Ukraine, Gaza et autres tracas : Les bonnes feuilles du livre de Marc Fromager (Extrait 1)

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Marc Fromager

EXCLUSIF – Durant tout l’été, Le Diplomate publie en exclusivité de larges extraits de l’ouvrage de Marc Fromager, Ukraine, Gaza et autres tracas, Les chrétiens d’Orient dans le nouveau grand jeu, Éditions Salvator, 2024.

Considérer ce qu’il se passe en Ukraine ou à Gaza comme un « tracas » pourrait à juste titre surprendre. Le choix de ce mot dans le titre fait bien entendu référence au sous-titre et à la notion de jeu. La coloration ludique et un peu légère induite par ces mots ne saurait pourtant dissimuler l’horreur de la réalité : des milliers de morts à Gaza, des centaines de milliers de morts en Ukraine, sans compter les autres conflits en cours, les guerres ayant aujourd’hui tendance à s’éterniser, transformant les zones ciblées en pays faillis.

Le titre lui-même renvoie au « Grand Jeu », l’affrontement qui opposa les Empires britannique et russe en Asie centrale de 1813 à 1907, date de la Convention anglo-russe qui mit fin à un siècle de luttes d’influence.

Attribuée à l’officier britannique Arthur Conolly qui l’utilisa dans une correspondance en 1840, l’ex- pression apparaît notamment dans le roman Kim, publié en 1901 par Rudyard Kipling : « Quand tout le monde sera mort, le Grand Jeu sera terminé. Pas avant ».

On y retrouve déjà les Russes, les Britanniques – qui seront bientôt remplacés par les Américains – et la menace, renforcée aujourd’hui par le feu nucléaire, d’une fin de partie peu glorieuse entraînant la disparition des joueurs : « quand tout le monde sera mort ».

Cette rivalité coloniale et diplomatique, qui opposait alors les puissances anglaise et russe, fut l’une des causes de la création des frontières de l’actuel Afghanistan comme État tampon ; et il est significatif que ce soit justement en Afghanistan que l’affrontement indirect entre l’URSS et les États-Unis ait finalement provoqué, par épuisement, l’implosion de l’Empire soviétique.

Ce Grand Jeu est aujourd’hui élargi à l’échelle de la planète mais, de manière surprenante, un point de convergence gravite toujours dans la même zone : le sud-ouest de l’Asie centrale et le Moyen-Orient.

Dans cette nouvelle partie du Grand Jeu, un joueur supplémentaire s’est invité : l’ours russe est toujours présent ainsi que, dorénavant, l’aigle américain, mais il faut également compter, désormais, sur le dragon chinois.

La domination de l’Eurasie reste au programme. L’ours russe surveille son Hinterland austral, constitué d’une bonne partie de l’Asie centrale, essentiellement les pays au suffixe persan en « stan » : Kazakhstan, Ouzbékistan, Turkménistan, Kirghizistan et Tadjikistan, soit au total près de 4 millions de km2 et soixante-dix millions de personnes, ainsi que son flanc oriental, l’Ukraine et les pays baltes.

Le dragon chinois étend ses routes commerciales à travers toute la région et vient directement s’approvisionner en pétrole et gaz qu’il règle dorénavant en yuans, et l’aigle américain, enfin, s’active pour conserver ce qu’il peut d’une hégémonie en perte de vitesse.

Les trois participants jouent chacun pour soi, mais le jeu semble avoir pris une nouvelle tournure : l’ours et le dragon se sont désormais ligués ; l’aigle se retrouve esseulé. Les États-Unis ont réussi le tour de force de rassembler la Russie et la Chine dans un front commun, ce qui n’était pas naturellement acquis.

Nouvel extrait la semaine prochaine…


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