Nommé président de la Cop 28 qui se déroulera aux Emirats arabes unis du 30 novembre au 12 décembre prochain, Sultan Al-Jaber défraye la chronique tant pour son parcours professionnel atypique que par son ambition de penser le monde de demain. Il symbolise à lui seul la synthèse d’un homme attaché à son pays et à ses ressources mais conscient qu’il faille apporter une tendance moderne et plus respectueuse de l’environnement.
N’en déplaise à certains, Sultan Al-Jaber a été choisi le 12 janvier dernier pour présider la Cop 28 sur le climat qui se déroulera aux Emirats arabes unis du 30 novembre au 12 décembre prochain. Cet homme de 49 ans a bel et bien le profil adéquate pour être à la tête d’un tel évènement. Si on l’accuse d’être à la solde des lobbys pétroliers, car il est lui-même PDG de la compagnie nationale pétrolière Abou Dhabi national oil company (Adnoc) depuis 2016, il a tout au long de sa carrière agit pour penser la ville de demain, plus moderne, plus durable et moins polluée.
Qui mieux qu’un dirigeant d’une grande compagnie pétrolière peut donner une nouvelle dynamique plus responsable de l’environnement ? Si le secteur pétrolier est responsable de la crise climatique actuelle, force est de constater qu’un homme ambitieux comme Al-Jaber peut faire partie de la solution. Il s’évertue à changer de paradigme et d’inscrire son action dans le temps long et dans une nouvelle ère.
Et ça, les Emirats arabes unis l’ont bien compris. Si le pays est doté des quatrièmes réserves pétrolières mondiales, il est aussi le fer de lance d’une prise de conscience pour parvenir à une transition écologique. Outre les signatures de nombreuses conventions internationales sur le climat parmi lesquelles l’Accord de Paris de 2015, Abou Dhabi est porteur de nombreux projets innovants plus respectueux de l’environnement, avec des villes plus durables, plus oxygénées, moins densément peuplées, avec moins de trafic. Et c’est bel et bien Sultan Al-Jaber qui a depuis plusieurs années insufflé une réelle politique écologiste pour son pays.
Un parcours hors du commun
Né en 1973, il part faire ses études à l’étranger. Il obtient une licence de génie chimique à l’Université de Caroline du Sud aux Etats-Unis et enchaîne avec un doctorat en économie de l’université de Coventry au Royaume-Uni avant de finir par un MBA (maîtrise en administration des affaires) à Los Angeles. Ce parcours académique exemplaire lui permet à son retour de graviter rapidement dans les cercles de pouvoir des Emirats arabes unis. Il rejoint ainsi la société d’investissement émirienne Mubadala (échange en arabe). Cette compagnie s’engage dans l’après pétrole pour diversifier l’économie des Emirats arabes unis avec des projets dans les télécoms en Afrique et en Asie notamment.
A l’âge de 33 ans, Sultan Al-Jaber devient le fondateur de Masdar (source en arabe), également connu sous le nom d’Abou Dhabi Future Energy Company. C’est une société d’énergie renouvelable qui a pour vocation d’investir dans des projets durables tels que la plus grande centrale solaire Shams 1 ou encore le parc éolien de London Array le long des côtes britanniques de Norfolk. La compagnie a déjà investi dans plus de 40 pays. Sous son impulsion, l’entreprise décide également de lancer le projet de création de Masdar City, une ville a moins de 30 kilomètres d’Abou Dhabi. Cette initiative s’inscrit dans la pensée moderniste d’Al-Jaber, cette ville se doit être la vitrine d’un nouveau monde, non pollué, avec des transports écologiques, sans voiture, une sorte d’éco-cité. La ville devrait voir le jour en 2030 et pourra accueillir pas moins de 50 000 personnes.
En 2009, il a dirigé les efforts de Masdar dans la candidature réussie des Émirats arabes unis pour accueillir le siège de « l’Agence internationale des énergies renouvelables » (IRENA). Toutes ses réussites et ses engagements pour la planète lui valent d’être désigné «champion de la Terre» par l’Onu en 2012 dans la catégorie « vision entrepreneuriale ».
D’ailleurs, il prend les rênes de Masdar et devient président en 2014. En parallèle, il continue de s’impliquer dans la modernisation de son pays en dirigeant la Abou Dhabi Ports Company de 2009 à 2019. De surcroît, il gère le Conseil national des médias des Émirats arabes unis de 2016 à 2020.
Objectif Cop 28
De par son parcours, Sultan Al-Jaber est un homme à plusieurs casquettes, à la fois dirigeant dans le secteur pétrolier, un ministre de l’Industrie et des Technologies avancées des Emirats arabes unis à partir de 2020, mais il n’a jamais perdu de son vue son objectif principal : faire de son pays le leader d’une transition écologique. Dès 2021, Abou Dhabi s’était fixé comme but d’atteindre des émissions nettes nulles d’ici 2050.
Prenant très à cœur son rôle d’envoyé spécial auprès des Nations Unies pour les questions climatiques, il s’engage à donner une dynamique positive face aux nombreux défis environnementaux. A ce titre, pour s’imprégner pleinement des débats actuels sur l’écologie, Sultan Al-Jaber participe aux deux précédentes Cop. D’ailleurs, en Egypte en 2022, il dirige une délégation émirienne de plus de 1000 personnes.
Face aux critiques qui émanent en grande partie des écologistes, le patron de la Abou Dhabi National Oil Company se veut rassurant et à la fois pragmatique. « Ce n’est pas un conflit d’intérêts. Il est dans notre intérêt commun que l’industrie de l’énergie travaille aux côtés de tous sur les solutions dont le monde a besoin », a déclaré Sultan al-Jaber en précisant être dans une démarche inclusive.
Il sait pertinemment que le monde aura encore besoin des combustibles dans les prochaines décennies et qu’il faudra miser dès lors sur les producteurs les moins polluants, à savoir ceux du Golfe. « Nous ne pouvons pas débrancher le système énergétique actuel avant d’en avoir construit un nouveau» a-t-il ajouté en précisant de «n’investir que dans les barils les moins intensifs en carbone et continuer à réduire leur intensité ».
Au cours du Sommet mondial sur le développement durable à New Delhi le 22 février, Sultan Al-Jaber a martelé que l’objectif de l’Accord de Paris de limiter le réchauffement climatique à 1,5 ° C au-dessus des niveaux préindustriels est «non négociable».
D’ailleurs, Frans Timmermans, le commissaire européen à l’Action pour le climat approuve parfaitement la présidence de cette future Cop. « Le futur président est idéalement placé pour jouer un rôle de premier plan dans cette énorme transition » a-t-il salué en précisant que les observateurs critiques « devraient s’intéresser à ce qu’il a fait au cours des dernières années. Il a mené l’offensive pour également amener l’industrie pétrolière et gazière vers un monde durable ».
Ses engagements qui s’inscrivent dans la durée prouvent que Sultan Al-Jaber n’est pas un arriviste défendant corps et âme l’industrie pétrolière. A la tête de la Cop 28, il donnera les directives pour les négociations sur le climat. Il est fort à parier qu’il mettra l’accent sur les innovations de pointe pour mettre en place une réelle transition écologique à l’échelle de la planète.