Le grand entretien de Pierre Rehov pour Le Diplomate

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Pierre Rehov. Photo : Jean-Paul Louis Ney pour Le Diplomate

Pierre Rehov est reporter de guerre, réalisateur de documentaires, chroniqueur dans la presse française, israélienne et américaine, et romancier. Grand expert du Proche-Orient, d’Israël et du terrorisme islamiste, il nous livre ses impressions et analyses les plus récentes relatives au conflit qui oppose de plus en plus largement, d’une part, Israël, et, de l’autre, l’Iran et notamment ses proxys Hezbollah et Hamas.

Propos recueillis par Angélique Bouchard

Le Diplomate : Ces derniers jours, Israël a démontré que son second principe de dissuasion après le nucléaire, à savoir l’élimination talionique des ennemis du peuple juif n’importe où afin que les autres sachent qu’ils seront toujours traqués, est plus que jamais en action. Que vous inspirent ces éliminations ?

Pierre Rehov : Depuis le 7 octobre, journée tragique durant laquelle 1200 Juifs et non-Juifs ont été massacrés et 240 pris en otages par les terroristes d’obédience nazie qui infestent Gaza, Israël a été contraint de mener une guerre existentielle. Cela fait des années que l’Iran tente de rayer l’Etat Hébreu de la carte en prétextant intervenir en faveur des Arabes qui se font appeler « palestiniens », alors que cette dictature islamiste essaie en fait d’imposer une hégémonie chiite sur tout le Moyen Orient. Il est intolérable pour les islamistes que les Juifs aient obtenu leur émancipation du statut de « dhimmi » et reconstruit leur nation sur leur terre d’origine. Cela remet en cause les fondements mêmes de l’Islam, qui se considère comme la seule « vraie » religion, destinée à remplacer tous les monothéismes. C’est dans ce contexte de survie, qui rend indispensable le rétablissement de l’image de toute puissance dont bénéficiait Israël jusqu’au 7 octobre, que gouvernement de Netanyahu s’est engagé à éliminer tous les responsables du pogrom. Il ne s’agit pas d’exercer la loi du talion, qui est pourtant une forme de justice équitable, mais de restaurer la dissuasion. C’est une des raisons pour lesquelles Israël a choisi ses cibles de façon symbolique, en exécutant le numéro 2 du Hezbollah en plein Beyrouth, et le numéro 1 du Hamas, Ismaël Haniyé, en plein Téhéran. Ces deux assassinats démontrent que le bras long d’Israël est toujours actif, et que les ennemis du peuple Juif ne sont à l’abri nulle part. Il s’agit aussi d’humilier l’ennemi, car la notion d’honneur passe avant toute autre considération dans le monde musulman. Le Hezbollah et l’Iran se sont retrouvés minables et auront du mal à s’en remettre.

Que répondez-vous à ceux qui, en Europe, prennent à la lettre les appels à la vengeance de Téhéran, du Hezbollah ou du Hamas, et craignent un embrasement général du Moyen-Orient ?

Tout dépend des personnes auxquelles vous faites allusion. S’il s’agit du camp antisémite islamonazi dirigé par le gang Mélenchon, leur opinion a peu d’importance car ils ne sont qu’une erreur passagère de l’Histoire, prolongeant à leur manière le régime de Vichy, mais préférant le keffieh et la babouche à la botte nazie. Il existe heureusement d’autres acteurs politiques amis d’Israël ou suffisamment neutres pour que leur opinion soit prise au sérieux, qui s’inquiètent à juste titre d’un embrasement général. Les premiers veulent faire porter le chapeau à Israël, quelles que soient les abominations commises depuis des décennies par le camp opposé. Ils prendront automatiquement parti pour l’Iran, même si la dictature des Mollahs est tout autant l’ennemie de l’Europe que celle d’Israël. A une nuance près, c’est que le gouvernement iranien à l’intelligence d’utiliser la carotte du pétrole pour pénétrer l’Europe, tandis qu’il utilise évidemment le bâton contre l’état hébreu. Le scénario d’un embrasement repose en fait sur la capacité d’une coalition menée par les USA à protéger Israël, comme cela s’est produit le 13 avril dernier, lorsque l’Iran a tenté d’arroser l’état hébreu de roquettes visant la population civile. Il va s’agir de démontrer à Khamenei qu’Israël n’est pas seule et qu’une agression de grande envergure pourrait conduire à une riposte israélienne proportionnelle, qui pourrait entrainer la fin du régime des Mollahs. C’est à mon sens le scénario le plus souhaitable pour la paix ou Moyen Orient, le peuple iranien, et la fin de cette aberration de l’histoire qu’est le palestinisme.

Apparemment, la direction du Hamas est très collégiale, et Ismail Haniyé est remplaçable, donc sa mort va-t-elle changer le cours des négociations des otages ou pas ?

Le seul à décider du sort des otages est Yahya Sinwar. Il est terré quelque part dans un tunnel entre Rafah et Khan Yunis, et la doctrine israélienne est de mener ses négociations en position dominante. Plus Sinwar se sentira acculé, et plus il y aura de chances d’obtenir des concessions de sa part. Il ne faut pas oublier qu’en plus d’avoir éliminé Haniyé, Israël a également tué Mohammed Deif, qui était le dirigeant de la branche armée du Hamas. En l’espace d’un mois, Israël a donc décapité sa branche politique et sa branche armée. Le Hamas est acculé et continue de compter sur la communauté internationale pour obtenir un cessez-le-feu qui lui donnerait une victoire. S’il s’était « contenté » de commettre un attentat terroriste le 7 octobre, il n’est pas exclu qu’Israël aurait déjà cédé à la pression de l’UE et de l’ONU, comme cela s’est produit lors des précédentes confrontations. Mais Israël ne pardonnera jamais les viols, les tortures, le massacre de familles entières, qui ont été filmés et diffusés sur les réseaux sociaux le 7 octobre, et dont le Hamas s’est ouvertement vanté, avant de déclarer avec son cynisme habituel qu’il ne s’était attaqué qu’à des soldats. Malheureusement, lors d’un conflit existentiel de ce type, c’est le pays tout entier qui est pris en otage, et l’équation israélienne, extrêmement difficile, consiste à tenter d’obtenir la libération de ceux qui souffrent le martyr entre les mains des gazaouis, souvent civils d’ailleurs, tout en préservant l’avenir des 10 millions d’âmes, juifs, chrétiens, musulmans, druzes qui vivent dans le pays.

