Le Premier ministre indien Narendra Modi est l’invité d’honneur du 14-Juillet à Paris. Ce sera assurément l’occasion pour de soigner son allié afin de renforcer sa sécurité dans l’Indo-Pacifique. Cette visite «sera l’occasion pour la France et l’Inde de réaffirmer leur engagement en faveur du multilatéralisme, notamment dans le cadre de la présidence indienne du G20».
L’Inde a peur d’une hégémonie chinoise et a besoin d’une vraie sécurité
« Je considère que l’accord d’aujourd’hui sur le soutien logistique réciproque entre nos armées (l’Inde et la France NDLR) constitue un pas en avant dans l’histoire de notre coopération étroite en matière de défense. Deuxièmement, nous pensons tous les deux qu’à l’avenir, la région de l’océan Indien jouera un rôle très important dans le bonheur, le progrès et la prospérité́ du monde » a déclaré Narendra Modi.
« Qu’il s’agisse de l’environnement, de la sécurité́ maritime, des ressources marines ou de la liberté de navigation et de survol, nous nous engageons à renforcer notre coopération dans tous ces domaines. »
Dans cette perspective, Paris et New Delhi ont signé un accord de coopération logistique qui ouvre les bases françaises de La Réunion, des Émirats arabes unis et de Djibouti aux forces navales indiennes.
Les Marines indiennes et françaises envisagent de « saisir toute possibilité d’escale de bâtiment de guerre d’un pays dans des ports de l’autre en vue d’exercice de passage ».
« Je veux que l’Inde soit l’un de nos partenaires clés dans la région, et un partenaire crédible en termes de sécurité́ », avait déclaré Emmanuel Macron à India Today, 10 mars 2018 lors de sa première journée en Inde où l’on s’inquiète de la stratégie dite du « collier de perles » mise en œuvre par la Chine, par ailleurs proche alliée du Pakistan, le « frère ennemi » de l’Inde.
Pour mémoire, la Chine a signé des accords militaires avec plusieurs pays riverains de l’Océan Indien. Mais ces accords ont de quoi piquer au vif New Delhi, car elle considère l’Océan indien comme sa « maison ».
Dans cette « maison », la France compte 1,7 million d’habitants sur les îles de Mayotte et de La Réunion.
La France compte le quart de son espace militaire dans l’Océan Indien
Dans ce contexte, elle peut se targuer tout à la fois de compter dans l’Océan indien le quart de son espace maritime, soit 11 millions de km2.
Mais il y a plus, elle est aussi le seul pays européen qui dispose d’une présence militaire permanente dans la région. Outre ses territoires, la France y possède deux bases militaires, à Djibouti – où une base militaire chinoise a été ouverte au cours de l’été 2017-et aux Émirats arabes unis.
« C’est la présence stratégique croissante de la Chine en Asie du Sud qui pose problème à l’Inde. On pense en premier lieu à stratégie du “collier de perles” – des bases navales qui s’échelonnent de la Birmanie à Djibouti, en passant par le Bangladesh, le Sri Lanka et le Pakistan – mais aussi au renforcement des liens militaires entre la Chine et les pays frontaliers de l’Inde, y compris le Népal. Ces initiatives nourrissent les inquiétudes de New Delhi quant à une stratégie chinoise d’endiguement, voire d’encerclement de l’Inde ».
Dans cette perspective, on fera référence aux installations portuaires civiles, de Gwadar, au Pakistan, à Kyaukpyu, en Birmanie, en passant par Chittagong au Bangladesh et Hambanto au Sri Lanka.
L’accord de coopération militaire et navale s’inscrit assurément dans la doctrine « Sagar » (« Océan » en hindi) initiée dès 2014 par le Premier ministre indien.
Il contribuera à regagner le terrain, dans ce si vital Océan indien. C’est ainsi que New Delhi est sur le point d’implanter une base militaire aux Seychelles.
Par ailleurs, on soulignera que 75 % des exportations européennes transitent dans l’Océan Indien, sans compter les nombreux câbles Internet sous-marins.
Le président Xi Jinping a dévoilé un programme maritime régional ambitieux, encourageant les États d’Asie du Sud-Est à aider la Chine à construire une Route de la Soie maritime du XXIe siècle. Cette route maritime Route complétera la soie route terrestre qui sera construite avec des partenaires d’Asie centrale.
Comme pour la Route de la Soie terrestre, l’établissement de la Route de la Soie maritime implique des investissements importants dans les infrastructures économiques et de sécurité autour du littoral de l’Océan Indien, notamment dans des pays comme la Birmanie, le Pakistan, le Sri Lanka, les Maldives et Djibouti.
