Nul ne peut contester le fait que le wokisme s’est propagé à une vitesse hallucinante. En moins d’une décennie, ce mouvement a réussi à s’imposer dans le monde Occidental malgré une radicalité qui divise et oppose encore un peu plus les individus. Dire que la concorde ne viendra certainement pas du wokisme est une lapalissade pour certains, et une provocation pour d’autres.
Les facteurs expliquant l’essor du wokisme, principalement historiques, culturels et sociologiques, ont été abordés dans ma précédente chronique. Néanmoins, parmi ces facteurs, il y en a un qui est particulièrement troublant et invite naturellement au questionnement : le wokisme est en réalité très peu contré. Par conséquent, ne rencontrant pas d’obstacle majeur, le wokisme étend facilement son influence. Des explications sont néanmoins données en invoquant les techniques utilisées par les wokes pour faire taire les oppositions. Peu de personnes ont franchement envie d’être diabolisées ou de subir la mort sociale, l’une des spécificités de la cancel culture. Mais ces explications ne sont que partielles car elles occultent en définitive la responsabilité des gouvernements occidentaux. On peut légitimement s’étonner de l’absence d’une réponse politique ferme et résolue pour contrer ce mouvement. Certes, il y a quelques victoires, comme par exemple l’interdiction de l’écriture inclusive en France. Cependant, elles restent des victoires de pacotille. Le wokisme serait-il finalement le « meilleur ennemi » des gouvernements occidentaux et particulièrement des gouvernements Européens ? Servirait-il certains intérêts à son insu ? En d’autres termes, le wokisme serait-il instrumentalisé ?
Aborder le wokisme à travers le prisme du jeu politique confère une cohérence saisissante. Pour l’illustrer métaphoriquement, c’est comme assembler les pièces d’un puzzle : isolément, elles semblent dénuées de sens, mais une fois intégrées dans l’ensemble, elles forment un tableau cohérent et complet.
Le wokisme fait indubitablement le jeu d’un projet politique qui le dépasse. Et celui-ci, pour ne rester qu’en Europe, s’inscrit dans la dynamique de l’UE (l’Union Européenne).
Des États-Unis d’Europe à l’instar des États-Unis d’Amérique
Doit-on douter de la volonté des dirigeants Européens, chefs d’État ou de gouvernement des pays membres et responsables des instances européennes dont la commission Européenne, de vouloir aller vers « encore plus » d’Europe, de promouvoir une Europe encore plus unifiée et intégrée, et d’œuvrer pour la création d’un État fédéral ? La réponse est clairement négative en s’appuyant sur un nombre important d’actions et de déclarations concrètes. Cette volonté politique conduirait à la création des États-Unis d’Europe à l’instar des États-Unis d’Amérique. Il impliquerait la mise en place d’une entité politique unifiée avec un gouvernement central élu démocratiquement, et doté de pouvoirs significatifs. En tenant compte du processus d’élargissement, cet État fédéral dépasserait les 500 millions d’habitants versus les 340 millions des États-Unis d’Amérique. À ce jour, l’UE est constituée de 27 pays membres et compte 9 pays candidats à l’intégration, parmi lesquels l’Ukraine.
La résistance des peuples est le frein majeur pour la création d’un État fédéral
Dans cette perspective politique, le wokisme va contribuer à faire sauter le verrou qui freine, voire entrave la création de cet État fédéral : l’attachement des peuples à leur identité nationale, à leur histoire, à leurs cultures, à leurs traditions, à leur nation. Pour établir ce super État, il faut en finir avec les États-nations, il faut « briser » les logiques identitaires ! Il est impératif de créer un peuple nouveau, c’est-à-dire un peuple européen.
Pour faciliter et accélérer la création de ce peuple européen, les dirigeants de l’UE ont recours à deux leviers particulièrement efficaces mais très largement impopulaires. Et pour affaiblir les résistances, le wokisme s’avère être un formidable allié.
