Comment les Atlantistes se servent des réseaux nazis en Ukraine [ 2 – 2 ]

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Des militants d’Euromaidan (le nom donné à la place de l’Indépendance) se tiennent devant une barricade pour empêcher une attaque policière à Kiev le 24 janvier 2014. Des manifestants antigouvernementaux occupaient des bâtiments de l’administration régionale dans six régions de l’ouest de l’Ukraine après avoir pris d’assaut les bâtiments , dans un nouveau défi majeur pour le président Viktor Ianoukovitch. AFP PHOTO / SERGEI SUPINSKY (Photo de SERGEI SUPINSKY / AFP)

Deuxième partie : Pourquoi les Atlantistes ferment les yeux sur la réhabilitation du nazisme en Ukraine 

Dans la première partie de cet article nous avons vu comment l’idéologie nazie a été réhabilitée en Ukraine par une frange extrémiste de l’élite kiévienne et d’Ukrainiens de l’Ouest du pays. La question maintenant est de comprendre pourquoi ? Quel était l’intérêt pour l’Ukraine de réhabiliter des militants nazis et pourquoi l’Occident, si prompt à voir des nazis partout, ne dit-il rien sur le réveil inquiétant de cette idéologie en Ukraine ? Pourquoi Washington et Bruxelles ferment-ils les yeux ? La dernière question (et peut-être la plus importante) est comment l’Ukraine peut-elle être unie en célébrant des héros de l’Ouest qui avaient pris les armes contre ceux de l’Est ? L’Ukraine avait tout à perdre dans cette réécriture arbitraire et discriminatoire de l’histoire. Aucun pays ne peut survivre divisé contre lui-même. Seuls les USA, dont le but politique est de d’opposer l’Ukraine à la Russie, avaient quelque chose à y gagner. C’est pour cela que l’Amérique a été très active dans la préparation de la Révolution orange en 2004 puis du coup d’État du Maïdan en 2014 qui lui permit de placer à la tête de l’État ukrainien ses hommes liges. Au lieu de choisir des héros consensuels, l’État ukrainien et ses conseillers atlantistes ont misé sur la branche raciste du nationalisme ukrainien. Cette réhabilitation est une véritable opération de réingénierie sociale pour « purifier » la population ukrainienne de tout ce qui est russe ou issue des minorités historiques. C’est une opération de nettoyage politique, culturelle, historique et même ethnique. Les origines de l’Ukraine étant intimement liées à la Russie, cette opération ne pouvait se dérouler dans la douceur, elle devait être radicale pour inscrire l’Ukraine dans une perspective atlantiste viscéralement antirusse. La glorification d’hommes comme Bandera et ses militants, qui avaient fait du Russe le bouc émissaire de la « nation ukrainienne » pendant la Deuxième Guerre mondiale, facilite un discours antirusse actuel qui s’est développé à l’ouest de l’Ukraine et dans les cénacles d’une partie de l’élite kiévienne.

Certains semblent incrédules à l’idée que Bruxelles et Washington puissent soutenir des mouvements ouvertement néonazis en Ukraine. C’est très mal connaître la stratégie d’ingérence américaine. En effet quand Washington veut changer un gouvernement qui ne lui convient pas il s’appuie systématiquement sur des mouvements de jeunes hommes galvanisés par une idéologie, quelle qu’elle soit, qui vont servir de levier pour éjecter le pouvoir en place manu militari. C’est ainsi que Washington a financé, formé et armé les Moudjahidines en Afghanistan contre les Afghans socialistes et l’Union soviétique ; les djihadistes bosniaques, les néonazis oustachis croates et les milieux de la pègre albanaise contre les Serbes, des milices islamistes contre Bachar al Assad en Syrie ou Mouammar Kadhafi en Libye. C’est une constante du manuel US de l’ingérence étrangère. Ce ne sont pas des jeunes libéraux-démocrates qui vont renverser un gouvernement ou intimider des opposants, ce sont toujours des jeunes extrémistes et Washington sait très bien les manipuler. 

