Le 28 mars 2023, le Ministre de l’Énergie de la Fédération de Russie, Nikolaï Choulguinov annonçait fièrement que son pays était désormais en mesure de rediriger toutes ses exportations de pétrole brut qui ont été touchées par les sanctions occidentales contre l’Ukraine, vers ce qu’il a qualifié de pays “amis”.
“Je peux dire aujourd’hui que nous avons réussi à réorienter complètement le volume total des exportations affectées par l’embargo. Il n’y a pas eu de baisse des ventes”, a déclaré Choulguinov, cité par l’Agence Reuters.
Qu’on y songe, ce nouvel alignement entre les pays des BRICS en faveur du commerce du brut russe n’est pas surprenant étant donné qu’aucun des autres pays membres de la Russie n’a choisi de soutenir les sanctions imposées par les gouvernements du monde occidental.
De fait, lancé en 2001 en tant qu’alliance commerciale informelle entre les économies en développement rapide du Brésil, de la Russie, de l’Inde et de la Chine, le groupe a ajouté l’Afrique du Sud à ses membres en 2010.
Depuis, il s’est de plus en plus positionné comme une alternative géopolitique au G7, dont les membres comprennent les États-Unis, le Japon, l’Italie, le Canada, l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni et l’Union européenne.
Dans ce contexte, en 2014, les BRICS ont utilisé 50 milliards de dollars de fonds d’amorçage pour créer la Nouvelle Banque de développement comme alternative à la Banque mondiale et au Fonds monétaire international. Dans le même temps, le groupe a également créé ce qu’il appelle le Contingent Reserve Arrangement pour soutenir les membres qui luttent pour honorer leurs dettes.
Dans cette perspective, on indique que dans une récente interview accordée à WION News, le Ministre sud-africain des Affaires étrangères, Mme Naledi Pandor, a déclaré que l’Afrique du Sud et les dirigeants d’autres pays des BRICS éprouvaient un ” très vif intérêt” et un certain nombre d’autres pays pour ces outils de financement. Affirmant qu’elle avait actuellement sur son bureau « 12 lettres » émanant des pays candidats. A ce titre, elle cite volontiers : l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, l’Égypte, l’Algérie et l’Argentine mais aussi le Mexique et le Nigeria.
Quand l’Arabie saoudite se tourne irrémédiablement vers l’Est
Plus que jamais, aucun pays n’aura exprimé autant d’empressement à faire des affaires avec le groupe BRICS que l’Arabie saoudite ces derniers mois. En mars 2022, le Wall Street Journal a souligné que Riyad avait engagé des pourparlers avec la Chine sur la possibilité de réaliser certaines de ses ventes de pétrole en utilisant le yuan chinois comme monnaie. Une telle décision perturberait l’ordre pétrolier de longue date qui utilise le dollar américain, ou “pétro-dollar“, comme monnaie de référence pour les échanges pétroliers internationaux depuis 1973.Mais il y a plus. Lors du Forum économique mondial de Davos en janvier 2023, le ministre saoudien des Finances, Mohammed Al-Jadaan, a déclaré que son pays était ouvert aux échanges de devises autres que le dollar américain. “Il n’y a aucun problème à discuter de la manière dont nous réglons nos accords commerciaux, que ce soit en dollar américain, en euro ou en riyal saoudien“, a déclaré Al-Jadaan.C’est ainsi que les relations de l’Arabie saoudite avec la Chine se sont renforcées dans d’autres domaines en 2023. L’accord entre l’Iran et l’Arabie Saoudite signé en mars dernier, par l’entremise de Pékin, est assurément à marquer d’une pierre blanche. C’est ainsi qu’en annonçant la reprise de leurs relations diplomatiques, l’Arabie saoudite et l’Iran entendent redistribuer les cartes au Moyen-Orient. Pour Georges Malbrunot, grand reporter au Figaro , ce rapprochement constitue un nouveau fiasco diplomatique pour les Etats-Unis et renforce le rôle de médiateur de la Chine sur la scène internationale. Dans ce contexte, l’invitation du roi d’Arabie Saoudite adressée au Président iranien, renforce la coalition, pour l’instant économique, qui pourrait du reste se transformer en coalition militaire impliquant l’Iran, la Russie, la Chine et l’Arabie Saoudite.Beaucoup y verrait le signe de l’influence croissante de la Chine dans la région. Mais qu’à cela ne tienne, le porte-parole de la sécurité nationale de l’administration Biden, John Kirby, a fortement repoussé l’idée que l’influence américaine diminuait telle une peau de chagrin. Et le New York Times de citer John Kirby : “Je repousserais avec véhémence cette idée que nous reculons au Moyen-Orient.” Et ce dernier d’ajouter que l’Arabie saoudite avait tenu les responsables de l’administration Biden informés de l’évolution des négociations au fur et à mesure de la progression des discussions. Chacun sait que les liens économiques de l’Arabie saoudite avec la Chine ont continué de se renforcer. A ce titre, Riyad a annoncé que deux nouveaux accords permettraient de fournir à la Chine jusqu’à 690 000 barils de pétrole par jour. Le Globe and Mail a du reste souligné que ces deux accords sont les plus gros accords depuis que le Président chinois Xi Jinping a effectué une visite d’État à Riyad en décembre 2022 pour officialiser les relations florissantes de son pays avec la Maison des Saoud.Dès lors, il est fort à parier que dans le cadre de la réunion annuelle de l’Alliance BRICS, qui se tiendra en septembre prochain, l’Arabie saoudite pourrait officiellement être admise en tant que nouveau membre de cette Alliance.On l’aura compris, à l’aune de ces événements, il ne fait aucun doute que l’ancien ordre mondial, et s’agissant d’autant plus du pétrole, a bel et bien disparu, et qu’un nouvel ordre mondial pétrolier émerge à grands pas.Du reste, les implications de ce nouveau contexte géopolitique émergent, commencent seulement à se faire sentir. Elles deviendront de plus en plus apparentes dans les mois à venir…