État de siège : La liberté d’expression en Israël soumise à des sanctions

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La liberté d'expression en Israël

Par Oded Forer, membre de la Knesset

Le décret exécutif sans précédent n°14115 de l’administration Biden, daté du 1er février 2024, a été rapidement suivi par une série d’annonces similaires de la part des gouvernements occidentaux sanctionnant des citoyens et des groupes israéliens.

L’impact de ces sanctions va bien au-delà des personnes dont elles restreignent les libertés. Les gouvernements qui se prétendent depuis longtemps des alliés démocratiques de la seule démocratie au Moyen-Orient ont en réalité sapé les fondements de la démocratie israélienne.

En annonçant des mesures punitives extrêmes contre des personnes, des mouvements et des organisations de la société civile qui n’ont jamais été accusés d’actes criminels par le gouvernement israélien et contre qui aucune procédure légale n’a jamais été menée en Israël, aux États-Unis ou en Europe, le régime de sanctions rejette fondamentalement les institutions de la démocratie israélienne.

De concert avec l’administration Biden, les gouvernements du Canada, de l’Australie, du Japon et de la France – et l’UE dans son ensemble – se sont arrogés le droit de décider, sur la base de sources et de processus totalement opaques, quels citoyens israéliens sont coupables, et quelles positions politiques sont considérées comme criminelles et illégitimes, et ce, sans aucune procédure légale adéquate.

Les sanctions visent exclusivement des individus et des organisations qui expriment ou incarnent une vision positive des droits d’Israël en Judée et en Samarie, le berceau indigène et ancestral de la civilisation juive. Ces individus portent un regard critique sur la viabilité et la désirabilité d’un État palestinien, et s’opposent à une accommodation politique avec l’organisation terroriste Hamas, des opinions partagées par la majorité des Israéliens après le massacre du 7 octobre 2023.

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Cette politisation très extrême des sanctions, jusqu’à récemment employée contre des organisations terroristes et criminelles internationales, est une tragédie pour l’état de droit, la démocratie, non seulement la démocratie israélienne, mais celles du monde libre que représentent les démocraties occidentales. Elles sont destinées à avoir un effet dissuasif sur le droit à la différence, et portent directement atteinte à la liberté d’expression et de dissidence, valeur pourtant sacrée dans les démocraties libérales.

En tentant de plier les processus politiques en Israël pour mieux se conformer à leur propre vision géopolitique et à leurs intérêts, les gouvernements occidentaux et les organismes internationaux ont mis de côté ces principes fondamentaux. Les conséquences de ces sanctions sont susceptibles de porter un coup sévère à la conduite des relations internationales et à la démocratie elle-même.

Outre l’expression d’une approche colonialiste envers les institutions démocratiques israéliennes, ces sanctions ciblées sont potentiellement toxiques pour l’ensemble de la société civile israélienne, et par extension, pour les organisations de la société civile dans leurs ensembles.

Pendant des années, les différents gouvernements israéliens se sont abstenus d’interférer avec les organisations non gouvernementales étrangères, malgré l’implication massive des gouvernements étrangers dans le paysage politique national israélien, à travers une multitude d’organisations de la société civile bien financées par leur biais.

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Si les sanctions américaines, canadiennes et européennes ciblent désormais les organisations sionistes, légales, non violentes et légitimes de la société israélienne, on peut s’attendre à ce que les décideurs et les faiseurs d’opinion israéliens se sentent plus libres d’abandonner leur politique de retenue de longue date envers les organisations de la société civile antisionistes et propalestiniennes (majoritairement financées par l’Union européenne et ses États membres). Ainsi, l’application des lois sur la transparence et d’autres restrictions que les parlementaires israéliens se sont jusqu’à présent abstenus d’appliquer pourraient bientôt devenir la “nouvelle norme”.

Dans ce contexte, la Knesset a réuni la commission constitutionnelle mercredi dernier pour discuter de la manière dont le gouvernement entend faire face à ces sanctions. Les ministères concernés travaillent actuellement à l’élaboration de mesures pour contrer ces sanctions et alléger leur fardeau pour les citoyens israéliens touchés. Parmi ces initiatives, il est prévu d’engager des discussions diplomatiques avec les gouvernements « sanctionneurs » tout en renforçant la protection juridique des citoyens israéliens affectés.

Par ailleurs, quatre citoyens israéliens binationaux avec les États-Unis ont lancé une procédure en justice contre l’administration Biden, accusant cette dernière de porter atteinte à leurs droits fondamentaux. Ce recours pourrait ouvrir la voie à d’autres actions en justice similaires, accentuant ainsi la pression sur l’administration américaine pour reconsidérer ses mesures.

La plus fondamentale de toutes les libertés démocratiques est la liberté d’expression, la liberté de questionner, de contester – même avec les instances du gouvernement – et, le cas échéant, de manifester son désaccord.

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Lorsqu’un citoyen estime que son gouvernement mène une politique injuste ou imprudente, il a le devoir démocratique sacré de prendre position, de présenter des arguments sur le marché des idées et d’exprimer ses préoccupations dans les sphères publique et parlementaire.

Lorsque les citoyens ont des raisons de croire que le gouvernement lui-même ne respecte pas la loi du pays, les chiens de garde, sous forme d’organisations non gouvernementales de la société civile, sont tenus de tirer la sonnette d’alarme.

Toutes les sociétés démocratiques partagent la conviction que l’étouffement du discours civilisé et du débat, de l’activisme juridique et des protestations publiques pacifiques conduira inévitablement les citoyens à se mettre en marge de la société. Cela ne sert l’intérêt de personne.

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Les gouvernements occidentaux ont maintenant pris des mesures extrêmes et sans précédent qui sortent des paramètres normaux de la diplomatie, en accordant peu ou pas de réflexion sur les ramifications plus larges que ces sanctions engendrent. En adoptant ces nouvelles sanctions radicales, les champions de la démocratie ont jeté une ombre très sombre sur leur engagement envers les principes fondamentaux du régime démocratique.

Ces sanctions doivent être reconsidérées, tant pour le bien du rôle continu de l’Europe en tant que force de paix et de démocratie au Moyen-Orient que pour la vitalité de nos valeurs partagées de démocratie et de liberté.

L’auteur est membre de la Knesset, président de la commission de la Knesset sur l’alya, l’intégration et les affaires de la diaspora, et ancien ministre israélien de l’agriculture et du développement rural.

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Traduction de l’article : Freedom of speech and dissent must remain cornerstones of the US-Israel relationship

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne représentent en aucun cas la position éditoriale du Diplomate


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