La posture du « Grand sud » qui refuse de rejoindre les condamnations occidentales contre la Russie en affichant une prudente neutralité à l’instar de la Chine, de l’Inde ou bien encore de l’Indonésie, des Afriques, des États du Golfe ou de l’Amérique latine, ne traduirait-il pas un débat conflictuel, face à l’Occident qui opposerait les tenants d’un monde traditionnel, holiste, à la vision progressiste, post- moderne et individualiste ?
C’est ainsi que les cultures occidentales décrivent-elles l’holisme comme une affaire ancienne, un stade dépassé de l’histoire de l’humanité, à abandonner et à renier sans état d’âme. Cette pensée post-moderne requiert, du reste, une « institutionnalisation » de la solitude par dissociation des liens. Pour émanciper, elle dissout les solidarités.
Dans ce contexte, les États-providence peuvent répondre matériellement aux dégâts engendrés par la solitude individuelle, mais ils ne peuvent pas répondre spirituellement.
Ainsi la post-modernité engendre-t-elle des sociétés aux citoyens rassasiés de nourriture, mais affamés de connivence, et donc des sociétés moins guettées par la pauvreté que par le désespoir et par le dégoût de vivre.
Qu’on y songe, les gouvernement « illibéraux » d’Europe Centrale expriment par exemple une conception de la nation plus incarnée, plus organique que celle défendue par l’Europe de l’Ouest ou les institutions européennes post moderne considérée comme abstraite, trop rationnelle pour englober la vie des peuples et leur mémoire. « Elle répond d’abord à cette exécution de la nation, prononcée par les Occidentaux de la deuxième moitié du XXème, au prétexte que tout attachement à la nation susciterait le nationalisme, lequel nous a valu un siècle de guerres et de totalitarisme… La nation, dès lors haïe, s’est donnée une forme exsangue et abstraite afin de n’être pas susceptible de creuser les haines » précise la philosophe Chantal Delsol. « Nous nous trouvons devant une rivalité entre deux paradigmes. L’individualisme occidental, libéral et mondialiste, se trouve en face de plusieurs cultures distinctes qui le combattent au nom chaque fois d’une forme d’holisme et d’enracinement … » ajoute-t-elle.
Et cette dernière de préciser : « Aujourd’hui nous trouvons devant des volontés affichées de non-occidentalisation, ou de désoccidentalisation. Nous assistons à un nouveau recul de la légitimité universaliste, signifiant un refus des standards occidentaux, réunis autour du libéralisme ».
On l’aura compris, les caractéristiques de l’Occident moderne est l’individualisme. C’est bien l’individualisme qui est récusé par les cultures extérieures qui mettent encore en exergue la solidarité, sur quoi reposent toutes les relations.
Dans cette perspective, on ne s’étonnera pas de voir par exemple, les pays africains souscrire davantage à la pensée développée par les démocraties « illibérales ».
A ce titre, la famille africaine est d’abord construite autour d’une vie commune. Pour beaucoup, l’argent possède une place secondaire. « Ma famille était pauvre, mais nous restions heureux et soudés » peut-on souvent entendre chez les Africains. En Guinée, la famille demeure la première cellule de la société, le lieu où on apprend à être attentifs aux autres et à les servir sans ostentation. « Je crois que l’Europe et l’Occident doivent retrouver le sens de la famille en regardant les traditions que l’Afrique n’a jamais abandonnées. Dans mon continent, la famille constitue le creuset des valeurs qui irriguent toute la culture, le lieu de la transmission des coutumes, de la sagesse des principes moraux, le berceau de l’amour gratuit » confie le Cardinal Robert Sarah
« Sans la famille, il n’y a plus de société, ni Église. En famille, les parents transmettent la foi. C’est la famille qui pose les fondements sur lesquels nous structurons l’édifice de notre existence »
Dans la même veine, la philosophie africaine affirme : « L’homme n’est rien sans la femme, la femme n’est rien sans l’homme, et les deux ne sont rien sans un troisième élément qui est l’enfant ».
Fondamentalement, la vision africaine de l’homme est trinitaire. Il y a en chacun de nous quelque chose de divin.
Chemin, faisant le Cardinal Sarah ne manque pas de fustiger la théorie du genre. Selon cette idéologie, il n’existe pas de différence ontologique entre l’homme et la Femme. Les identités masculine et féminine ne seraient pas inscrites dans la nature ; il s’agirait du résultat d’une construction sociale, un rôle que jouent les individus à travers les tâches et les sociales.
Pour ces théoriciens, le genre est performatif, et les différences homme-femme ne sont que des oppressions normatives, des stéréotypes culturels et des constructions sociales qu’il convient de déconstruire afin de parvenir à la parité homme-femme. « Dire que la sexualité humaine ne dépendrait plus de l’identité de l’homme ou de la femme, mais des orientations sexuelles, comme l’homosexualité, est un totalitarisme onirique » pour le cardinal d’origine africaine.
Quoiqu’il en soit, l’idée d’une identité construite nie en fait de manière irréaliste l’importance du corps sexué. Un homme ne devient jamais une femme, celle-ci ne devient jamais un homme, quelles que soient les mutilations que l’un ou l’autre peut accepter de subir. « Dire que la sexualité humaine ne dépendrait plus de l’identité de l’homme ou de la femme, mais des orientations sexuelles, comme l’homosexualité, est un totalitarisme onirique », conclut Robert Sarah.
L’époque contemporaine est devenue manichéenne et se complet dans l’humanitarisme. Ce dernier étant d’ailleurs l’héritier déçu de l’humanisme judéo-chrétien, qui a remplacé la sacralité de l’homme par la sacralité de l’homme d’où l’écologie radicale ou le véganisme.
Les deux paradigmes dont il est question plus haut : individualiste et holiste regroupent d’ailleurs assurément un certain nombre de cultures bien différentes… étant entendu que les Droits de l’Homme ne sont pas vécus de la même manière en Amérique et en Europe, l’holisme n’est pas le même chez les asiatiques et les chez les musulmans.