La déconstruction des réflexes identitaires
Le premier levier consiste à déconstruire le sentiment d’appartenance à l’identité nationale. Et les wokes sont les « champions du monde » en matière de déconstruction. Ils excellent dans cet exercice. Ils veulent tout effacer et ça tombe parfaitement bien : l’histoire, les cultures, les traditions, le patrimoine, les valeurs, les normes et même les sciences qu’ils veulent entre autres, « décoloniser ». Quand on prend un peu de recul, on constate en définitive que cette entreprise de déconstruction menée par les wokes fonctionne plutôt bien. Non seulement le mouvement rencontre peu de résistance, mais il parvient également à séduire une multitude d’acteurs de la société. L’empreinte du wokisme est omniprésente. Elle est particulièrement visible dans les productions audiovisuelles et dans le marketing des grandes enseignes, tout comme dans les déclarations, plus ou moins habiles, et les actions du personnel politique, où se mêlent confusément l’idéologie, l’électoralisme et le politiquement correct. De manière décomplexée ou pernicieuse, il est devenu de bon ton dans le monde politique d’invisibiliser tout signe faisant référence à l’identité nationale. Et même les concours de beauté n’échappent pas à la déferlante woke, en idéalisant dorénavant la transidentité.
Et le succès de cette entreprise de déconstruction s’explique notamment par le fait que le wokisme a accéléré et amplifié le sentiment d’autodépréciation que l’on peut qualifier de haine de soi. Les wokes passent leur temps à expliquer que les occidentaux sont des affreux et sont détestables. Et cela mène au fait que nous réunissons à nous détester. Et pour revenir à cette déconstruction, nous ne défendons pas ce que nous n’aimons pas. C’est logique et cohérent.
Le deuxième levier, c’est l’immigration massive. Il s’agit de peupler l’Europe avec des populations qui n’ont pas, et n’auront pas, la logique identitaire des populations d’accueil. Et pour faire accepter cette immigration massive, le wokisme est un formidable allié car, au même titre que la haine de soi, il a accéléré et amplifié le sentiment de culpabilité envers certains groupes de population dont les minorités ethniques, en mettant en avant un passé marqué entre autres, par l’esclavage et le colonialisme. Les wokes dénoncent le modèle de la société occidentale en invoquant un racisme structurel et un privilège blanc. L’Occident aurait une dette à payer et serait donc redevable envers certains groupes de population qui sont justement ceux qui composent cette immigration massive. En jouant sur le sentiment de culpabilité, le sujet de l’immigration massive est abordé avec les populations d’accueil sous l’égide de la morale. Mais attention, cette haine de soi, caractéristique des sociétés occidentales, se retourne contre elles, car à force de dire que nous sommes détestables, et bien nous parvenons à être détestés. Les populations qui composent cette immigration massive n’ont pas envie de nous ressembler. Le modèle d’assimilation est révolu, voire même rejeté sous prétexte qu’il porterait les marqueurs du racisme. Et cela tombe très bien car fondamentalement, il n’est pas souhaité puisqu’il faut justement en finir avec les logiques identitaires. C’est le but recherché par les dirigeants européens qui prennent pour le coup, le risque d’exposer les peuples aux dangers du communautarisme et de l’islamisme.
Quand une partie de la gauche fait elle-aussi le jeu de ceux qu’elle est censée combattre
Et cette volonté de casser les États-nations n’est pas sans déplaire à une certaine gauche qui milite entre autres, pour l’abolition des frontières et la mixité des peuples. Certes, elle ne veut pas de cette Europe, très libérale et expansionniste. Mais, en revanche, elle est profondément internationaliste et immigrationniste, car elle estime que c’est le moyen d’éradiquer notamment le racisme et la xénophobie. Elle promeut le métissage censé faire disparaître les races, l’une des causes supposées des conflits. C’est la fameuse créolisation célébrée par l’écrivain essayiste Edouard Glissant, reprise d’ailleurs par Jean-Luc Mélanchon. Le philosophe, également politologue et chercheur, Pierre-André Taguieff, dit que le récit de la créolisation égalitaire est l’utopie attractive du 21ème siècle. Une sorte de nouvelle religion qu’il intitule non sans humour, la mixophilie.
