La Chambre des représentants a approuvé l’envoi d’une enveloppe de 60 milliards de dollars à l’Ukraine pour sa défense contre la ligne russe qui gagne du terrain. Cette décision fait vaciller la majorité déjà fragile de son président Mike Johnson.
Le programme d’aide a été adopté par 311 voix contre 112 ; davantage de Démocrates que de Républicains ont voté en faveur de ce projet de loi. Il est en revanche intéressant d’observer la ligne de fracture chez les Républicains : 101 Républicains ont voté pour et 112 contre.
Les députés démocrates ont sauvé le « package » d’aides aux pays étrangers de M. Johnson, d’un montant de 95 milliards de dollars. Outre l’aide à l’Ukraine, ce plan comprend des projets d’aide à Israël et à la zone Indo- Pacifique ainsi que des mesures de sauvegarde sur le plan de la sécurité nationale. Ainsi les quatre projets de loi ont été adoptés grâce à un bloc bipartisan.
Succès éclatant pour le Républicain de Louisiane, Mike Johnson ; en surface du moins.
Mike Johnson, ce conservateur chrétien de 52 ans, relativement nouveau dans les rangs des dirigeants lorsque la Chambre des représentants l’a élu président en octobre dernier, avait déjà la lourde tâche de maintenir la cohésion de sa majorité « turbulente ». Son inexpérience risque de lui coûter son poste. A moins qu’il ne rejette la faute sur la polarisation politique actuelle.
« 61 milliards de dollars supplémentaires pour entraîner encore davantage l’Amérique dans une guerre sans fin et sans but en Ukraine »
(Source : House passes $60B Ukraine aid bill as GOP rebels threaten to oust Johnson, par Elisabeth Elkind, publié le 20 avril 2024, Fox News).
Le financement de l’Ukraine est le sujet de discorde qui fracture le Grand Old Party. Une majorité de conservateurs se sont opposés à la poursuite de l’engagement financier des États-Unis, d’autres ont soulevé des questions de fond sur le degré de corruption du gouvernement de Kiev.
La proposition de la députée Majorie Taylor Greene de supprimer tout financement direct de Kiev au projet de loi a échoué, lors d’un vote à 71 voix contre 351. Les Républicains les plus traditionnels et les fervents partisans de la sécurité nationale estiment qu’une victoire ukrainienne est essentielle pour éviter une propagation du conflit entre l’OTAN et la Russie.
Ces néoconservateurs n’ont pas hésité à qualifier le « deuxième axe du mal » formé par le président russe avec l’Iran et la Chine. Ces éléments de langage ont été portés dans un avertissement liminaire, adressé par le président de la Chambre, Johnson lui-même, en début de semaine, aux journalistes:
« Je crois vraiment, d’après les renseignements et les informations que nous avons reçus, que le président chinois Xi Jinping, Vladimir Poutine et l’Iran, forment un axe du mal. Je pense qu’ils se sont coordonnés sur ce point. Vladimir Poutine est en marche vers l’Europe si on lui permettait. Je pense qu’il pourrait ensuite se rendre dans les Balkans. Je pense qu’il pourrait avoir une confrontation avec la Pologne ou l’un de nos alliés de l’OTAN (…) Pour être franc, je préférerais envoyer des balles en Ukraine, plutôt que nos garçons américains ».
Toutefois, ce soutien massif à des puissances étrangères, et en particulier à l’Ukraine, risque fort de menacer Johnson et d’écourter son mandat de président de la Chambre des représentants. Le mois dernier, une résolution a été déposée par la député Greene pour évincer Johnson et protester contre sa trop grande proximité avec les Démocrates dans l’usage des deniers publics :
« Plutôt que de consacrer les ressources nécessaires à la sécurisation de notre frontière sud et à la lutte contre l’invasion de 11 millions de clandestins, et malgré les promesses répétées de ne pas allouer de fonds supplémentaires à l’Ukraine, sans sécurisation préalable de notre frontière- sud, la Chambre des représentants est sur le point d’envoyer 61 milliards de dollars supplémentaires pour entraîner encore davantage l’Amérique dans une guerre sans fin et sans but en Ukraine » a déclaré Paul Gosar, le député républicain de l’Arizona, dans un communiqué vendredi dernier.
« J’ai ajouté mon nom au soutien de la motion, visant à libérer le président de la Chambre des représentants de ses fonctions. La sauvegarde de notre frontière n’est pas un sujet de second zone ».
La députée et femme d’affaires de Géorgie, Marjorie Taylor Greene a déclaré aux journalistes après le vote du samedi 20 avril : « C’est la troisième trahison de Mike Johnson », citant son précédent accord de financement du gouvernement de Kiev et le renouvellement d’un outil de surveillance gouvernemental-clé.
« (…) Et puis, il vient de faire cette connerie monumentale à la Chambre, de soutenir le programme d’une guerre étrangère qui n’apporte rien à l’Amérique » a-t-elle rajouté.
La popularité de l’administration Biden auprès des électeurs musulmans est en chute libre
(Source : Muslim voters outraged with Biden after House passes $26 billion Israel aid with his blessing, par Anders Hagstrom, publié le 21 avril 2024).
L’administration Biden doit également faire face à un rejet massif de la part des organisations musulmanes après le vote en faveur d’un financement de 26 milliards de dollars en faveur d’Israël.
Cette décision met Joe Biden dans une situation délicate. Sa popularité auprès des électeurs musulmans a chuté au cours des 3 dernières semaines.
