La recension de Tigrane Yégavian
Présentation par Tigrane Yégavian du dernier ouvrage de Fabrice Balanche, docteur en géographie politique, agrégé de géographie, maître de conférences à l’Université Lumière Lyon 2, ancien directeur du GREMMO et ancien chercheur associé au Washington Institute for Near East Policy et à la The Hoover Institution, Stanford University. Chercheur de terrain, Fabrice Balanche est l’un des plus grands spécialistes français et internationaux du Proche-Orient.
Fabrice Blanche, Syrie Liban communautarisme et pouvoir, Presse universitaire Rhin & Danube, 224 pages, 24 euros
L’un est un isolat, l’autre malgré la guerre civile, était largement ouvert sur le monde. L’un affiche un communautarisme politique décomplexé et anachronique, l’autre derrière le vernis idéologique panarabiste du Baas, applique une autre forme de confessionnalisme exacerbé à mesure que le pouvoir se sent menacé. Intrigué par le décalage entre la perception du communautarisme par les universitaires français et la réalité du terrain, Fabrice Balanche, l’un des meilleurs spécialistes français et internationaux du Levant, propose ici une lecture décomplexée et lucide du fait communautaire appliquée à la Syrie et au Liban, dont il parcourt les moindres recoins depuis une trentaine d’années. La Syrie et le Liban sont marqués par des antagonismes ethniques, religieux et tribaux qui semblent irréductibles. Leurs systèmes communautaires respectifs constituent une grille de lecture fondamentale à l’origine de l’échec de leur construction nationale. Hafez el Assad ne croyait pas si bien dire en affirmant que le Liban et la Syrie constituaient un seul peuple en deux États… mais pas pour les mêmes raisons que l’on croit.
En porte à faux avec un académisme très marqué par l’héritage intellectuel et idéologique d’Edward Saïd, Fabrice Balanche déconstruit les idées reçues et les grands récits sur la révolution syrienne. Et à l’aide de ses cartes et de ses analyses apporte des clés de compréhension extrêmement claires sur la base de ses trois décennies de terrain. Le communautarisme constitue le grand absent de l’orientalisme. La recherche académique pêche par son aveuglement et ses explications tronquées à l’égard des conflits qui enflamment l’Orient arabe alors que nous en subissons le retour de flamme dans un contexte de crispation identitaire. On lira cet ouvrage extrêmement fluide à l’écriture alerte comme un manuel de géographie politique qui inscrit son auteur parmi les grands noms de l’école réaliste française.