Tribune libre du Cf2R N°144 / MARS 2024
Quels que soient les griefs, certains justifiés d’autres discutables, à l’encontre de la Russie, il n’est pas dans l’intérêt de l’Arménie de rompre ses relations stratégiques avec Moscou et encore moins d’accepter le rôle de pion d’un échiquier qui sera avalé dans tous les scénarios. Le gouvernement arménien, le parti au pouvoir et une partie de la diaspora, en croyant s’attirer la protection de l’Occident, sont à leur insu les instruments de jeux de guerre et de campagnes de propagande et de désinformation qui les dépassent. Le pays est déjà un nid d’espions, y compris de pays hostiles. Par ailleurs, la mission de l’Union européenne en Arménie (EUMA) – officiellement un déploiement civil dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune de l’Union européenne – est composée de militaires de nombreux pays, dont l’objectif est officiellement de stabiliser les frontières. Objectif qui se révèle un échec puisque la mission est toujours absente des zones frontalières où les troupes azerbaïdjanaises violent le territoire arménien. Ce qui n’est pas surprenant puisque l’EUMA communique de manière préalable à l’Azerbaïdjan ses mouvements le long de la frontière. La mission ne sert-elle pas plutôt à surveiller la Russie et l’Iran ?
Le gouvernement arménien ayant désorganisé dès son arrivée au pouvoir en 2018 tous les services de renseignement et l’état-major des armées – y compris en pleine guerre de septembre à novembre 2020 –, le pays a fait l’objet d’une prise de contrôle de sa destinée par des services et conseillers de l’ombre. La demande de reprise de contrôle de la police des frontières à l’aéroport de Zvartnots doit se lire dans ce contexte. En effet, sans garde-frontières russes, des espions occidentaux et israéliens pourront entrer en Arménie à l’insu des renseignements russe et iranien.
L’Arménie semble contrôlée – consciemment ou inconsciemment ? – par des stratèges occidentaux qui s’en servent pour affaiblir puis éliminer toute présence de la Russie au Sud-Caucase, au risque de conduire le pays à sa perte.
Quelle personne sérieuse peut croire un seul instant que les pays occidentaux vont venir protéger militairement l’Arménie en cas d’agression azerbaïdjanaise avec le feu vert de la Russie ? L’exemple ukrainien, ce grand pays aux vastes ressources agricoles dans lequel les intérêts économiques occidentaux, notamment américains, sont significatifs, est parlant. Après deux ans de guerre, certains Européens menés par la France prennent l’initiative car l’Ukraine est au bord de l’effondrement militaire et que les États-Unis marquent une pause dans leur soutien.
Pourquoi la France s’engage-t-elle dans cette campagne antirusse ? Est-elle sincère et a-t-elle les moyens de sa politique de soutien total à l’Arménie ? Est-elle prête à fournir les armes dont l’Arménie aurait besoin pour se protéger ? La France serait-elle soutenue par ses alliés européens et américains ?
Sur les motivations antirusses de la France
Je soulevais dans une note précédente la question des motivations de la France pour son engagement en faveur de l’Arménie. Les prises de paroles controversées et contestées du président Macron en relation avec le conflit russo-ukrainien ces dernières semaines semblent apporter une réponse : ce soutien s’inscrit dans un combat personnel contre la Russie. Une manière d’exister sur le plan intérieur comme international. Il convient d’analyser le discours et les actes de la France et de s’intéresser à la situation politique du président Macron en France et à la réalité diplomatique et militaire au niveau international.
Macron est un président affaibli sur la scène intérieure. C’est l’apôtre du « en même temps » et ses grandes réformes ont été abandonnées ou sont des demi-succès. Sa côte de popularité est très basse. Il est avant tout un communicant aux accents populistes avec une conception du pouvoir très égocentrée. Sur le plan extérieur, la France est en recul sur les fronts diplomatiques et militaires. La France, autrefois deuxième réseau diplomatique après les Etats-Unis, est aujourd’hui à la 5e place (Global Diplomacy Index, 2023), dépassée par la Turquie et le Japon. La France essaye de se venger de l’éviction ou de la forte contestation de la présence de son armée dans les pays d’Afrique francophone, son ancien pré-carré colonial, la « Françafrique ». La Russie s’est imposée comme le nouveau partenaire militaire de plusieurs États africains. Le statut de puissance nucléaire reste le seul atout militaro-stratégique de la France dans le monde.
