Difficilement mais obstinément, les forces de défense et de sécurité du Mali sont bien au combat. Engagées sur tous les fronts et malgré les frontières mouvantes et effrayantes du sable du Sahara, elles tiennent à respecter leur serment et donner au peuple malien sa dignité.
De l’autre côté, un nouveau type de maliens est né. Cela date d’une décennie. Ils sont experts de tout et en tout. Ils défient le monde entier. Ils inondent les réseaux sociaux et se réclament comme soutien à l’armée. Ils peuvent déjeuner avec le bon Dieu et dîner sans gêne aucune, avec le diable. Ils sont les patriotes 2.0.
Au milieu, on trouve des hommes au grand boubou et aux longs chapelets qui revendiquent la connaissance de Dieu et ses préceptes. Ils ont presque réussi à inventer un nouveau type d’islam où ils garantissent l’enfer ou le paradis selon le degré de soumission, non pas en Dieu mais en eux-mêmes. Ils promettent les vierges du paradis aux kamikazes mais préfèrent gérer leur part ici-bas.
L’armée au combat
L’armée nationale du Mali a été créée officiellement le 1er octobre 1960 et le 5 septembre 1961, marque le départ du dernier soldat français du Mali. De 13 000 hommes à sa création, elle compte un effectif de 56 200 réguliers en 2022.
Au-delà de tous les maux qu’on lui colle depuis près de 20 ans, l’armée malienne a connu des jours de gloire en Afrique. Elle était efficace et crainte par plus d’un. Elle a participé à plusieurs opérations de maintien de la paix en Afrique et dans le reste du monde, notamment en République démocratique du Congo (1960-1964 et depuis 1990 au compte de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo), au Libéria en 1990, en Sierra Leone en 1997, Angola[1] (1993 -1998), Haïti (2004), et en 2000 en République centrafricaine etc.
Sur le plan intérieur, elle a aussi une grande expérience dans la lutte contre les différentes rébellions dans le Nord du pays. La période allant de 1962 à 1964 a marqué la première rébellion touarègue. Connue sous le nom de « rébellion des fellaghas », elle fut violemment réprimée. En 1985, comme le Niger, le Mali a fait face à une grande rébellion, mâtée elle aussi à son tour. En mai 1990, ce sont les Touaregs du nord du Niger qui attaquent la ville de Tchintabaradene. Les grandes représailles de l’armée ont coûté la vie à des centaines de personnes. En juin de la même année, la grande rébellion touareg a commencé avec l’attaque de la prison et de la garnison de Ménaka. S’en est suivi aussi une manœuvre de l’armée ayant occasionné un exode massif de la population. Finalement, en mars 1991, le régime du dictateur Moussa Traoré est renversé (23 ans de dictature militaire) à la suite d’une violente répression de manifestation d’étudiants. La chute du général Moussa Traoré et le début de l’ère démocratique (1991 -1992) marquent le déclin progressif de l’armée malienne.
L’estocade finale lui sera assenée en 2012 (une année après l’assassinat du colonel Kadhafi et la destruction de son pays par la France de Nicolas Sarkozy et ses alliés de l’OTAN), où le pays s’est vu couper en deux par une horde d’islamistes, de sécessionnistes, de renégats et autres bandits de grands chemins.
L’armée malienne aujourd’hui
Engagée dans un combat asymétrique où les adversaires n’ont de limite que le ciel et/ou l’ennemi est difficilement identifiable, on peut dire sans se tromper que la tâche est complexe. Il s’agit de défendre un pays vaste comme deux fois et demi la France et 7 400 km de frontières à sécuriser ! Au-delà, le départ des soldats de l’opération Barkhane qui ont combattu pendant près de 10 ans et les réarticulations des forces de l’ONU ont été dépeint comme la « fin » du Mali. Les grands médias ont fait choux gras en faisant des prédictions aussi apocalyptiques que « charlatanesques ». Selon les prophètes du nouvel ordre mondial, le Mali allait chavirer comme le Titanic avec tous ses fils et toutes ses filles. A ce titre, tous les prédicateurs du « new age » ont oublié des éléments dans leurs analyses : la détermination du peuple malien devenu aussi dur qu’un acier trempé et la revanche d’une armée humiliée[2]. Ce peuple fier est dans l’écrasante majorité prêt au suicide collectif pour ne plus tendre la main à l’ancien colon.
