HISTOIRE/ANALYSE – Vers l’autonomie de la Nouvelle Calédonie (PARTIE 4)

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l’autonomie de la Nouvelle Calédonie
La poignée de main symbolique entre Tjibaou et Lafleur

Par André Boyer – Son blog : http://andreboyer.over-blog.com/

Concernant la Nouvelle Calédonie, le gouvernement français est revenu sur l’essentiel des lois cadres, s’engageant dans un processus de refus de l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie, à rebours de ce qui avait été octroyé à l’Algérie, à l’ensemble des colonies africaines de la France et à Madagascar.

Ainsi, en 1963, le Conseil de gouvernement est placé sous l’autorité du gouverneur et en 1968, la loi Billotte retire à l’Assemblée territoriale de Nouvelle-Calédonie l’essentiel de ses pouvoirs. De plus, obsédé par le risque d’une majorité canaque qui demanderait l’indépendance, le retour à la croissance de la population kanake à partir de 1945 pousse l’État à encourager l’émigration vers l’île, en particulier en provenance des îles Wallis-et-Futuna. 

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Cette immigration est facilitée par le boum du nickel qui permet d’offrir des travaux dans la mine et dans les travaux publics. Entre 1969 et 1976, la population de l’île s’accroît de plus de 20 % avec près de 20 000 nouveaux immigrants. Les Kanaks restent plus nombreux que les Européens, avec 55 000 Mélanésiens contre 50 000 « blancs » en 1976, mais ils ne sont pas majoritaires du fait des communautés asiatiques et polynésiennes qui rassemblent 26000 personnes. 

La séparation des systèmes scolaires a empêché les Kanaks d’accéder à l’enseignement secondaire et supérieur, si bien qu’il faudra attendre 1962 pour voir le premier Kanak obtenir le baccalauréat. L’accès à l’enseignement supérieur encourage les communautés kanaks à critiquer l’ordre établi à partir de 1969, avec notamment le mouvement des Foulards rouges de Nidoish Naisseline, qui est l’un des tout premiers Kanaks bacheliers poursuivant ses études à Paris et qui est très marqué par les événements de Mai 1968.

En 1975, le premier festival des arts mélanésiens, Mélanésia 2000, organisé par Jean-Marie Tjibaou, militant associatif, marque le début de la reconnaissance culturelle kanak. Puis en 1977, lors du congrès de l’Union calédonienne (UC) qui est un parti politique à la fois centriste et autonomiste, une majorité de représentants vote une motion en faveur de l’indépendance. La même année, Jacques Lafleur, issu d’une grande famille néo-calédonienne, crée un parti opposé à l’UC, le Rassemblement pour la Calédonie (RPC), qui devient en 1978 le Rassemblement pour la Calédonie dans la République (RPCR). 

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Ainsi s’installe en Nouvelle Calédonie la bipolarisation politique entre indépendantistes et loyalistes. Elle conduit à la création, en 1984, du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) qui rassemble plusieurs mouvements indépendantistes. La récupération des terres spoliées par la colonisation catalyse les énergies. Les revendications et les occupations de terre se multiplient et conduisent à une situation insurrectionnelle. Le 19 septembre 1981, Pierre Declercq, européen né en France métropolitaine et secrétaire général de l’Union Calédonienne, est assassiné.

Après le boycott des élections territoriales de 1984 symbolisé par le bris de l’urne de la mairie de Canala par le militant du FLNKS Éloi Machoro, la violence se déchaîne : dix militants indépendantistes sont abattus lors d’un guet-apens à Hienghène ; le fils d’un éleveur européen est tué par des militants indépendantistes et Éloi Machoro est abattu par le GIGN en 1985. 

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Le 22 avril 1988, à deux jours du premier tour de l’élection présidentielle qui oppose François Mitterrand à Jacques Chirac et des élections régionales, des indépendantistes décident de s’emparer de la gendarmerie de Fayaoué, sur l’île d’Ouvéa, qui accueille des renforts venus sécuriser le vote.

L’opération dégénère : quatre gendarmes sont tués, les autres sont pris en otage. Leur libération par un assaut de l’armée, trois jours avant le second tour de l’élection présidentielle, se solde par la mort de dix-neuf militants indépendantistes et de deux militaires. 

Après la réélection de François Mitterrand, la responsabilité de résoudre la crise ouverte en Nouvelle Calédonie échoit au nouveau Premier ministre, Michel Rocard. Il dépêche sur place une mission de dialogue qui aboutit aux accords de Matignon en juin 1988 et d’Oudinot en août 1988 entre le RPCR et le FLNKS symbolisés par la poignée de main entre Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou. 

Mais dix mois plus tard, ce dernier est assassiné à Ouvéa par un indépendantiste, à l’occasion d’une cérémonie marquant le premier anniversaire de la tragédie d’Ouvéa.

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Pour réunir les deux communautés, les accords de Matignon prévoient une large amnistie des crimes et délits commis durant la période insurrectionnelle. En outre, pour donner à ces deux communautés le pouvoir de se gérer, les accords fractionnent la Nouvelle-Calédonie en trois provinces dotées de compétences étendues, en particulier en matière de développement économique. En partageant transversalement la Grande Terre, le découpage satisfait les non-indépendantistes qui gèrent la province Sud autour de Nouméa. Les indépendantistes contrôlent pour leur part deux des trois provinces, la province Nord et la province des îles Loyauté. Chaque province est dotée d’une assemblée dont la plupart des membres siègent également au Congrès de la Nouvelle-Calédonie chargé de voter les lois du pays et d’élire le gouvernement. 

Cependant la question pendante de l’autodétermination conduit progressivement la Nouvelle Calédonie vers une nouvelle situation de crise…

À SUIVRE

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