La campagne récente vise à convaincre que les Russes présentent une menace pour les Européens et pour le peuple français et qu’il est donc nécessaire d’envisager tous les scénarios de guerre sans exclure d’envoyer des troupes sur le sol ukrainien. En usant de cette stratégie de menace contre la Russie, le président Macron essaie de se créer une image de chef de guerre avec des paroles fortes alors que tous les spécialistes militaires et géopoliticiens savent qu’il est temps de négocier en Ukraine et que la France n’a pas les capacités militaires suffisantes pour s’engager dans un conflit de grande envergure. Dominique de Villepin, l’ancien Premier ministre, dénonce « l’excitation stratégique » du président Macron qui expose la communauté internationale à un risque d’escalade incontrôlable.
Cette stratégie de communication s’est d’ailleurs retournée contre le Président Macron. Les Etats-Unis, les Européens – et notamment les Allemands – ont officiellement démenti que de tels scénarios soient sur la table ou aient été discutés collectivement. Les Britanniques et les Américains ont déclaré qu’il n’était pas question qu’ils envoient des troupes en Ukraine. Ces réactions sont d’ailleurs critiquables car ces États sont présents physiquement sur le terrain avec force conseillers et formateurs militaires, sans compter tous les agents de renseignement et membres de forces spéciales. Autre élément d’hypocrisie, les Occidentaux peinent à fournir des munitions, mais ils saluent l’initiative de la République Tchèque de faire appel aux marchands d’armes internationaux (« lords of war ») pour fournir ces munitions. La plus grande gifle est venue de l’Ukraine : Zelenski a déclaré qu’il avait besoin d’armes et non pas de troupes étrangères sur son sol.
Perceptions et réalités du soutien de la France à l’Arménie
Le capital de sympathie de la France envers les Arméniens existe bel et bien. Ces derniers sont un modèle d’intégration réussie, ils ont subi un génocide, ils sont chrétiens. La droite conservatrice et chrétienne est mobilisée politiquement depuis la dernière guerre du Karabakh. Le Parlement français a pris des positions uniques dans le monde sur le droit à l’autodétermination des Arméniens du Karabakh et sur la condamnation du nettoyage ethnique, grâce aux efforts de la communauté arménienne et de l’ambassade d’Arménie en France. Enfin, le président Macron a certainement mécontenté le Quai d’Orsay en prenant une position aussi tranchée en faveur de l’Arménie. Cela n’a pas toujours été le cas.
En effet, il convient de rappeler que la France était l’un des trois médiateurs du Groupe de Minsk, donc censé être neutre pour assurer un dialogue entre les parties en conflit. L’agression russe sur l’Ukraine a totalement changé la donne. Du jour au lendemain, les Français, les Européens et les Américains ont voulu contrôler le processus de paix au détriment des Russes. La question du Karabakh a été instrumentalisée et la reddition du Karabakh est imputée aux seuls Russes, alors que ces trois médiateurs étaient tous trois d’accord sur la restitution du Karabakh à l’Azerbaïdjan. Il est bien évident que dans la guerre d’influence au Sud-Caucase le droit à l’autodétermination des Arméniens du Karabakh et la protection de l’intégrité territoriale de l’Arménie ne sont plus l’enjeu. Les Occidentaux veulent le contrôle politique et militaire total de la région.
Les actes du président Macron au sein des institutions internationales laissent planer un doute sur la sincérité de son soutien à l’Arménie. La France, très agressive pour demander plus de sanctions contre la Russie, n’en exige toujours pas à l’encontre de l’Azerbaïdjan. Les députés du parti politique de Macron au Parlement européen (groupe RENEW) ont fait échouer, du fait de l’absence de leurs votes, un amendement qui demandait des sanctions immédiates contre Bakou. Ces députés ont soutenu qu’il fallait laisser une opportunité à la négociation et réserver des sanctions à une nouvelle agression. Ainsi l’épuration ethnique du Karabakh et l’occupation de 170 km2 du territoire arménien ne sont pas suffisantes à leurs yeux pour justifier des sanctions. Doit-on en conclure que ces sanctions ne seront demandées qu’une fois l’invasion du sud de l’Arménie terminée ?
Par ailleurs, les relations économiques entre la France et l’Azerbaïdjan restent solides malgré la tension affichée dans la communication des deux États. Les exportations azerbaïdjanaises vers la France ont été multipliées par 57 en 2023.
