HISTOIRE/ANALYSE – De l’indigénat Kanak à la nationalité française (PARTIE 3)

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De l'indigénat Kanak à la nationalité française
Bois de Vincennes , Paris , France L’ Exposition Coloniale Internationale de 1931, le village kanak. Roger Dumas – 29/10/1931 – (photographie sous licence CC-BY-4.0)

Par André Boyer – Son blog : http://andreboyer.over-blog.com/

Des révoltes ? Le colonisateur cherche à contrôler les Kanaks en créant les tribus en 1867, à la tête desquelles l’administration place un chef, et en instituant la « réserve », un territoire dont la tribu a la jouissance mais qui limite les déplacements des Kanaks. 

Dans la région de La Foa, les Kanaks font les frais de la volonté d’intégrer des milliers d’hectares au domaine de l’État pour les affecter à la colonisation libre, ce qui est à l’origine de la première grande révolte kanak en 1878. Les Kanaks ont souvent réagi violemment à la politique de peuplement pratiquée par l’administration française. Mais, compte tenu de l’affaiblissement de la population kanak qui passera de 50000 personnes environ en 1853 à 27000 en 1921, les soulèvements restent ponctuels et aisément réprimés jusqu’à l’insurrection conduite par le grand-chef Ataï en 1878. 

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L’administration coloniale, débordée dans un premier temps, réussit à mettre un terme à l’insurrection en utilisant la rivalité d’autres tribus kanakes avec celle d’Ataï qui est finalement capturé et décapité par ses rivaux. Cette révolte de 1878 a entrainé la mort de 200 Européens et de 800 à 1 000 Kanaks.

Sous la direction de plusieurs chefs, d’autres révoltes ont lieu en 1913 et en 1917 dans le nord de la grande île car le « grand cantonnement » pratiqué entre 1897 et 1903, réduit progressivement l’espace foncier kanak à un huitième de la superficie de la Grande Terre. Puis l’humiliation des Kanaks sera totale lorsque Joseph Guyon, gouverneur français de Nouvelle-Calédonie, lors de l’exposition coloniale de Paris de 1931, organisera un « spectacle » montrant un groupe de Kanaks dans des cages, sous couvert d’une nouvelle politique indigène visant à « assimiler » les Kanaks.

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Cette politique, en vigueur jusqu’en 1946, consiste en un ensemble, juridique et réglementaire appelé « régime de l’indigénat », de mesures administratives qui s’applique aux autochtones qui sont soumis à des interdictions propres, contraints à des travaux d’utilité publique et qui subissent une séparation des systèmes scolaires qui les cantonne aux « écoles indigènes ». Ces dernières n’offrent pas d’accès à l’enseignement secondaire et supérieur : il faudra attendre 1962 pour voir un premier Kanak obtenir le baccalauréat.

Cependant le développement des infrastructures médicales avec la construction d’hôpitaux et de dispensaires ainsi que les progrès en matière d’hygiène permettent à la population kanak de se redresser démographiquement à partir des années 1930. 

La Seconde Guerre mondiale bouleverse la Nouvelle-Calédonie qui a rallié la France Libre et qui est choisie comme base arrière et tête de pont par les États-Unis pour reconquérir le Pacifique. À partir de 1942, l’économie locale est dopée par le ravitaillement d’un contingent anglo-saxon qui atteint à son apogée plus de 200000 soldats étatsuniens, australiens et néo-zélandais pour un territoire où habitent 55000 habitants. Des aérodromes sont aménagés, des centres hospitaliers sont installés sur la côte est et dans l’extrême nord.

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Cette présence bouleverse des Kanaks soumis au code de l’indigénat qui découvrent des soldats noirs et blancs travaillant sur un pied d’égalité, si bien que la Seconde Guerre mondiale marque le début du processus de décolonisation.

En 1946, la Nouvelle-Calédonie devient un territoire d’outre-mer (TOM) et les restrictions à la liberté de résidence, de travail et de mobilité des Kanaks sont levées par étapes. Ils accèdent à la nationalité française et obtiennent progressivement le droit de vote. Déjà le code de l’Indigénat avait été aboli par l’ordonnance du 7 mars 1944 qui supprimait le statut pénal de l’indigénat, puis la loi Lamine Guèye du 7 avril 1946 a accordé la nationalité française pleine et entière à tous les indigènes et le statut du 20 septembre 1947 a permis l’égalité politique et l’accès égal aux institutions. 

Les Kanaks obtiennent alors la liberté de circulation, de propriété, et leurs droits civils. 

Cependant, seuls 267 membres de l’élite kanak, chefs coutumiers, religieux et anciens combattants obtiennent effectivement le droit de voter en 1946, puis la loi du 23 mai 1951 permet à 60 % des Mélanésiens en âge de pouvoir voter d’y accéder et le suffrage universel ne sera pleinement mis en place que par le décret du 22 juillet 1957. 

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L’accession des Kanaks aux droits civiques entraîne la création des premiers mouvements politiques appelant à défendre leurs intérêts. Le Parti communiste calédonien est créé en 1946, qui propose un nouveau statut de la Nouvelle-Calédonie. En réaction, du côté catholique, une association confessionnelle, l’UICALO, est créée suivie par l’AICLF issue du milieu protestant, toutes deux destinées à défendre les droits des Kanaks. Ces deux associations se fondent en 1956 dans un parti politique, l’Union calédonienne » (UC).

Ce parti, qui affiche un programme autonomiste et social, qui est résumé par le slogan « Deux couleurs, un seul peuple », se rapproche des centristes démocrates-chrétiens de Métropole et dominera la vie politique locale jusqu’en 1972.

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La Nouvelle-Calédonie est alors un territoire d’outre-mer que les lois cadres dites Defferre de 1957 conduisent vers plus d’autonomie. Mais alors qu’un mouvement de décolonisation s’amorce dans les autres colonies, ce processus connait au début des années 1960 en Nouvelle-Calédonie et dans les autres territoires français du Pacifique un brusque coup d’arrêt qui est à l’origine des crises suivantes, et en particulier de la dernière. 

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