Peuple mosaïque à la culture d’une richesse immense, fruits de civilisations qui furent au carrefour de toutes les influences antiques, arabes, franques, ottomanes et européennes, les Syriens payent le lourd tribu des habitants sur des failles sismiques, mais aussi géopolitiques, tendues et toujours mouvantes.
Depuis les accords Sykes-Picot de 1916 qui ont dessiné à la baguette une frontière en plein désert, symbole de trahison faite aux arabes et à la dynastie al-Hussain en particulier, l’État syrien n’a jamais connu de stabilité́ en conjonction avec une véritable prospérité mis à part une courte période durant le mandat français.
Les successions de coups d’Etats d’après-guerre ont abouti à l’installation de la minorité́ alaouite, issue d’une secte chi’ite, tenue d’une main de fer par Hafez el Assad, puis par son fils Bachar.
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De plus en plus kleptocrate et répressif au cours des ans, le régime el Assad s’est vu confronté à un mouvement de révolte, puis de guerre civile armée par des puissances étrangères, dont le bilan fait état de 500 000 morts, 1 million au moins de blessés, plus de 10 millions de réfugiés à l’intérieur du pays et aux alentours.
Le régime de sanctions mis en place dès 2011 par les Etats-Unis, l’Union européenne et la Ligue Arabe a rapidement imposé un embargo sur les produits pétroliers syriens, ainsi que sur les actifs financiers du régime et des produits ciblés pouvant servir à la répression des populations.
Ces sanctions furent renforcées par Washington notamment en 2019 par le « César act », suite à la révélation des actes de torture systématique du régime sur les populations civiles par le photographe militaire syrien éponyme. Cet acte sanctionne aux Etats-Unis toute entreprise ou organisation qui commercerait avec la Syrie.
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Quel fut le bilan de ces sanctions après 12 ans sur l’objectif initial des puissances étrangères de l’arrêt de la répression, ou plutôt, soyons honnêtes, d’un changement de régime en Syrie ?
Sans entrer dans les détails techniques et juridiques, il semble évident que seule la population la plus pauvre et la plus vulnérable ait pâti de ces sanctions. D’ailleurs, la Syrie d’aujourd’hui n’est contrôlée que sur environ 40% de son territoire par le régime de Bachar al Assad. Le reste étant soit tenu par différents groupes armés (Kurdes, islamistes), soit par des armées étrangères d’occupation (armée israélienne au Golan et armée turque à la frontière Nord).
Des sanctions spécifiques concernent l’interdiction de commercer avec le Groupe Etat Islamique (Dae’ch). Celles-ci doivent bien entendu être maintenues, même si les zones tenues par cette organisation en Syrie sont bien plus affaiblies qu’auparavant grâce à l’action conjointe des forces kurdes, mais aussi de l’armée russe…
Les sanctions touchant aux produits pétroliers empêchaient l’organisation logistique de l’aide humanitaire sur place. Le Conseil européen a donc voté le 31 mai 2013 un amendement permettant l’achat, l’import/export de produits pétroliers à des fins humanitaires.
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C’est ce qui permettrait aujourd’hui à n’importe quelle ONG ou même État de s’impliquer officiellement et sans délai dans l’aide aux victimes du tremblement de terre du 6 février dernier qui a ravagé tout le Nord du pays.
Pourtant, comme l’enfer est pavé de bonnes intentions, ce vote fut une demi-mesure qui instaura un véritable trafic inique de faux-nez humanitaires. Toutes les mafias, bandes armées et trafiquants s’étant rués dans la brèche ouverte pour faire entrer du carburant dans le pays.
La frontière Nord du pays est entièrement occupée par des milices ou armées étrangères, ce qui rend caduque et inopérante ces sanctions dans la zone touchée par le séisme.
La question de la levée ou non des sanctions ne doit donc pas être instrumentalisée pour faire croire à l’opinion publique qu’elle empêcherait toute action humanitaire en Syrie, mais c’est bien l’instabilité en Syrie du fait de son occupation partielle par des Etats ou des groupes armés qui rend très complexe tout acheminement d’aide aux plus nécessiteux.
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Les sanctions en vigueur en Syrie ne font finalement qu’enrichir les trafiquants et n’ont pas empêché le maintien du régime al-Assad, qui fut sauvé par Moscou et par Téhéran.
Aujourd’hui encore, l’Iran installe ses pions à Damas avec par exemple l’évacuation de quatre bourgades de ses habitants autour de l’aéroport pour y placer dans les maisons des villageois des Pasdarans et des hauts gradés de l’armée iranienne qui ont pour mission d’installer et d’opérer des systèmes de missiles anti-missiles.
Ce dôme d’acier est censé être le pendant occidental du bouclier perse que met en place la république islamique pour contrer toute attaque israélienne… ou turque.
Moscou de son côté ne lâchera jamais son point d’appui maritime de Tartous, qui est un poumon vital avec Mourmansk, Kaliningrad et Vladivostok en cas de blocus total des détroits de la mer Noire par Ankara.