La perception de la France en Arménie ne semble pas affectée par ces réalités. En Arménie comme dans une partie de la diaspora, on croit toujours au sauveur providentiel extérieur, une croyance dont les Arméniens ont payé le prix fort dans leur histoire. Un sondage financé par des institutions américaines destiné à démontrer que les Arméniens se détournent de la Russie révèle que ceux-ci considèrent la France à 69% comme le partenaire politique le plus important, dépassant de loin tous les autres pays. En matière de sécurité (militaire), la France recueille 50% d’opinions comme le partenaire le plus sûr. L’Iran et les États-Unis arrivent au second rang avec 46% et la Russie au 4e rang avec 31%. L’Inde n’apparait pas dans ce sondage, alors que ce pays a une place économique et militaire de plus en plus importante (la communauté indienne est la deuxième après les Russes, soit environ 15 000 âmes). Les sondés reconnaissent qu’en matière économique, les partenaires économiques les plus importants sont l’Iran (49%), la Russie (48%), et la Chine (40%). La France n’arrive qu’en 4e position avec 34% (la France n’est en réalité que le 13e fournisseur de l’Arménie et son 28eclient).
La communication de la France autour de ses livraisons d’armes ou de ses nouveaux accords de coopération militaire avec l’Arménie, soutenue par une visite du ministre des armées Lecornu en février 2024, fait grand bruit, mais la réalité est-elle à la hauteur des enjeux de défense de l’Arménie ? Étudions ce que la France fournit à l’Ukraine.
Pour rappel, les armes fournies à l’Ukraine sont des blindés légers, des canons Caesar et des munitions, et il serait maintenant question de livrer des missiles SCALP (fabrication franco-britannique). Le SCALP-EG est une arme stratégique conventionnelle qui permet de frapper des cibles de grande importance, loin dans le dispositif adverse (400 à 500 km). Les Allemands et les Américains refusent, en tout cas de manière officielle, de livrer des missiles de longue portée à l’Ukraine. Dans la flotte aérienne ukrainienne, seul le Su-24 a été adapté pour emporter les missiles SCALP, soit en théorie 14 avions (fin décembre 2023). A priori, le F-16 américain, sur lequel les pilotes ukrainiens se forment actuellement, n’est pas adapté au SCALP.
La politique officielle du ministère français des Armées est de fournir des équipements et du matériel adaptés au contexte d’engagement des forces armées ukrainiennes. Ces livraisons doivent respecter trois critères : livrer des capacités complètes (matériels avec munitions, formation et maintenance des équipements), ne pas fragiliser l’armée française et maîtriser l’escalade militaire.
En octobre 2023, la France et l’Arménie ont signé une lettre d’intention en matière de défense aérienne qui englobe un contrat pour l’acquisition de trois radars Ground Master (GM200) de Thalès permettant de détecter un aéronef ennemi à 250 km de distance. Il existe aussi un contrat de fourniture de systèmes d’armes sol-air à très courte portée (Mistral) destiné à compléter la couverture sol-air du corps blindé et mécanisé. Il assure aux unités isolées leur propre défense antiaérienne. Le Mistral doit être utilisé en couple avec des radars d’alerte. C’est la portée de détection de ces derniers qui est décisive. Accessoirement, la France et l’Arménie ont conclu un contrat sur la fourniture de jumelles de vision nocturne, un équipement fabriqué par Safran, et de 50 véhicules blindés légers de transport de troupes Bastion.
Ces équipements à vocation exclusivement défensive servent à détecter les menaces ou à protéger des troupes au sol, mais quid de la destruction de la menace ou de la dissuasion ?
De quelles armes l’Arménie devrait-elle se doter pour contrer une agression azerbaïdjanaise de grande ampleur ? La configuration du Sud-Caucase, l’exiguïté des territoires, le déséquilibre des arsenaux et des effectifs – largement en faveur de l’Azerbaïdjan – ne permet pas d’envisager une guerre conventionnelle longue comme celle ayant lieu en Ukraine.
L’Arménie aurait besoin de missiles sol-sol furtifs pour la dissuasion conventionnelle et de missiles sol-air pour sa défense. Les missiles stratégiques de longue portée sont des armes de destruction mais leur possession est avant tout un moyen de dissuasion puissant pour les pays qui les possèdent. La France a-t-elle la volonté de fournir sans tarder de telles armes à l’Arménie ?
