L’Obsession des Américains pour Wagner en Libye et au Soudan

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Les États-Unis militent, et cela devient presque obsessionnel, pour le départ du Groupe Wagner de l’est et du sud de la Libye, tout en maintenant les troupes turques dans la région ouest, révèle Africa Intelligence.

C’est ainsi que par l’intermédiaire de Michael Langley, Commandant du Commandement des États-Unis pour l’Afrique (AFRICOM), Washington fait pression sur Khalifa Haftar – qui a fait appel à Wagner pour sa guerre contre Tripoli en 2019 – pour expulser les mercenaires russes du sud et de l’est, tout en soutenant la présence des troupes turques à Tripoli.

Africa Intelligence indique que Michael Langley mettait l’accent sur l’expulsion du Groupe Wagner, ajoutant que ce point a été discuté lors de sa réunion avec Haftar à Benghazi le 21 août 2023.

“Haftar en est très préoccupé, car il refuse de laisser partir Wagner sans garanties, surtout que les troupes turques peuvent rester à Tripoli selon la vision des États-Unis”, a déclaré Africa Intelligence.

Par ailleurs, Washington envisageait la création d’une force conjointe libyenne sous le commandement du Comité militaire mixte 5+5. Selon la proposition, les États-Unis, la France et le Royaume-Uni formeraient le personnel de la force conjointe et leur fourniraient l’équipement nécessaire.

Or chacun sait que les Américains exercent des pressions sur leurs alliés pour expulser la Russie de la Libye et du Soudan 

L’effort du Pentagone intervient alors que l’administration Biden mène une vaste campagne contre Wagner et la Russie en général. 

Les États-Unis ont imposé de nouvelles sanctions au groupe russe début 2023, en raison de son rôle croissant dans la guerre de la Russie en Ukraine.

L’administration Biden travaille du reste depuis des mois avec les puissances régionales, à savoir : l’Égypte et les Émirats arabes unis pour exercer des pressions sur les dirigeants militaires au Soudan et en Libye afin de couper les liens avec le groupe, selon plus d’une douzaine de responsables libyens, soudanais et égyptiens. 

Les responsables américains sont obsédés par Wagner“, a déclaré un haut fonctionnaire égyptien ayant une connaissance directe des pourparlers. “C’est au centre de chaque réunion”, révèle France 24.

Si le groupe Wagner ne fait pas état de ses opérations, sa présence est connue par le biais de rapports sur le terrain. 

Au Soudan, il était initialement associé à l’ancien homme fort Omar el-Béchir. 

Le Groupe Wagner, collabore désormais avec les dirigeants militaires qui l’ont remplacé. En Libye, il est associé au commandant militaire basé dans l’est de la Libye, le maréchal Khalifa Haftar.

Wagner aurait réalisé des milliers d’opérations dans des pays d’Afrique et du Moyen-Orient, notamment au Mali, en Libye, au Soudan, en République centrafricaine et en Syrie. 

Son objectif en Afrique ? Appuyer les intérêts de la Russie dans un contexte d’intérêt croissant pour le continent riche en ressources. 

Wagner a coutume de cibler les pays dotés de ressources naturelles pouvant être utilisées pour servir les objectifs et de la Russie. Il en va des mines d’or au Soudan, par exemple, où l’or peut être vendu de manière à contourner les sanctions occidentales“, a déclaré Catrina Doxsee, qui s’est plongée sur le dossier Wagner pour le compte du Center for Strategic and International Studies de Washington.

Le rôle du groupe Wagner en Libye et au Soudan était bel et bien au cœur des préoccupations et des discussions menées entre le directeur de la CIA, William Burns, avec des responsables en Égypte et en Libye en janvier 2023. 

Le secrétaire d’État Antony Blinken a lui aussi discuté du groupe Wagner avec le président Abdel Fattah el- Sissi lors d’un voyage au Caire fin janvier 2023, ont confirmé des responsables égyptiens. 

William Burns, patron de la CIA, est très préoccupé par l’influence croissante de Wagner (et des Russes !) sur le continent.

