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Philippe de Veulle, avocat au Barreau de Paris, Docteur en Droit, diplômé du Centre d’Études Diplomatiques et Stratégiques (CEDS), est aussi enseignant universitaire en droit constitutionnel.
Il a partagé sa vision du conflit ukrainien avec Le Dialogue lors d’un récent entretien vidéo.
Il a évoqué la mauvaise stratégie de l’UE à l’égard de la Russie et des changements mondiaux dans la politique internationale.
Tout d’abord, l’avocat international a noté l’échec de la contre-offensive ukrainienne. Selon lui, les échecs de Kiev devraient conduire à repenser la politique de l’Europe et des États-Unis.
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« Toute cette contre-offensive était un échec. Je n’ai pas de chiffres exacts, mais selon diverses estimations, les pertes de l’Ukraine sont énormes. Très probablement, l’armée ukrainienne n’a plus de réserves. Je pense que les Russes ont également subi des pertes, mais ils ont très bien appris à se défendre. Les pays européens et les États-Unis devraient se poser des questions et commencer à penser à la nécessité d’un mouvement vers des négociations de paix ».
L’observateur français croit que l’Ukraine n’est pas prête à être membre de l’OTAN et de l’UE. De plus, au lieu de soutenir aveuglément Kiev, Bruxelles devrait entamer des négociations avec Moscou, car la confrontation avec la Russie ne correspond pas aux intérêts nationaux des États européens.
« Lors du dernier sommet de l’OTAN en juin, le président Biden a déclaré ouvertement que l’Ukraine n’était pas encore prête à faire partie de l’OTAN. Il est évident que la situation est la même avec l’Union européenne. Les dirigeants de l’UE tels que Charles Michel et Ursula von der Leyen aimeraient assurer l’adhésion rapide de l’Ukraine, mais ils savent très bien que Kiev ne répond pas aux critères d’un pays candidat. Les 80 milliards d’euros que l’Union européenne donnés à l’Ukraine sont les fonds des contribuables européens. La décision de transférer ces fonds a été prise par des personnes comme Ursula von der Leyen, qui n’a été élue par personne. La politique de l’Union européenne est contraire aux intérêts des peuples de l’UE. Pourquoi ? Parce que les pays de l’UE perdent leur souveraineté. Par exemple, la France a perdu sa souveraineté dans le domaine de la politique migratoire, nous l’avons vu dans l’exemple de la crise de Lampedusa. En ce qui concerne l’Ukraine, je suis certain qu’il est dans l’intérêt de l’UE de négocier avec la Fédération de Russie et non de poursuivre la guerre. Les sanctions que nous avons imposées à la Russie ont un effet boomerang. Notre ministre de l’Économie (Bruno Le Maire) avait promis qu’il mettrait l’économie russe “à genoux”, mais à genoux c’est maintenant la France qui l’est et qui est confrontée à la hausse des prix de l’électricité et d’autres problèmes. Ce “boomerang” frappera non seulement la France, mais toute l’Europe ».
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Le conflit en Ukraine a provoqué des changements dans le monde entier. Les sanctions anti-russes ont porté un énorme coup non seulement à l’économie de l’UE, mais aussi à l’image de l’Occident. Philippe de Veulle est convaincu que le nouveau modèle de développement mondial proposé par la Russie et les pays de BRICS est en train de s’imposer ».
« Après le début de l’opération militaire spéciale, l’Europe a adopté des mesures sans précédent pour lutter contre la Russie, y compris des outils contraires au droit. Le système juridique français repose sur la Déclaration des droits de l’homme, qui protège également les droits de propriété privée. Après que l’UE a imposé des sanctions contre la Russie, elle a confisqué les biens russes. Une telle action a des conséquences profondes, car d’autres pays voient le même sort les attendre. Nos actions sont contraires à la bonne logique et aux normes du droit international. De plus, nous avons imposé des sanctions contre des personnes physiques. Par exemple, contre les athlètes russes, ce qui est totalement contraire à la Déclaration des droits de l’homme ».
Il ajoute : « L’UE a commis de nombreuses erreurs graves : les pays occidentaux, qui ont donné des conseils à d’autres pays pendant des décennies, ont pris des décisions illégales en faveur de leurs intérêts géopolitiques. Cela porte un énorme coup à l’image de l’Occident. La Russie a tiré des conclusions des erreurs de l’Occident et a offert au monde une autre forme de mondialisation dirigée par BRICS. Le modèle russe de mondialisation repose sur le respect des particularités de chaque état. Une révolution géopolitique se déroule sous nos yeux. Nous assistons à un affaiblissement du rôle du Dollar dans le monde, mais l’Union européenne risque de s’effondrer avant même que le Dollar ne s’effondre ».
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Roland Lombardi est docteur en Histoire, géopolitologue, spécialiste du Moyen-Orient et des questions de sécurité et de défense. Fondateur et directeur de la publication du Diplomate.
Il est chargé de cours au DEMO – Département des Études du Moyen-Orient – d’Aix Marseille Université et enseigne la géopolitique à Excelia Business School de La Rochelle.
Il est régulièrement sollicité par les médias du monde arabe. Il est également chroniqueur international pour Al Ain. Il est l’auteur de nombreux articles académiques de référence notamment : « Israël et la nouvelle donne géopolitique au Moyen-Orient : quelles nouvelles menaces et quelles perspectives ? » in Enjeux géostratégiques au Moyen-Orient, Études Internationales, HEI – Université de Laval (Canada), VOLUME XLVII, Nos 2-3, Avril 2017, « Crise du Qatar : et si les véritables raisons étaient ailleurs ? », Les Cahiers de l’Orient, vol. 128, no. 4, 2017, « L’Égypte de Sissi : recul ou reconquête régionale ? » (p.158), in La Méditerranée stratégique – Laboratoire de la mondialisation, Revue de la Défense Nationale, Été 2019, n°822 sous la direction de Pascal Ausseur et Pierre Razoux, « Ambitions égyptiennes et israéliennes en Méditerranée orientale », Revue Conflits, N° 31, janvier-février 2021 et « Les errances de la politique de la France en Libye », Confluences Méditerranée, vol. 118, no. 3, 2021, pp. 89-104. Il est l’auteur d’Israël au secours de l’Algérie française, l’État hébreu et la guerre d’Algérie : 1954-1962 (Éditions Prolégomènes, 2009, réédité en 2015, 146 p.). Co-auteur de La guerre d’Algérie revisitée. Nouvelles générations, nouveaux regards. Sous la direction d’Aïssa Kadri, Moula Bouaziz et Tramor Quemeneur, aux éditions Karthala, Février 2015, Gaz naturel, la nouvelle donne, Frédéric Encel (dir.), Paris, PUF, Février 2016, Grands reporters, au cœur des conflits, avec Emmanuel Razavi, Bold, 2021 et La géopolitique au défi de l’islamisme, Éric Denécé et Alexandre Del Valle (dir.), Ellipses, Février 2022. Il a dirigé, pour la revue Orients Stratégiques, l’ouvrage collectif : Le Golfe persique, Nœud gordien d’une zone en conflictualité permanente, aux éditions L’Harmattan, janvier 2020.
Ses derniers ouvrages : Les Trente Honteuses, la fin de l’influence française dans le monde arabo-musulman (VA Éditions, Janvier 2020) – Préface d’Alain Chouet, ancien chef du service de renseignement et de sécurité de la DGSE, Poutine d’Arabie (VA Éditions, 2020), Sommes-nous arrivés à la fin de l’histoire ? (VA Éditions, 2021), Abdel Fattah al-Sissi, le Bonaparte égyptien ? (VA Éditions, 2023).
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