Les organisations islamiques américaines attaquent depuis plus d’un mois les Démocrates pour leur soutien indéfectible à Israël. Ce vote est « le point de non-retour ».
« Cette décision sans cœur pourrait marquer le point de non- retour pour ce qui reste des relations de la Maison-Blanche avec la communauté musulmane américaine et d’autres américains opposés au génocide à Gaza », a déclaré Robert McCaw, directeur des affaires gouvernementales du Conseil des relations américano-islamiques, à la chaîne NBC News.
« L’administration Biden est déjà au plus bas dans ses relations avec la communauté musulmane américaine » a-t-il ajouté.
CAIR National, Council on American-Islamic Relations National Headquarters, organisation civique et sociale représentative des intérêts des musulmans américains, basée à Washington DC, décrit cette aide « comme un chèque en blanc » permettant au gouvernement Israélien d’acheter les armes offensives qui ont servi dans le massacre d’au moins 34 000 Palestiniens à Gaza.
La députée Pramila Jayapal, membre du parti démocrate, élue du 7ᵉ district congressionnel de l’État de Washington à la Chambre des représentants a vivement critiqué le projet de loi sur MSNBC, comparant le maintien du soutien à Israël, à la guerre en Irak. Elle fait de plus remarquer que ce projet de loi ne fait « aucune distinction entre le financement des armes défensives et offensives ».
Cette colère survient au moment précis où les électeurs musulmans des États- clés comme le Michigan menaçaient déjà de retirer leur soutien à la réélection de Joe Biden en novembre prochain. Notons que les électeurs musulmans du Michigan ont déjà organisé un « vote non engagé » lors des primaires démocrates dans l’État afin de protester contre le soutien de l’administration Biden à Israël.
Les dirigeants des communautés musulmane et arabo-américaine ont refusé de rencontré le directeur de campagne de Joe Biden à la fin du mois de janvier 2024. Si l’on prend l’exemple du Michigan, cette communauté est traditionnellement acquise au bloc démocrate. Joe Biden a obtenu plus de 75% des voix dans la ville de Dearborn, à majorité arabe, en 2020. Le Michigan est un État-clé pour la réélection de Joe Biden en novembre 2024. Il a remporté l’État avec un peu plus de 150 000 voix contre l’ancien président Trump en 2020. Les communautés arabo-musulmanes du Michigan représentent environ 300 000 personnes. Une baisse significative de leur soutien pourrait faire pencher la balance électorale du côté du candidat Trump.
Le soutien de Pékin à la Russie dans le viseur
(Source : Blinken returns to China with warning over Russian military aid, par Danielle Wallace, le 21 avril 2024, Fox News).
Ce vote rentre en revanche en concordance avec le déplacement du secrétaire d’État Antony Blinken en Chine, du 24 au 26 avril. Il y rencontrera son homologue, le ministre des affaires étrangères Wang Yi, ainsi que des hauts fonctionnaires de la RPC à Shanghai et à Beijing pour discuter d’une série de questions bilatérales, notamment des « mesures nécessaires pour la défense des intérêts nationaux américains et « contre les entreprises qui prendraient des mesures qui pourraient compromettre la sécurité de l’Ukraine et de l’Europe ».
Lors du G7, avec ses homologues, ministres des affaires étrangères, Antony Blinken a fait part de ses préoccupations concernant « les transferts d’une série de matériaux à double usage et de composants d’armes, par l’entremise d’entreprises de la République Populaire de Chine, que la Russie utilise pour faire progresser sa production militaire ».
« Grâce au soutien chinois, la Russie a largement reconstitué sa base industrielle de défense, ce qui a un impact non négligeable sur le terrain des opérations en Ukraine, mais qui pose également une réelle menace, selon nous, pour la sécurité européenne, dans son acceptation la plus large (…) Si la Chine prétend d’un côté vouloir entretenir de bonnes relations avec l’Europe et d’autres pays, elle ne peut pas d’un autre côté alimenter la plus grande menace pour la sécurité européenne depuis la fin de la guerre froide » a- t-il précisé.
Le porte-parole du département d’État, Matthew Miller, pose le cadre plus général de cette visite officielle, dans un communiqué de presse publié sur le site officiel (https://www.state.gov) du 20 avril dernier :
« Le secrétaire d’État rencontrera de hauts responsables de la RPC à Shanghai et à Beijing pour discuter d’une série de questions bilatérales, régionales et mondiales, notamment la crise au Moyen-Orient, la guerre de la Russie contre l’Ukraine, les questions inter-détroit et la mer de Chine méridionale. Le secrétaire d’État évoquera également ce qui se fait actuellement pour respecter les engagements pris par les présidents Biden et Xi lors du sommet de Woodside en novembre sur la reprise de la coopération en matière de lutte contre les stupéfiants, la communication entre armées, l’intelligence artificielle et le renforcement des liens entre nos peuples, et il réitérera l’importance pour les États-Unis et la RPC de gérer la concurrence de manière responsable, même dans les domaines où nos deux pays sont en désaccord ».
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Diplômée de la Business School de La Rochelle (Excelia – Bachelor Communication et Stratégies Digitales) et du CELSA – Sorbonne Université, Angélique Bouchard, 25 ans, est titulaire d’un Master 2 de recherche, spécialisation « Géopolitique des médias ». Elle est journaliste indépendante et travaille pour de nombreux médias. Elle est en charge des grands entretiens pour Le Dialogue.