Pendant la révolution de l’Euromaïdan les Atlantistes se sont ainsi appuyés sur Oleh Tyahnybok, co-fondateur du Parti Social-National d’Ukraine (devenu Svoboda), qui avait qualifié le régime du Président Viktor Ianoukovitch de « mafia judéo-moscovite. » Les nouveaux responsables politiques du pays sont choisis par Washington dans l’élite financière et technocratique mais les responsables des mouvements bandéristes et néonazis ne sont pas en reste et sont recyclés au sein de l’État ukrainien. Andriy Paroubiy, ancien co-fondateur du parti Social-National d’Ukraine et chef de la sécurité pendant l’Euromaïdan, devient le président du parlement ukrainien (Rada) de 2016 à 2019. Andreï Biletsky, issu de la même formation politique est, quant à lui, devenu le commandant du bataillon Azov qui s’affiche ouvertement avec des symboles arborés par des groupuscules néonazis comme le Wolfsangel (crochet du loup) ou le Schwarze Sonne (soleil noir). Vadim Troyan, commandant dans le bataillon Azov, devient le responsable de la police de Kiev entre 2014 et 2021. Dmitro Yarosh, chef du mouvement Praviy Sektor et fondateur de l’Armée des volontaires ukrainiens, est devenu député puis conseiller du commandant en chef des armées ukrainiennes. Les liens entre l’État et les chefs bandéristes sont nombreux. 

BHL rejette la campagne de dénazification des Russes en prétextant que le président ukrainien actuel de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky, est juif. C’est un raccourci que l’on ne peut pas prendre au sérieux. Les relations entre Zelensky (qui n’est pas pratiquant) et les mouvements extrémistes sont certes compliquées, et il ne doit pas les aimer dans son for intérieur, mais il en a besoin. Il dit d’ailleurs : « Stepan Bandera est un héros pour un certain nombre d’Ukrainiens, et c’est une chose normale et cool (sic). Il était l’un de ceux qui ont défendu la liberté de l’Ukraine. » Pour bien comprendre ce paradoxe il faut garder à l’esprit que le coup d’État de 2014 a été soutenu et financé par les USA et des ONG atlantistes. Le professeur américain Stephen F. Cohen vilipende ouvertement la « collusion des USA avec les néonazis. » A Kiev, ce sont en effet les USA qui tirent les ficelles et ils veulent deux choses qui semblent contraires alors qu’elles sont en réalité complémentaires. D’un côté Washington a besoin d’un président à l’aise avec les médias qui donne une bonne image de l’Ukraine au monde extérieur. Mais de l’autre côté Washington a aussi besoin de travailler la rhétorique ultranationaliste afin de faire monter le sentiment antirusse dans la société ukrainienne, notamment dans l’armée, et intimider ceux qui veulent d’une Ukraine apaisée avec Moscou. Ces mouvements néonazis sont faibles électoralement mais leur influence irrigue toute la société ukrainienne. Depuis le coup d’État de 2014 de nombreux soldats de l’OTAN sont venus former les soldats de Kiev. Pour l’ex-soldat américain et ex-inspecteur de la Commission spéciale des Nations Unies (UNSCOM) en Irak, Scott Ritter, les groupes extrémistes ont été complètement absorbés par l’armée. « Il y a des néonazis partout » dit-il. Les photos et vidéos de soldats ukrainiens arborant des symboles nazis et extrémistes sont pléthoriques. Cette réhabilitation de l’idéologie bandériste ne touche pas que l’armée et suinte également dans les livres d’école, les médias et au plus haut niveau de l’administration ukrainienne. 

Le 17 décembre 2021 les Nations Unies ont adopté une résolution condamnant le nazisme et toute forme de racisme. Seuls deux pays ont voté contre : les États-Unis et… l’Ukraine. Ne pas comprendre que les États-Unis, qui ont fomenté le coup d’État de 2014 à Kiev, ont besoin de jeunes radicalisés prêts à donner leur vie pour éloigner la Russie du reste du continent européen, c’est faire preuve de beaucoup de naïveté. BHL, frappé du syndrome de Stockholm, ferait mieux d’ouvrir les yeux. Dire que tous les nationalistes ukrainiens sont nazis est évidemment faux mais sous-estimer les formidables réseaux que des groupuscules extrémistes, inspirés du nazisme, ont tissés au sein même de la société et de l’État ukrainiens l’est tout autant. 

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