De la réponse à cette question dépend l’évaluation de la sincérité de l’engagement de Paris envers Erevan. Ces armes de dissuasion conventionnelle sont la seule solution immédiate pour prévenir toute agression militaire de l’Azerbaïdjan. Elles serviraient en toute logique militaire à détruire des cibles stratégiques en profondeur sur le territoire azerbaïdjanais et permettraient de paralyser l’économie azerbaïdjanaise et de détruire les stocks d’armes stratégiques.
L’Union européenne et les États-Unis ont signé des accords de coopération stratégique avec l’Azerbaïdjan pour l’acheminement d’énergies fossiles et il est donc improbable que la France soit autorisée à livrer de telles armes conventionnelles. La Russie ne verrait pas non plus d’un très bon œil, dans la situation de tension politique actuelle avec l’actuel gouvernement arménien, la fourniture de telles armes qui pourraient menacer l’écoulement de ses ventes d’énergie fossile à travers l’Azerbaïdjan.
La position des alliés occidentaux fragilise la position française
La résolution du Parlement européen adoptée le 13 mars est une provocation antirusse. Elle exprime des souhaits ou emploie le conditionnel, mais ne contient aucune garantie ferme pour protéger l’Arménie. L’APCE reconnaît que l’Arménie est dépendante de la Russie sur le plan économique et estime « que l’Union européenne doit être prête à fournir une assistance rapide à l’Arménie pour atténuer les conséquences négatives ». L’assemblée européenne reconnaît qu’il est urgent de renforcer la coopération entre l’Union européenne (UE) et l’Arménie dans le domaine de la sécurité et de la défense alors que l’Arménie reconsidère son adhésion à l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) et estime que l’UE « devrait être prête à imposer des sanctions à toute personne ou entité qui menace la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de l’Arménie. ». Cette résolution semble surtout opportunément antirusse et les vœux exprimés semblent bien lointains. Si l’idée pour l’Arménie d’adhérer un jour à l’UE – si tant est que cette entité existe et existera sur le plan politique – est souhaitable, l’Arménie ne doit pas se bercer d’illusions sur l’aide européenne en cas de menace imminente. Il suffit d’observer le temps de réaction sur le théâtre de guerre ukrainien. L’Arménie ne peut pas résister deux ans.
La déclaration du ministre de la Défense britannique, que certains médias arméniens interprètent avec beaucoup trop d’entrain comme une promesse de protection militaire, est ambiguë à l’exception d’un point : elle encourage l’Arménie à rompre avec l’OTSC sans présenter aucune garantie de sécurité en retour. L’objectif antirusse est clairement exprimé, mais quid des menaces de l’Azerbaïdjan ? Que ferait la « perfide Albion » ? Il convient de rappeler que depuis plus de trente ans la Grande Bretagne a investi massivement dans l’économie des énergies fossiles dans ce pays. Récemment, les Britanniques ont fait capoter – à l’unisson des Russes – les tentatives de l’Arménie et de la France pour faire adopter par le Conseil de sécurité des Nations unies une résolution condamnant le blocus du Karabakh, ainsi qu’une autre sur la condamnation du nettoyage ethnique du Karabakh et le droit au retour des populations arméniennes. La Grande-Bretagne est le plus vieil, le plus agressif et le plus discret des ennemis de la Russie. Elle a dès les premiers jours de l’offensive de Moscou en Ukraine pris les choses en mains. Au Sud-Caucase, elle a trouvé un autre front pour affaiblir la Russie. Il s’avère que la protection de ses intérêts économiques rejoint son jeu géopolitique. Dans ce jeu, l’Arménie serait sacrifiée sans hésitation.
