Jacques Bompard : « L’affirmation d’une culture propre et d’une justice claire donne des résultats remarquables avec une sécurité et un sentiment de sécurité très largement reconnus »

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Jacques Bompard est né en 1943 à Montpellier d‘un père officier dans l‘armée française et résistant. Dès son adolescence, il s‘engage en politique et milite avec un anticonformisme qui sera toujours sa marque de fabrique. Chirurgien-dentiste, il devient maire d‘Orange en 1995, puis est réélu maire à 5 reprises jusqu‘en 2021. 

Dans son dernier ouvragequi alterne considérations sur l‘état déplorable de la justice en France, souvenirs personnels et hypothèses de réforme, Jacques Bompard rappelle que l‘injustice est un mal social, c‘est-à-dire politique. Sa cause est politique. Le retour de la justice sera donc avant tout une révolution politique au service du Bien commun.

Entretien exclusif pour Le Dialogue

Vous publiez aux éditions Godefroy de Bouillon votre 8ème livre sur « le gouvernement des juges ». Pourquoi un essai sur la justice ?

Parce qu’elle occupe une place prépondérante dans notre société qui est de plus en plus judiciarisée et parce qu’il me semble important de décortiquer le rôle que la justice joue dans les grands changements qui bouleversent notre civilisation.

Les sociétés occidentales ont subi une véritable révolution idéologique marquée par une inversion totale de leurs valeurs civilisatrices, dont l’un des sommets va être atteint, en France, avec le prochain vote sur la mise en œuvre de l’euthanasie. L’idéologie dominante veut remplacer Dieu par l’Homme augmenté. Elle veut que l’Homme ancien, soumis de tout temps aux lois naturelles, soit remplacé par l’Homme nouveau, soumis à son seul bon plaisir. On passe ainsi à un Homme sans ancrage naturel et, de ce fait, beaucoup plus manipulable. Aldous Huxley est balayé, la folie est aux affaires !

Cette révolution qui a remplacé la défense de la vie par la promotion des pires caprices s’est faite par la dictature du prêt à penser… et avec la collaboration plus ou moins active des juges qui sont passés de la défense de la Justice à la promotion idéologique du prêt à penser.

Ancien conseiller régional et départemental, trois fois député, vous êtes surtout connu pour avoir été élu maire d’Orange pendant plus de 25 ans. Ayant été, vous-même, frappé d’inéligibilité, pensez-vous que la justice soit la même pour tous en France ?

Non, bien sûr ! D’abord, la justice véritable n’est pas du domaine des hommes. Elle est du domaine de Dieu. Mais au-delà de ça, il faut que les Français se rendent bien compte que leur justice est asservie au prêt à penser. Pire encore : elle est aux avant-postes de cet asservissement !

La justice est, dans son fonctionnement d’ensemble, militante et totalitaire. Et de ce fait, ses décisions sont souvent partisanes. D’ailleurs, on voit de plus en plus de décisions prises en fonction des idées portées par la personne qui est jugée et non pas en fonction du droit.

A ce niveau-là, les jugements subis par les communes d’Orange et de Bollène, que je rappelle dans mon livre, sont exemplaires. Exemplaires de cette volonté de punir ceux qui s’opposent au prêt à penser. Ma condamnation à 5 ans d’inéligibilité pour une simple erreur administrative que j’ai eu le tort de ne pas corriger, en est la preuve. Surtout quand on la compare aux classements sans suite ou aux condamnations lénifiantes pour prise illégale d’intérêts des plus hautes personnalités politiques du système.

Si votre essai dresse un constat implacable sur l’état de la justice française, vous comparez cette dernière à trois autres systèmes judiciaires dans le monde : les Etats-Unis, la Chine et les pays du Moyen-Orient. Quelle leçon en tirez-vous ?

J’ai en effet voulu prendre un peu de hauteur et ne pas rester focalisé sur le niveau franco-français. J’ai donc voulu étudier comment la justice était rendue ailleurs dans le monde. Les trois civilisations que j’effleure dans mon livre représentent plus du tiers de la population mondiale.

Les Etats-Unis d’Amérique sont le symbole du règne du capitalisme, du cosmopolitisme et du communautarisme. La justice y pratique la peine de mort et l’emprisonnement est très facilité. Il y a une violence certaine dans la rigueur et l’ampleur des peines qui sont prononcées, avec notamment la perpétuité au bout de trois condamnations. Il est donc difficile d’être plus brutal et sévère que les tribunaux américains. Mais pour quel résultat ? Les crimes, la délinquance, l’insécurité y progressent constamment. C’est l’échec total.

La Chine a elle aussi une justice très dure. La grande sévérité des tribunaux peut conduire à la peine de mort, à des emprisonnements de très longue durée et même à des travaux forcés. Mais force est de constater que l’affirmation d’une culture propre et d’une justice claire donne des résultats remarquables avec une sécurité et un sentiment de sécurité très largement reconnus.

Enfin le monde islamique a une justice très sévère appuyée sur le Coran. Mais la sécurité est là.

Quelles leçons j’en tire ? D’abord que la répression est indispensable. Mais qu’elle ne suffit pas. Elle fonctionne d’autant plus efficacement que les particularismes, le communautarisme, l’individualisme ne polluent pas l’unité du corps social, que celle-ci soit culturelle ou religieuse. Cette unité, cette homogénéité, est un des facteurs essentiels du bon fonctionnement de toute société.

Vous dénoncez la mainmise idéologique du Syndicat de la Magistrature au sein de l’institution judiciaire. Mais quelles pistes proposez-vous pour réformer la justice en France ?

La politisation exacerbée, et même revendiquée, d’une partie de la magistrature pose un problème crucial à l’institution judiciaire qui a perdu tout soutien populaire. Cela est d’autant plus grave que les juges, qui étaient considérés comme la bouche de la loi dans la tradition française, sont devenus des législateurs, des faiseurs de loi, par le jeu de la jurisprudence. Et on en est arrivé à une justice qui méprise les textes de loi qu’elle est sensée appliquer !

Pourquoi ? Parce qu’aucun contrôle réel ne pèse sur les juges pour limiter leur pouvoir et cela entraîne les dérapages et les abus que nous avons tous en tête et qui sont souvent couverts par la confraternité.

Pour améliorer le fonctionnement de la justice, il est donc indispensable qu’un contrôle réel puisse s’effectuer sur les juges et qu’on puisse sanctionner les abus de pouvoir et les prises illégales d’intérêt de cette institution qui a détourné la juste force de la loi pour son propre intérêt, qu’il soit privé ou idéologique. Ce contrôle indispensable à mettre en place peut être démocratique, à l’américaine. On peut aussi imaginer un tribunal populaire, ce qui aurait pour avantage de réaffirmer le caractère démocratique de l’institution judiciaire qui juge normalement « au nom du peuple français ».

Des commissions d’études parlementaires pourraient aussi se concevoir avec le souci de sortir des lobbies qui sont au pouvoir aujourd’hui et détruisent jusqu’à la liberté de penser.

Tout ce qui est humain est bien sûr imparfait mais la vigilance doit être le souci premier de toute réforme ayant pour but le rétablissement de la cohérence de la justice. Cette cohérence passe absolument par le respect du bien commun et par le rappel incessant que les droits ne peuvent exister sans les devoirs correspondants, ce qui a été complètement oublié aujourd’hui par le pouvoir judiciaire.

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