L’assassinat du numéro 2 du Hezbollah Fouad Chokr qui fait suite à de nombreux bombardements israéliens au sud Liban et à des assassinats de dirigeants du Hezbollah au Liban ou en Syrie va-t-elle dissuader le groupe ou l’obliger à répliquer pour l’attirer dans un piège permettant à Tsahal de repousser encore plus le Hezbollah derrière le fleuve Litani ?

La mentalité des dirigeants du Hezbollah oscille entre le fanatisme et la pure lâcheté. Mais au final, c’est l’Iran qui tire les ficelles et Nasrallah ne fait qu’obéir à ses protecteurs. A l’issue de la guerre de 2006 qui a opposé Israël et l’organisation terroriste, un cessez-le-feu imposé par l’ONU impliquait le désarmement du Hezbollah et le retrait de ses forces au-delà du fleuve Litani, c’est à dire à plus de 15 km de la frontière avec Israël. La résolution 1701 n’a jamais été appliquée, et la FINUL, c’est à dire les casques bleus en charge de la faire respecter, ne s’est jamais opposée à l’arrivée massive de roquettes et missiles en provenance de l’Iran, pas plus qu’elle n’a tenté d’empêcher le Hezbollah de proliférer le long de la frontière israélienne. Il semble évident qu’Israël profitera d’une expansion du conflit pour contraindre le Hezbollah à respecter cette résolution. Quitte à renvoyer le Liban à l’âge de pierre.

Le régime Iranien est de plus en plus fragile, et l’élimination de Haniyé en plein cœur de Téhéran est une humiliation telle que le régime des Mollahs et des Pasdarans va devoir répliquer. Craignez-vous une guerre Iran-Israël sachant que 97 % des missiles Iraniens interceptés la dernière fois sur 300 projectiles iraniens signifie que des centaines atteindraient Israël si des milliers étaient lancés cette fois-ci ? …

La menace est réelle et la crainte raisonnable. Reste à savoir combien de pays interviendront pour empêcher le plus grand nombre possible de roquettes d’atteindre Israël, dans la crainte justement d’un embrasement que nous avons déjà évoqué. La Jordanie, qui a un accord de paix avec Israël, mais est loin d’être un pays ami, s’est engagée à empêcher les missiles iraniens à survoler son territoire. Les USA sont en train de renforcer leur présence militaire dans la région. En réalité, le pourcentage que vous évoquez n’est pas totalement exact car, sur plus de 300 missiles, 2 seulement ont réussi à faire quelques dégâts à l’intérieur d’Israël. Un, en étant intercepté au-dessus du Néguev, dont les shrapnels ont blessé une petite bédouine, et l’autre en endommageant le mur d’enceinte d’une base militaire. En supposant que l’Iran multiplie son agression par dix, nous risquons de nous retrouver avec une vingtaine de missiles atteignant le territoire. Ce serait tragique, mais le pays y survivrait.

Tsahal n agit elle pas comme si les négociations en cours relatives à la libération des otages israéliens étaient vaines ou secondaires par rapport à la priorité de détruire le Hamas et dissuader ses supporters et alliés ou protecteurs ?

Comme je l’ai indiqué auparavant, Israël fait face à un conflit existentiel. La priorité c’est de mettre les organisations terroristes palestiniennes hors d’état de nuire, afin que l’hypothèse d’un second 7 octobre soit exclue à tout jamais. Malheureusement, dans une telle configuration, il est réaliste de penser que, tout en étant d’une importance capitale, la libération des otages passe en second.      

Enfin, concernant les élections américaines à venir, l’ex-président et néo-candidat Donald Trump a-t-il encore des chances d’arriver au pouvoir en novembre ? Et s’il y parvient, laissera-t-il Israël frapper les installations nucléaires et vecteurs liés, ainsi qu’il l’a laissé entendre ouvertement à de nombreuses reprises ?
Le président Trump a toutes les chances d’arriver au pouvoir en novembre car, cette année, les Démocrates ne disposent pas de deux outils capitaux qui leur ont permis de prendre la Maison Blanche en 2020. Tout d’abord le réseau social X, qui était dirigé par des gauchistes atteints du syndrome anti-Trump lorsqu’il s’appelait Twitter, est désormais entre les mains d’un allié de Trump. Mais ce qui a surtout permis aux Démocrates de mettre au pouvoir un vieux sénile accompagné d’une hystérique au QI peu développé, c’est le COVID et le vote par correspondance permettant toutes les tricheries. Trump est un ami d’Israël, mais surtout un vrai patriote, amoureux de son pays et de son peuple, contrairement aux privilégiés qui, depuis Obama, se sont efforcé de mettre les USA à genoux. Il a parfaitement compris, comme Huntington, que le monde faisait face à un choc des civilisations et que l’Islam était l’ennemi numéro de l’Occident. On peut supposer qu’une fois au pouvoir il continuera d’appliquer sa doctrine de négociations en position de force et, contrairement à Biden qui doit répondre devant son aile ultragauchiste, laissera totalement les mains libres à son allié israélien.


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