Par Olivier d’Auzon
Après de nombreuses spéculations dans les médias occidentaux concernant l’entrée de navires de guerre russes en mer Rouge, la frégate du Pacifique russe, le Marshal Shaposhnikov, est arrivée le 28 mars 2024 au port de Massawa, en Érythrée, pour une visite de cinq jours. Accompagnée dans la mer Rouge par le croiseur de missiles Varyag, la frégate a suscité diverses interrogations quant à sa destination et aux motivations russes.
L’arrivée récente d’un navire de guerre russe dans le port de Massawa en Érythrée a suscité diverses spéculations sur d’éventuels mouvements géopolitiques, y compris l’établissement d’une base navale. Pour autant, il est prématuré de tirer de telles conclusions.
Il serait sans aucun doute bel et bien avantageux pour la Russie d’avoir une alternative au Soudan pour les opérations navales. Quoi qu’il en soit, toute décision concernant les propositions de l’Érythrée devrait être soigneusement examinée par le Kremlin.
L’Érythrée revêt une importance géopolitique significative pour la Russie, notamment dans la réalisation de son ambition de longue date d’établir une présence militaire permanente en mer Rouge.
Lors de sa première visite d’État en Érythrée l’année dernière, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a vanté le potentiel logistique du port de Massawa. En 2023, la ville portuaire a signé un mémorandum d’accord avec la base navale de la mer Noire de Sébastopol en Russie, promettant des liens plus étroits.
Certains analystes de la défense ont soutenu que le port de Massawa pourrait constituer une alternative viable au port de Port-Soudan pour la Russie, où des pourparlers diplomatiques de haut niveau ont eu lieu sur l’établissement d’une base navale.
Pour autant, avec la guerre civile en cours au Soudan, le processus de ratification de l’accord avec la Russie sur la base navale semble s’être enlisé. Une base navale en mer Rouge, et par extension dans l’Océan Indien, renforcerait la présence russe sans nécessiter de longs voyages pour atteindre la région.
Au niveau régional, la politique de la Corne de l’Afrique semble avoir atteint un point critique avec l’accord récent entre l’Éthiopie et le Somaliland sur l’accès à la mer.
Pendant longtemps, l’Éthiopie avait cherché un accès au port de la mer Rouge d’Assab en Érythrée, qui était autrefois sous sa souveraineté jusqu’à ce que l’Érythrée obtienne son indépendance en 1993.
Cette arrivée marque la première arrivée d’un navire de guerre russe en Érythrée depuis l’indépendance du pays. Elle ravive les souvenirs des navires de guerre soviétiques ayant visité les côtes de l’Érythrée lorsque celle-ci était une province de l’Éthiopie et des rumeurs d’une base secrète soviétique dans l’archipel de Dahlak voisin. Certains spéculent donc sur le fait que la Russie envisagerait d’ouvrir une base navale à Massawa, mais force est de constater que de telles affirmations sont bien prématurées, faute de preuves tangibles.
Les relations bilatérales entre la Russie et l’Érythrée ont été renforcées par les visites du président Isaias Afwerki en Russie en 2023.
Des événements récents, notamment des rapports sur l’implication du Soudan dans l’armement des rebelles ukrainiens, ont alimenté les rumeurs sur la recherche par la Russie de ports alternatifs. Le Somaliland a été proposé comme une alternative, compte tenu de ses liens avec l’Éthiopie et les Émirats arabes unis, bien que cette suggestion reste controversée en raison des relations tendues de l’Érythrée avec ses voisins.
L’accord récent entre l’Éthiopie et le Somaliland a encore compliqué la dynamique régionale, en particulier en ce qui concerne l’accès maritime et les capacités navales.
La méfiance de l’Érythrée envers l’Éthiopie, exacerbée par les tensions historiques et les conflits récents, présente des défis pour les calculs stratégiques de la Russie dans la région.
Malgré le geste amical de permettre au navire de guerre russe de faire escale, l’Érythrée pourrait tenter de manipuler les différentes perceptions afin de présenter la Russie comme favorisant ses intérêts au détriment de ceux de l’Éthiopie. L’isolement de l’Érythrée de la communauté internationale et son besoin désespéré d’alliés peuvent rendre une base navale russe attrayante, mais les implications doivent être soigneusement examinées.
L’équilibre délicat des relations entre l’Éthiopie et l’Érythrée souligne assurément la complexité de toute décision concernant une éventuelle base navale.
Les derniers accords impliquant la Somalie voisine, en particulier ceux avec les États-Unis et la Turquie, ajoutent une couche supplémentaire de complexité aux dynamiques régionales. Tandis que l’Érythrée tente d’attirer la Russie dans son giron, face à des préoccupations croissantes en matière de sécurité, Moscou doit évaluer attentivement les implications d’éventuelles offres de bases navales, tout en préservant sa relation de longue date avec le peuple érythréen…
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