C’est dans ce contexte que la France entend s’organiser face à ses tentatives hégémoniques.
La France est une grande puissance de l’Indo-Pacifique
De fait, fort de ses territoires tels que la Nouvelle-Calédonie, Wallis-et- Futuna, la Polynésie française, l’île de la Réunion et de Mayotte, sans oublier les Terres Arctiques et Australes, la France peut se targuer d’être la seconde puissance maritime du Monde.
En Australie comme à Nouméa, Emmanuel Macron n’a cessé de mettre en avant la constitution d’un axe stratégique pour répondre aux défis de la zone Indo-Pacifique, en particulier la volonté de projection chinoise, le terrorisme et le changement climatique.
Un vrai nouvel ordre géostratégique
« Ce nouvel axe Paris – New-Delhi – en passant par Papeete et Nouméa est absolument clé pour la région et nos objectifs communs dans la zone indo –pacifique », a déclaré Emmanuel Macron.
Il doit être « un vrai nouvel ordre géostratégique », avec l’Inde comme acteur de premier rang, mais en comptant aussi avec la Malaisie, les Philippines, Singapour et le Japon.
La France – présente dans la région avec notamment la Nouvelle-Calédonie à l’Est et La Réunion à l’Ouest – prendra toute sa part, a-t-il martelé.
Pour New Delhi, la Route de la soie maritime comme terrestre est comprise comme un moyen d’étendre l’influence stratégique de Pékin profondément dans la zone d’intérêt stratégique de l’Inde.
Pour New Delhi, on relèvera volontiers que cette route de la soie maritime est avant tout comprise comme un moyen d’étendre l’influence stratégique de Pékin profondément dans la zone d’intérêt stratégique de l’Inde.
Pour preuve, le développement du port de Gwadar, un port en eau profonde dans la Province du Baloutchistan au sud-ouest du Pakistan contribue assurément à attiser les tensions
Proche des couloirs énergétiques critiques du golfe Persique et des pays riches en hydrocarbures d’Asie centrale, Gwadar est destiné à former un lien naturel entre les composantes terrestre et maritime de la stratégie chinoise de la Route de la Soie. En outre, son volet terrestre traverse le territoire contesté de la région du Cachemire, ce qui conduit à des tensions sur la base de menaces à la souveraineté et à l’intégrité territoriale.
Bien que Gwadar soit présent comme un projet commercial à l’instar de tous investissements liés à l’initiative One Belt, One Road, la présence militaire chinoise croissante dans l’Océan Indien soulevé des questions quant aux objectifs réels de cette initiative.
Pour le Japon, ces craintes quant à l’initiative One Belt, One Road tiennent au risque que la Chine ne limite ou ne bloque les livraisons d’énergie en Asie de l’Est.
Étant entendu que le Pays du soleil levant importe quelque 90 % de son énergie, ce qui le rend très vulnérable à la perturbation de la chaîne d’approvisionnement.
Or le projet du port de Gwadar doit servir de lien entre les volets continental et maritime de la Route de la Soie.
Par le passé, l’Empire du Milieu s’est déjà montré prêt à exploiter la dépendance du Japon à l’égard des terres rares importées pour atteindre ses objectifs politiques.
Ce précédent suggère qu’il n’est pas invraisemblable de penser que Pékin puisse à l’avenir tenter de faire face à l’insécurité énergétique du Japon en acheminant une plus grande partie des approvisionnements via le port de Gwadar, pour être stockés ou revendus par la Chine, en limitant la quantité d’énergie qui traverse le détroit de Malacca.
Canberra jette un regard méfiant sur l’aide croissante apportée par la Chine dans les îles du Pacifique au Proche-Orient australien, craignant que cela nuise à la gouvernance et rende les États fragiles plus vulnérables à la coercition.
Et il y a plus, le refus du Gouvernement australien quant aux demandes chinoises d’associer la Northern Australia Infrastructure Facility à l’initiative One Belt, One Road, en dit long sur le climat entre Pékin et Canberra.
Pour l’heure, on soulignera l’importance de la Nouvelle-Calédonie dans le dispositif stratégique Indo-Pacifique qu’Emmanuel Macron appelle de ses vœux.
En 2005 déjà, le Premier ministre Manmohan Singh de l’Inde avait été invité au 14-Juillet… Presque vingt ans plus tard, c’est Narendra Modi qui descendra les Champs Élysées à l’occasion de la fête nationale.