangères Hossein Amir Abdollahian fait également partie des morts », a indiqué l’agence iranienne Mehr ce 20 mai. Outre le président et le ministre des Affaires étrangères, l’imam de Tabriz Mohammad Ali al-Hachem, le chef de la province de l’Azerbaïdjan oriental Malek Rahmati, l’équipage de l’hélicoptère et un agent de sécurité se trouvaient à bord de l’hélicoptère.
L’appareil utilisé le 19 mai était un Bell 212, de conception américaine dont la production a été arrêtée il y a 30 ans. L’hélicoptère était ancien et a été acheté avant les sanctions de Washington sur la République islamique. Cet incident a été causé par des intempéries et le survol d’une zone montagneuse. Le président Raïssi était en visite officielle en Azerbaïdjan et venait d’inaugurer avec son homologue Ilham Aliev le barrage de de Qiz Qalasi dans le Haut-Karabagh nouvellement conquis par les troupes de Bakou.
Des condoléances du Hezbollah à la Chine en passant par … l’Union européenne
Aux quatre coins du monde, l’Iran a reçu de nombreux messages de soutiens, symbole fort de son non-isolement sur l’échiquier planétaire. Proche de l’Iran, Vladimir Poutine a déclaré « Ebrahim Raïssi était un politicien remarquable. En tant que véritable ami de la Russie, il a apporté une contribution personnelle inestimable au développement des relations de bon voisinage entre nos pays et a déployé de grands efforts pour les amener au niveau du partenariat stratégique ». La Chine a également fait part de la perte « d’un bon ami ». De surcroît, l’Inde, le Japon, la Turquie ont envoyé des messages de condoléances. Islamabad a par ailleurs décrété un jour de deuil. Le Venezuela de Maduro proche de Téhéran souhaite une « consolation divine ».
Au Moyen-Orient, pour l’heure, le Liban a décrété trois jours de deuil, symbole de la mainmise du Hezbollah sur les affaires du pays. La Syrie, fidèle allié de Téhéran, a également envoyé un message de soutien évoquant le souvenir de la visite de Raïssi à Damas le 3 mai 2023 comme une étape essentielle dans la construction des relations bilatérales. Des messages ont également été envoyés de la part du Qatar, des Emirats, de l’Egypte, de la Jordanie, d’Oman et de l’Arabie saoudite.
Les milices pro-iraniennes du Hezbollah, du Hamas, des Houthis et des différentes factions irakiennes ont apporté leur soutien au peuple iranien.
Fait notable, alors que les relations sont tendues, le président du conseil européen Charles Michel a également publié un message sur la plateforme X dans lequel il exprime « ses sincères condoléances pour le décès du président Raïssi et du ministre des Affaires étrangères Abdollahian, ainsi que d’autres membres de leur délégation et de leur équipage, dans un accident d’hélicoptère. Nos pensées vont aux familles ». Varsorvie, Rome et Paris se sont joints aux condoléances.
Vers une période d’instabilités en Iran ?
Âgé de 63 ans, l’ayatollah Raïssi était considéré comme un ultraconservateur et un partisan assumé de l’ordre. Il était perçu comme un successeur potentiel au guide suprême, avec le fils de ce dernier. Un choix théoriquement laissé à l’Assemblée des experts réélue en mars dernier et qui représente une ligne très conservatrice, alors que l’ancien président Hassan Rouhani avait été empêché de se présenter à sa réélection pour cette institution. S’étant présenté comme le champion des classes défavorisées et de la lutte contre la corruption, M. Raïssi avait été élu le 18 juin 2021 dès le premier tour d’un scrutin marqué par une abstention record pour une présidentielle, et l’absence de concurrents de poids.
On s’attend désormais à une période de transition de deux mois environ, qui s’ouvre maintenant avec la mise en place d’un Conseil présidentiel provisoire qui comprend le premier vice-président, le président du Parlement et le chef de l’autorité judiciaire, qui est chargé d’organiser de nouvelles élections d’ici à 50 jours. On connaîtra donc le nom du prochain président d’ici là. En attendant, c’est le premier vice-président qui est chargé de gérer les affaires courantes du pays.
L’article 131 de la Constitution de la République islamique prévoit que, « en cas de décès, de destitution, de démission, d’absence ou de maladie d’une durée supérieure à deux mois du président», c’est « le premier vice-président qui assumera les pouvoirs du président ». Ce processus doit avoir « l’approbation du Guide suprême », précise l’article, alors que l’ayatollah Ali Khamenei est la plus haute autorité du pays et son chef d’État.
Le futur président par intérim, Mohammad Mokhber, 68 ans, a été nommé par Ebrahim Raïssi comme premier vice-président en août 2021, après la présidentielle. Il est né à Dezfoul dans la province du Khouzestan (sud-ouest), où il a occupé plusieurs postes officiels.
Alors que le pays entre en deuil, le processus électoral va donc se dérouler en parallèle de l’organisation des funérailles. On se souvient qu’après la mort du général Soleimani, il y avait eu plusieurs cérémonies organisées dans plusieurs villes du pays et que l’hommage avait duré plusieurs jours. L’Iran a décrété cinq jours de deuil.
Dès à présent, la question est de savoir si cette période montrera la stabilité (ou non) de l’exécutif iranien et de s’interroger sur la rupture ou la continuation de la politique du futur président iranien.