Israël – Hezbollah : œil pour œil, dent pour dent ?

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Funérailles de Fouad Chokr en présence vidéo – par peur d’être assassiné – du leader du Hezbollah, Hassan Nasrallah. (Photo DR/Telegram Hezbollah).

Par Alexandre Aoun

Israël a frappé fort en ciblant le fief du Hezbollah dans le sud de Beyrouth et en éliminant un haut cadre militaire du parti. L’État hébreu met en porte à faux le mouvement chiite libanais qui a le doigt sur la gâchette.

Le discours était attendu. Hassan Nasrallah, le secrétaire général du Hezbollah, a fait son apparition sur les écrans des télévisions libanaises à 17h heure locale le 1er août. Après la frappe israélienne qui a tué Fouad Chokr, haut cadre militaire du parti, à Beyrouth le 30 juillet, le leader de la milice chiite a prévenu Israël que son mouvement était passé à « une nouvelle étape ».

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Dans son allocution, le chef de l’organisation pro-iranienne a averti Israël que « notre réponse viendra », ajoutant que « cela n’est pas discutable ». « C’est à l’ennemi et ceux qui se tiennent derrière lui d’attendre maintenant », a encore déclaré le leader du parti chiite libanais. Hassan Nasrallah maîtrise les rouages de la guerre psychologique, pour faire comprendre qu’il maîtrise la temporalité contrairement à son adversaire.

Rétablir l’équilibre de la dissuasion

« Vous ne savez pas quelles lignes rouges vous avez franchies ! L’ennemi doit maintenant s’attendre à la colère et à la revanche » a-t-il lancé, après avoir évoqué les assassinats d’Ismaïl Haniyeh à Téhéran et de Fouad Chokr à Beyrouth. « Les Israéliens sont joyeux, ils ont tué Sayyed Mohsen [Fouad Chokr, ndlr.] et Ismaïl Haniyeh en quelques heures. Riez maintenant, mais vous pleurerez beaucoup », a poursuivi Nasrallah, promettant une riposte « réelle, pas factice » et « très étudiée ». D’ailleurs, concernant la mort du haut gradé de l’organisation, le chef de la milice chiite a minoré sa perte en déclarant que « lorsqu’un de nos commandants tombe en martyr, on le remplace rapidement, par un de ses élèves ». « Nous avons une excellente nouvelle génération de commandants », a encore affirmé le Hezbollah.

Israël a en effet frappé fort, nonobstant les revendications occidentales d’éviter la capitale libanaise. Fouad Chokr est en effet un partisan de la première heure de la milice chiite dans les années 80. Surnommé « Hajj Mohsen », il fait partie du « Conseil du jihad », responsable des principales décisions stratégiques. Selon Il a notamment joué un rôle dans l’attentat à la bombe contre les casernes des marines américains à Beyrouth le 23 octobre 1983, qui avait tué 241 militaires américains et blessé 128 autres. D’ailleurs, en 2017, les États-Unis offraient une récompense allant jusqu’à 5 millions de dollars à quiconque fournirait des informations sur Fouad Chokr. Cet homme de l’ombre était également un proche de l’artificier du Hezbollah Imad Moughnieh, assassiné par le Mossad dans la capitale syrienne en 2008. Fouad Chokr a joué un rôle important dans la formation des milices en Syrie pour défendre le gouvernement de Bachar el-Assad.

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De surcroît, selon l’armée israélienne, l’homme visé dirigeait « les attaques du Hezbollah contre l’État d’Israël depuis le 8 octobre et il est le commandant responsable du meurtre de 12 enfants à Majdal Shams ». Tsahal précise également que celui-ci était en charge « de la majorité des armements les plus avancés du Hezbollah, notamment des missiles à guidage précis, des missiles de croisière, des missiles antinavires, des roquettes à longue portée et des drones», indiquant que Fouad Chokr est le bras droit d’Hassan Nasrallah.

De surcroît, le leader du mouvement chiite a répété qu’ils étaient passés « à une nouvelle étape, qui dépasse désormais le principe de soutien à Gaza, sur tous les fronts de l’axe de la résistance’ ; et l’ampleur de l’escalade sera tributaire de la réaction de Tel-Aviv ». Une manière de renvoyer la responsabilité sur l’État hébreu, en cas de régionalisation du conflit et de faire comprendre que pour la première fois l’organisation pro-iranienne dissocier le dossier libanais du dossier gazaoui.

Une riposte sans provoquer l’escalade, tel est le dilemme du Hezbollah

Hassan Nasrallah s’en est également pris aux différents soutiens d’Israël en lançant un « message à l’Occident et à ceux qui veulent un retour au calme : pas de solution sans pression sur Israël pour qu’il arrête la guerre à Gaza ». Sans les citer, le chef du Hezbollah vise notamment les États-Unis. Il a répété que le seul moyen d’arrêter le conflit était de mettre fin aux hostilités à Gaza. D’ailleurs, à ce sujet, il a raillé les objectifs israéliens : « Le but de Benjamin Netanyahou c’est que le Hamas lui dise : venez, voilà les otages, et les armes. Cela n’arrivera pas. Nous ne nous rendrons pas, ni à Gaza, ni au Liban, ni au Yémen ».

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Le Hezbollah a-t-il les capacités militaires et politiques de répondre à la frappe israélienne sur Beyrouth ? Anticipant une riposte du parti chiite, Benjamin Netanyahou a indiqué qu’Israël était à un « niveau très élevé » de préparations pour n’importe quel scénario, « tant défensif qu’offensif », selon un communiqué de son bureau. « Nous ferons payer un prix très élevé pour tout acte d’agression contre nous », a également précisé le document. Surtout que l’État hébreu bénéficie du soutien inconditionnel des États-Unis, qui ont récemment envoyé des vaisseaux militaires USS Wasp, USS New York et USS Oak Hill.

Entrons-nous réellement dans une nouvelle étape du conflit comme le précise Hassan Nasrallah, ou sommes-nous face à un équilibre de la dissuasion qui penche en faveur d’Israël ? Aujourd’hui, l’objectif du Hezbollah et de son parrain iranien est de rassurer sa base et ses soutiens à l’étranger. Ils se doivent de répondre et de rendre la pareille, sans toutefois risquer de provoquer une escalade incontrôlable à l’échelle de la région. Le parti chiite doit également prendre en considération l’opinion publique libanaise qui est majoritairement défavorable à l’ouverture d’un conflit direct avec l’Etat hébreu. Assurément, il y aura une réponse conjointe avec les autres milices de « l’axe de la résistance » ou de manière individuelle sur le territoire israélien ou à l’étranger, mais les conséquences seront très probablement limitées pour éviter le pire. La patate chaude est dans leur camp.

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