Des actions et des déclarations révélatrices
Les dirigeants européens ne peuvent pas explicitement exposer leur ambition de créer cet État fédéral en raison des oppositions nombreuses et fortes. Cependant, dans les faits, ils ne s’en cachent pas. En effet, les signaux sont nombreux, comme en témoignent les événements récents :
En novembre 2023, Mario Draghi, président de la BCE de 2011 à 2019, a clairement affirmé : l’UE doit maintenant s’unir pour former un seul État. Cette déclaration révèle une ambition de longue date.
Également en novembre 2023, le Parlement européen a approuvé un projet de révision des traités européens avec un objectif clair : donner encore plus de pouvoir aux instances européennes.
En décembre 2023, il y a eu la déclaration folle de la commissaire européenne à l’égalité, Madame Héléna Dalli, dénonçant le racisme structurel des États membres et en les invitant à promouvoir d’avantage la diversité. Madame Héléna Dalli a volontairement repris la rhétorique woke pour jouer encore un peu plus avec le sentiment de culpabilité visant à mieux faire accepter l’immigration massive.
En janvier de cette année, le Parlement européen a adopté une résolution sur la conscience historique européenne. Concrètement, il s’agit de déconstruire les histoires nationales au profit d’une histoire européenne pour créer chez les plus jeunes, le sentiment d’appartenance à l’Europe.
Quand le mot souverainisme est employé dans le but de rassurer le plus grand nombre
Pour éviter de braquer les opposants, les dirigeants européens ont volontairement banni le mot fédéralisme de leur vocabulaire. Ils privilégient une terminologie floue, ambiguë et démagogique, en y mettant beaucoup « de construction européenne » et un peu « de souverainisme », censée satisfaire le plus grand nombre. Ils ne s’écartent pas pour autant de leur objectif et préparent progressivement les opinions publiques. Ainsi, de concert, ils parlent de souverainisme européen. Or, le souverainisme est intrinsèquement lié à la notion d’État-nation, ce que l’UE n’est pas, du moins pour le moment…
Un Gaullisme galvaudé
Il est important de rappeler que la création d’un État fédéral va à l’encontre des idées du Général de Gaulle en matière de construction européenne. Il défendait ardemment le souverainisme de la France et son indépendance, tout en promouvant le principe de coopération, particulièrement économique, entre les États membres. Il prônait une Europe des Nations.
Lorsque nos politiciens en France se disent gaullistes, mais soutiennent l’UE telle qu’elle est actuellement et telle qu’elle aspire à devenir, cela relève simplement de l’ironie. Peut-on sérieusement soupçonner le général de Gaulle d’avoir été d’extrême droite ou d’avoir eu des tendances fascistes ? Personne n’oserait avancer cette hypothèse. Et pourtant, toutes les personnalités qui défendent le souverainisme national (c’est un pléonasme volontaire) sont tout simplement diabolisées et marginalisées. Elles sont présentées comme l’incarnation du mal absolu, c’est-à-dire le fascisme.
Le wokisme ne pourra être contré que par une réponse politique qui n’est certainement pas à l’ordre du jour
En prenant conscience que les dirigeants européens veulent aller vers la création d’un État fédéral, et en intégrant le fait que la résistance des peuples est le frein majeur pour y parvenir, on comprend alors l’intérêt que peut avoir le wokisme et les raisons pour lesquelles ce mouvement n’est pas véritablement contré. Le wokisme s’avère être, malgré lui, un formidable allié pour affaiblir les peuples et les nations, déstabiliser les individus, et parvenir ainsi à créer un peuple nouveau : le fameux peuple européen.
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