Sans devoir contester l’apport des forces étrangères, notamment françaises, à l’effort de guerre pour la stabilisation du Mali, il n’est guère difficile de prouver scientifiquement que « La guerre de Troie n’a pas eu lieu ». Au contraire. La situation sécuritaire bien précaire s’est nettement améliorée dans une certaine mesure depuis le départ de Barkhane et la prise en main du ciel par les forces armées de sécurité et de défense. Si c’est clairement un leurre d’affirmer que la sécurité est totalement maîtrisée, le glas ne sonne plus plusieurs fois par semaine pour les soldats maliens, habitués à se faire charcuter dans leurs propres camps. C’est du has been ! D’une armée défensive aux multiples replis tactiques, on constate la nouvelle ère d’une armée d’initiatives, d’attaques et vigoureusement offensive. Le vecteur aérien a été considérablement renforcé avec l’acquisition de dizaines d’avions de chasse, d’hélicoptères, d’avions de transport, de radars et autres drones (notamment aux Russes). Vantées comme le fruit d’accords « gagnants-gagnants », quasiment toutes les acquisitions en armement des nouvelles autorités viennent de la Russie. A part les drone Bayraktar de type TB2 achetés avec la Turquie, tout vient de la Russie. Il est d’ailleurs bon de signaler que la Russie jouit d’une grande notoriété dans toute l’Afrique en raison du fait qu’elle y est exempte de passé colonial exploitable comme c’est au contraire le cas de la France.
La fin de la Françafrique a-t-elle sonné ?
Les populations du Sahel dans leur majorité sont convaincues que c’est bien la France qui est derrière ces expéditions punitives. Elle n’aura pas tâche facile et sa diplomatie est mise à rude épreuve. Lors de la Conférence tenue à Brazzaville, du 30 janvier au 8 février 1944, le général De Gaulle déclarait : « Les fins de l’œuvre de civilisation accomplies par la France dans les colonies écarte toute idée d’autonomie, toute possibilité d’évolution hors bloc français de l’empire. La constitution éventuelle, même lointaine de self-gouvernement dans les colonies est à écarter ». Est-ce la fin d’une époque ? Le ressenti populaire veut que la méthode change, le comportement aussi, tel que l’indique le titre du livre d’Antoine Glaser Arrogant comme un français en Afrique (Fayard, Paris 2016) …. En réalité, les peuples africains en général sont reconnaissants et n’ont rien contre un peuple en particulier. Le sentiment dit « Anti-français » perçu par les autorités de la France ne sont que des expressions d’un ras-le-bol de la politique française en Afrique. Ce qui n’a absolument rien à voir avec le peuple français avec qui ils ont un destin intimement lié. Malheureusement, les faits sont là et ils sont têtus : « Nous [français, ndlr] avons saigné l’Afrique pendant 4 siècles et demi. Nous avons pillé ses matières premières. Après on a dit [que, ndlr] que les Africains ne sont bons à rien. Au nom de la religion, on a détruit leur culture et maintenant, comme il faut faire les choses avec plus d’élégance, on leur vide les cerveaux grâce aux bourses. Puis, on constate que la malheureuse Afrique n’est pas dans un état brillant, qu’elle ne génère pas d’élites. Après s’est enrichit à ses dépens, on lui donne des leçons », disait Jacques Chirac, alors Président de la République française face à la presse à Yaoundé au Cameroun en 2001.
L’erreur de la France au Mali est d’avoir pactisé avec le diable au Nord du pays, d’avoir choisi entre le « bon » et le « mauvais » terroriste. C’est ce comportement oxymore qui a transformé les applaudissements nourris au Président François Hollande en un vomissement à propos de Macron.