C’est un développement profondément malsain et nous travaillons très dur pour y faire face”, a-t-il grommelé.

Burns et Blinken ont du reste enjoint le gouvernement d’Al-Sissi d’aider à convaincre les généraux au pouvoir au Soudan et Haftar en Libye, pour qu’ils coupent les ponts avec Wagner, a déclaré un responsable égyptien.

Or chacun sait que le groupe Wagner tout comme feu son fondateur ; sont sous sanctions américaines depuis 2017.

De plus, l’administration Biden a-t-elle annoncé en décembre 2022 de nouvelles restrictions à l’exportation pour restreindre l’accès de la société militaire privée russe à la technologie et aux fournitures, désignant cette « société » comme une « organisation criminelle transnationale significative ».

Au Soudan, les dirigeants du pays ont reçu de la part des Américains, à plusieurs reprises, des messages d’alerte quant à l’influence croissante de Wagner au cours des six derniers mois de 2023, via l’Égypte et les États du Golfe, a déclaré un haut responsable soudanais.

Abbas Kamel, le directeur de l’Agence de renseignement de l’Égypte, a fait du reste part, des vives inquiétudes de l’Oncle Sam, lors de discussions à Khartoum en janvier 2023 avec le chef du conseil souverain au Soudan, le général Abdel-Fattah Al-Burhan. 

Kamel aurait ainsi exhorté le général Abdel-Fattah Al-Burhan à trouver un moyen de contre-carrer les plans tenant à projeter l’utilisation du Soudan comme base de projection par Wagner pour des opérations dans des pays voisins, notamment en République centrafricaine.

Dès 2017, Wagner a réalisé des opérations au Soudan, fournissant une formation militaire aux services de renseignement et aux forces spéciales, ainsi qu’au groupe paramilitaire connu sous le nom de Forces de soutien rapide ( FSR), ont déclaré des responsables soudanais et des documents partagés avec l’Associated Press.

Les FSR, issues des milices Janjaweed redoutées, sont dirigées par le puissant général Mohammed Hamdan Dagalo, qui entretient des liens étroits avec les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite.

 Mohammed Hamdan Dagalo aurait aussi envoyé des troupes pour combattre aux côtés de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite dans la longue guerre civile au Yémen. 

Le groupe Wagner, qui compte des dizaines d’opérations dans le pays, assure une formation militaire et du renseignement, ainsi que la surveillance et la protection de sites et de hauts responsables.

Dans ce contexte, les militaires soudanais auraient confié à Wagner le contrôle des mines d’or en échange.

Des documents attestent que le groupe russe aurait obtenu des droits miniers par le biais de sociétés écrans, ayant des liens avec l’armée soudanaise et les FSR. 

Ses activités se concentrent dans des zones riches en or contrôlées par les FSR au Darfour, au Nil Bleu et dans d’autres provinces.

A ce titre, deux sociétés ont été sanctionnées par le Département du Trésor américain pour avoir agi comme écrans pour les activités minières de Wagner – Meroe Gold, une société minière d’or soudanaise, et son propriétaire, la société M Invest basée en Russie. 

Selon le Trésor américain, feu Prigojine était propriétaire ou contrôlait les deux. Et malgré les sanctions, Meroe Gold est toujours en activité au Soudan.

Le Groupe Wagner a ainsi aidé la force paramilitaire à renforcer son influence non seulement dans les régions reculées du pays, mais aussi dans la capitale, Khartoum.

Le principal camp de Wagner se trouve dans le village d’Am Dafok, à la frontière entre la République centrafricaine et le Soudan, indique l’Association du Barreau de Darfour.

Personne ne peut approcher leurs zones“, confesse Gibreel Hassabu, avocat et membre de l’association.

Pour l’heure, on l’aura compris, il est encore beaucoup trop tôt pour déterminer si la pression orchestrée et voulue par l’administration Biden portera réellement ses fruits au Soudan comme en Libye, vu que les dirigeants de ces pays ont tissé depuis bien longtemps des liens profonds avec Moscou.

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