Même s’il est devenu la marionnette de la Russie et de l’Iran, le régime syrien est donc en voie de normalisation et a bon rôle de faire valoir son rôle pacificateur dans la région.
Il coûte à l’auteur d’écrire ces lignes tant il a personnellement connu la violence de ce régime, mais il faut se rendre à l’évidence que le maintien de la minorité alaouite au pouvoir à Damas en conjonction avec les autres minorités religieuses et ethniques en Syrie pourrait être un facteur de stabilité et de reconstruction du pays, à la condition d’en accompagner le mouvement.
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La Syrie est donc la prochaine clé de voute du flanc Sud de cette troisième guerre mondiale qui a déjà commencé. Les puissances s’y affrontant sans vergogne, et sans intérêt réel pour les populations.
Dans ce contexte, il semble temps pour Paris et pour les européens de proposer une solution concrète pour véritablement amener la Syrie vers une paix durable qui comprendrait notamment :
- La reprise de nos relations diplomatiques avec Damas
- La neutralisation des groupes armés : Hezbollah (pro régime), Dae’ch, PKK, groupes islamistes divers. Ce sale boulot étant actuellement principalement le fait des armées de l’air israélienne et turque.
- L’instauration de statuts d’autonomie officiels forts pour la Rojava (Kurdistan syrien), aujourd’hui autonome de facto, qui ira de pair avec la protection des kurdes de Syrie des attaques potentielles de Damas, et surtout des attaques réelles et avérées d’Ankara.
- Levée totale des sanctions internationales
- Evacuation de l’armée turque du Nord de la Syrie
- Evacuation du plateau du Golan par Israël
- Renforcement de la présence onusienne par mandats pour le respect des mesures de maintien de la paix.
Bien entendu, une telle feuille de route est très ambitieuse, et la situation géopolitique ne permet actuellement pas sa mise en place. Mais c’est sans doute à la France de faire le premier pas pour ne serait-ce que proposer une paix des braves avec Damas, une perspective pour le peuple syrien, et une voie alternative à la vassalisation du régime envers Moscou et Téhéran.
Ghislain de Castelbajac a vécu et travaillé plus d’une décennie dans
les pays du Golfe persique en tant qu’expert dans les domaines du
renseignement et de l’analyse, après avoir été chargé de mission au
service du Premier Ministre de la France. Il exerce maintenant dans la
conformité des transactions internationales. Il est également gérant d’actifs, et
restaure avec passion un vaste monument historique familial dans le Gers.
Nommé par décret du Premier Ministre français en 1996 chargé de mission au Secrétariat
Général de la Défense et de la Sécurité Nationale (SGDSN), Ghislain de Castelbajac débute
sa carrière au sein de l’équipe du Groupe Permanent de Situations, puis du pôle Affaires
Internationales et Stratégiques.
En 2000, dans le cadre d’accords de défense bilatéraux, il rejoint les équipes du Chef d’Etat-
Major du gouvernement fédéral des Emirats Arabes Unis en tant que conseiller spécial.
À ce titre, il fut co-fondateur d’un modèle d’analyse systémique régional d’évaluation des
risques et opportunités en contexte de sécurité nationale, et d’une cellule de traitement de
l’information stratégique et du renseignement. Il a formé de hauts fonctionnaires locaux sur
ces questions, fut l’auteur de nombreux rapports et responsable de plusieurs missions sur
des sujets sensibles concernant la région, durant la période troublée de 2000-2005.
Basé à Dubaï (EAU) depuis 2005, il a rejoint une structure d’advisory, conseillant des
investisseurs en due diligence stratégique et de conformité en exécutions d’opérations de
fusions-acquisitions. Il conseille des entités publiques sur des programmes de conformité, y
compris pour la création d’un régulateur financier aux Emirats Arabes Unis.
Il a conseillé ses clients sur de très nombreuses transactions par le biais de due diligences et
audits préalables dans plus de 90 pays sur des Fusions, Joint-Ventures, partenariats
internationaux, investissements directs étrangers, dans le cadre de grands projets
industriels.
De retour en France, il a fondé fin 2013 la première plateforme de due diligence : Il est
opérateur de due diligences et conseiller sur des problématiques d’éthique des affaires et de
mise en place de schéma d’intelligence économique pour plusieurs sociétés européennes.
Il est titulaire d’un DEA (Master 2) en histoire diplomatique et géopolitique de Paris IV
Sorbonne, d’un DESS (Master 2) en administration et droit des organisations internationales
de l’Université Paris-Sud Jean-Monnet, et est un ancien élève de l’Institut Supérieur des
Affaires d’HEC.
Il est co-auteur d’un livre de référence sur les questions des Nationalités en Europe de l’Est
au début du XXème siècle, et auteur de nombreux articles, interviews et analyses
internationales parues dans des Think-Tanks spécialisés et médias.
Il a enseigné les techniques d’investigations internationales au sein du master de l’Ecole de
Guerre Economique (ESLSCA) à Paris.
Elu municipal d’une commune rurale, lauréat des prix de la Fondation Bern, Fondation
Sotheby’s, Fondation Mérimée, French Heritage Society, Fondation François Sommer.