Pour preuve, Le 5 février 2013, Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la Défense, disait : « que la ville de Kidal dans le nord du Mali est sous contrôle des forces françaises, avec le soutien des forces africaines et tchadiennes en particulier. Quelque 1.800 soldats tchadiens étaient entrés ces derniers jours dans Kidal, ancien fief des groupes islamistes dans le nord du Mali, pour sécuriser la ville, dont les Français contrôlent également l’aéroport ».
Les rebelles Touaregs du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) avaient affirmé, le même jour, se coordonner et collaborer à 100% dans le nord du Mali avec les forces françaises contre les terroristes islamistes. Le Drian a avoué : « il est vrai qu’à Kidal, nous avons eu des relations fonctionnelles avec le MNLA » (AFP), rebelles qui sont pourtant, en s’unissant avec les jihadistes, à l’origine du chaos malien…. Cette situation a créé une confusion dans la tête des maliens qui considéraient l’Opération « Serval » comme une mission salvatrice. Or, selon Ahmed Sékou Touré « Le premier ennemi de la révolution est la confusion ». Ce sont des épisodes fâcheux de ce type qui ont poussé les nouvelles autorités à scruter d’autres horizons. Est-ce un désespoir ? Est-ce une inimitié pure et dure de la France ? La question a le mérite d’être posée.
Par la même occasion, nous avons amplifié l’audience des radios « mille collines » et journaux de l’époque de la ruée de l’or sur le nouveau continent où les caïds étaient « Wanted alive or dead ». Face à certains des idéologues de l’ombre de ce conflit de la bêtise, Goebbels le tribun et Hitler le manipulateur apparaissent comme de vulgaires apprentis sorciers qui ne voyaient pas plus loin que le bout de leur nez.
Les patriotes 2.0
Depuis 2012, début de la guerre, on assiste à un foisonnement sans précédent d’experts, de spécialistes en tout et pour tout. Comme dirait Umberto Eco : « Les réseaux sociaux ont donné le droit à la parole à des légions d’imbéciles qui avant ne parlaient qu’au bar et ne causaient aucun tort à la collectivité. On les faisait taire tout de suite. Aujourd’hui ils ont le même droit de parole qu’un prix Nobel ».
Le communicologue que je suis serait malhonnête de nier le fabuleux apport des nouveaux médias à la société de l’information et du savoir. Toutefois, je m’interroge à haute voix : avons-nous bien approprié ces outils ? En faisons-nous le meilleur usage possible ? Donnons-nous seulement la peine de regarder chez nos voisins pour copier les meilleures pratiques ? Il va sans dire que « science sans conscience n’est que ruine de l’âme », et dans un Mali en proie à un conflit asymétrique, les conséquences sont des plus désastreuses. Du jour au lendemain, nous avons vu pousser, comme des champignons, des experts dignes des professeurs de Harvard. Ils enseignent tout. Ils connaissent tout. Certains ont été invités à la table de Jésus et du prophète Mohammed (PSL). D’autres, dépositaires de la science infuse, ont décliné un rendez-vous avec Dieu le Père préoccupés qu’ils avaient à réaliser un Facebook live ou quelque autre prestation sur Whatsapp ou Instagram. Au bout du coup, leurs prestations qui étaient supposées compétiter aux Grammy Awards ne se réduisent qu’en une litanie de vulgaires injures, dénigrement, déni de la réalité et chapelet de haine et de peur. Pendant que nous excellions dans l’autodénigrement, dans l’autoflagellation et dans l’autodestruction, les terroristes, eux, n’ont pas perdu du temps. Ils ont instauré dans nos différents terroirs si paisibles des khalifats qui distillent la terreur, la méfiance et la peur de l’autre. Ces bandits qui ne sont en réalité que des vestiges archéologiques sortis des sarcophages sans âge ne respectent qu’une seule loi, la leur : l’obscurantisme, la barbarie et le goût du sang des innocents. En voilant nos faces pour ne pas voir la réalité et en nous terrant dans nos conforts égoïstes, nous nous sommes rendus complices d’une œuvre satanique de démolition de notre civilisation.