De manière inattendue, le discours le plus lucide, et donc le plus amical en l’espèce, est venu des États-Unis. La Rand Corporation (Think Tank financé par le gouvernement américain qui oriente ses décisions politiques et économiques) a publié une note d’analyse sur la situation sécuritaire de l’Arménie et les limites de l’aide américaine. Le titre devrait faire réfléchir le gouvernement arménien : « Les États-Unis ne peuvent pas garantir la sécurité de l’Arménie, malgré les menaces de l’Azerbaïdjan, mais ils peuvent aider ». Ils précisent que les États-Unis pourraient contribuer à renforcer les capacités de dissuasion de l’Arménie, mais ils n’évoquent que des systèmes de défense aérienne à courte portée tels que des MANPADS, ainsi que des systèmes de contre-mesure Trophy conçus pour renforcer la défense des capacités blindées. Les fournitures pourraient également inclure des systèmes de lutte contre les drones. Les analystes recommandent toutefois de manière elliptique à l’Arménie de ne pas rompre avec la Russie : « Dans l’immédiat et dans la perspective d’une éventuelle invasion, les limites du partenariat devraient être précisées. Ni les États-Unis ni leurs alliés ne sont disposés à offrir à l’Arménie des garanties de sécurité, encore moins une alliance militaire formelle, étant donné les risques que cela pourrait entraîner si l’Arménie devait faire appel à de telles assurances. De manière claire, l’Arménie peut en tenir compte dans ses propres calculs stratégiques vis-à-vis de l’Azerbaïdjan et de la Russie ». Ils ajoutent : « Si l’Arménie quittait purement et simplement l’alliance [OTSC] ou s’orientait explicitement vers l’Occident, elle devrait bien réfléchir compte tenu des dangers d’une réaction violente de la part de la Russie ».
Le gouvernement arménien porte une responsabilité historique en ce moment critique. Il a obligation de rapporter au peuple d’Arménie tous les risques qui sont associés aux postures actuelles non seulement pro-occidentales, mais aussi antirusses. Khosrov Harutyunyan, ancien Premier ministre, rappelait récemment que le rééquilibrage des relations entre le bloc occidental et le bloc russe ne doit pas transformer la Russie en ennemi. Le peuple d’Arménie doit prendre connaissance de cela en toute transparence.
La doctrine de neutralité positive entre les deux blocs est plus que jamais valide, surtout si les cercles paragouvernementaux américains recommandent à l’Arménie de ne pas tenter de rompre avec Moscou. La neutralité positive n’est pas une neutralité constitutionnelle ni fonctionnelle, mais une neutralité opportune. Certains États européens ont abandonné leur neutralité fonctionnelle à l’occasion du conflit en Ukraine (Finlande et Suède). Pour l’Arménie, la neutralité positive consiste à rester à l’écart de l’antagonisme entre grandes puissances et à ne pas devenir un territoire où cet antagonisme se transformerait en guerre par procuration comme en Ukraine. La neutralité positive n’est pas une protection suffisante, mais dans les circonstances actuelles c’est la seule qui pourrait éviter la catastrophe. La très grande majorité des partis politiques et des analystes d’Arménie mettent en garde le gouvernement arménien.
Il est d’ailleurs surprenant que le gouvernement se prête à ce jeu occidental, alors que son projet « carrefour de la paix » repose sur deux axes de communication : l’axe est-ouest et l’axe sud-nord. Or ce dernier est inenvisageable sans l’adhésion de la Russie et de l’Iran. En persistant, le gouvernement arménien devient dangereux pour Moscou et pour Téhéran. Le « carrefour de la paix » pourrait vite se transformer en un « carrefour de guerre internationalisée ».
Enfin, la neutralité positive oblige à se doter d’une plus forte défense. L’acquisition d’armes de dissuasion conventionnelle devrait être une priorité du gouvernement arménien. Il est douteux que la France et ses alliés les lui fourniront.
- « Pour une neutralité positive de l’Arménie », Tribune libre n°132, CF2R, novembre 2023 (https://cf2r.org/tribune/pour-une-neutralite-positive-de-larmenie/ )
- Seymur Mammadov, “Rising tension between France and Azerbaijan is a drag on peace process with Armenia”, Intellinews 19 March 2024.
- https://www.iri.org/news/iri-armenia-poll-increasing-negative-views-of-russia/
- Source : France Diplomatie, ministère de l’Europe et des affaires étrangères, fiche Arménie, octobre 2023.
- Source : ministère français des Armées, 4 mars 2024.
- Les missiles air-sol de type SCALP sont exclus : l’Arménie ne dispose pas des avions de chasse pouvant les emporter.
- 84 milliards de dollars depuis 1995 pour la seule compagnie pétrolière BP (source : https://www.bp.com/en_az/azerbaijan/home/who-we-are/bp-in-azerbaijan.html).
- https://www.rand.org/pubs/commentary/2024/03/the-us-cant-guarantee-armenias-security-despite-azerbaijans.html
- « Pour une neutralité positive de l’Arménie », op. cit.
- Voir par exemple le communiqué du Congrès national arménien (parti du premier président d’Arménie Ter Petrossian) le 19 mars 2024 quant aux défis et risques résultant d’une demande officielle du statut de candidat à l’Union européenne sur www.ilur.am.
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