Les islamistes déjantés
Au milieu du tohu-bohu innommable et d’une eau trouble qu’il convient d’assainir et de contenir sous peine que le déluge nous emporte tous, les pêcheurs en eau trouble tiennent l’occasion rêvée d’assouvir leur dessein maléfique. Sinon, comment comprendre que dans un tel contexte des personnes responsables appellent fréquemment la foule à prendre d’assaut des édifices déjà fissurés, brinquebalant et aux fondations dangereuses fragilisées par tant d’épreuves ? Il n’est point besoin d’être un brillant esprit pour comprendre que certains agissements n’ont d’autres desseins que d’asséner l’estocade finale à un pouvoir qui se bat sur tous les fronts.
L’imam radical-salafiste Dicko, le cerveau de l’islamisme fréro-salafiste malien et la source du chaos obscurantiste
Un leader religieux et ses sbires sont impliqués dans presque tous les coups d’état du Mali (de Moussa Traoré jusqu’à Bah N’Daou en 2021). Bafouant toutes les valeurs de l’islam maraboutique tolérant, ils sont les adeptes de la théorie « Moi ou le chaos ». L’iman Dicko[3], produit du salafisme radical (même si ce dernier se réclame du wahhabisme) des pays du Golfe (notamment l’Arabie Saoudite), a réussi, par une manifestation populaire à écarter le Président IBK du pouvoir de manière quasi-tragique. A l’époque, les organisateurs de la manifestation de tous les dangers se sont cachés derrière la mauvaise gouvernance pour passer aux actes. Pousseront-ils les colonels au pouvoir vers le même sort ? Le soutien grandissant dont bénéficient ces derniers lui est un frein mais s’ils franchissent (Dicko et ses hommes) le rubicond, ce sera probablement le pas de trop dans la lente descente aux enfers de notre pays. Est-ce de cela dont le pays a besoin aujourd’hui ? Il ne m’appartient pas de donner une réponse en lieu et place de mes concitoyens qui sont les mieux placés pour décliner objectivement leurs priorités du moment.
Il ne déplairait sûrement pas à l’imam Dicko d’arpenter les couloirs de Koulouba. En tout cas, les agissements dont il est légion peuvent en attester la teneur. Avec un islamiste dans la place, qu’adviendra-t-il de la sacro-sainte laïcité du Mali ? Depuis tout le temps qu’il se rêve dans le rôle de Président de la République sans passer par la case élection, l’iman Dicko serait le dernier à mettre bas un régime et à ne pas pouvoir se baisser pour ramasser le pouvoir à ses pieds.
Ceux qui ont vécu l’occupation dans les régions nord du Mali entre 2012 et 2013 savent de quoi sont capables les islamistes moyenâgeux et leurs affidés zélés. Sommes-nous si mal lotis qu’il nous faut choisir entre la peste et le choléra ? Malheureusement et de la manière la plus triviale qui soit, « quand on emprunte le chemin de « je m’en fous », on se retrouve dans le village de si « j’avais su ».
En tout état de cause, le souhait de la grande majorité des maliens est de voir la laïcité brillée de mille feux aux dépens des partisans de la force et de la charia.
[1] Pour la petite histoire, c’était le diplomate et homme politique malien Alioune Blondene Beye qui était le Représentant du secrétaire général de l’ONU. C’est sous son leadership qu’un cessez-le-feu a pu être signé entre les parties en conflit. Son Excellence Beye est mort dans un crash d’avion au large de la Côte d’Ivoire dans des conditions très troubles.
[2] Ceux qui étaient venus former les soldats maliens les ont fait imiter les bruits des armes par la bouche. Ils n’avaient même droit à des balles en blanc pour s’entrainer. Pourtant, les instructeurs européens face d’eux étaient armés jusqu’aux dents. De véritables martiens au secours de pauvres nègres qui devraient se contenter du strict minimum.
[3] Il vient de s’opposer au projet de la nouvelle constitution du Mali proposé par le Colonel Goïta. Lui qui aimerait voir une République islamique du Mali.