L’administration Biden est sur la corde raide. Les messages contradictoires sur des sujets d’intérêts stratégiques concernant son principal allié au Moyen-Orient, Israël, ont suscité de nombreuses critiques.
La semaine dernière, la secrétaire de presse de la Maison Blanche, Karine Jean-Pierre, a confirmé que l’administration démocrate conserverait son « engagement sans faille » envers Israël, tout « en ralentissant les ventes d’armes ». Entre-temps, le président américain a menacé si les forces de défense israéliennes engageaient une offensive majeure dans la ville de Rafah, au sud de Gaza :
« Je ne fournirai pas les armes qui ont été utilisées sur historiquement contre Rafah (…), utilisées contre des villes ».
La ligne rouge n’est « pas encore » franchie, mais le président américain cible en particulier des « obus d’artillerie », tandis que les États-Unis ont déjà décidé de suspendre une livraison de bombes.
Une parfaite démonstration de l’échec de la captatio benevolentiae. Le président Biden est passé de l‘art du « en- même temps » à l’art du contre-temps.
Bliken salue le soutien du Président Biden à Israël : « Personne n’a fait plus que lui pour aider l’allié de l’Amérique depuis le déclenchement de la guerre en Octobre »
Lors d’une interview accordée aux journalistes de l’émission Meet the Press, de la NBC, ce dimanche 13 mai 2024, le secrétaire d’État, Antony Blinken, a réprimandé publiquement la position israélienne, exhortant Israël à « quitter Gaza » au milieu de ce qu’il décrit comme « une horrible perte de vies de civils innocents ». Il a également déclaré que l’approche tactique des israéliens est mauvaise car elle n’aurait pas permis de « neutraliser le Hamas et pourrait générer une vacance de pouvoir dans le territoire palestinien ».
Interrogé sur le fait que les États-Unis refusent de fournir à l’État hébreu 1 800 bombes de 900 kilos, sans doute des MK-84, Blinken a accordé pour la première fois publiquement, les conclusions de son dernier rapport remis au Congrès vendredi dernier, selon lequel Israël aurait utilisé des armes américaines à Gaza et donc violé le droit international humanitaire :
« Nous croyons en deux choses. Premièrement, vous devez avoir un plan clair et crédible pour protéger les civils, ce que nous n’avons pas. Deuxièmement, nous devons avoir un plan de sortie de conflit. Pour le moment, nous n’avons aucune certitude hormis le fait que le Hamas ressurgit dans certaines zones, y compris dans le nord, à Khan Younis (…) En ce qui concerne Rafah, il se peut qu’ils mènent l’offensive et obtiennent un certain succès initial, mais avec un coût potentiellement très élevé pour les civils. Ils devront également faire face à une insurrection durable parce qu’un nombre important de combattants du Hamas resteront sur place ou partiront. Dans les deux cas, il y aura un vide important, comblé probablement par le chaos, l’anarchie et finalement, un nouveau Hamas ».
Antony Blinken poursuit : « Nous traitons d’Israël, l’un de nos plus proches alliés et partenaires, comme nous traitons de n’importe quel autre pays, en évaluant le respect du droit international ». Au cours de cette même interview, Blinken a salué le soutien du président Biden à Israël- affirmant que « personne n’a fait plus que l’actuel Président- malgré l’apparent changement de ton.
« Le président Biden a été le premier président à se rendre en Israël, au milieu d’un conflit lorsque l’Iran a lancé une attaque sans précédent contre l’État hébreu. Il y a quelques semaines, 300 projectiles, dont des missiles balistiques, ont été lancés contre Israël. Les États, pour la première fois, ont participé à son acte de défense. Le président Biden a réuni une coalition de pays qui ont aidé à défendre Israël. »
« Biden ne peut pas gagner sur les deux tableaux »
(Source: White House walks diplomatic tightrope on Israel amid contradictory messaging « You can’t have it both ways », par Charles Creitz, Fox News, publié le 14 mai 2024).
Mike Rogers, président de la commission des services armés de la Chambre des représentants, figure parmi les plus virulents détracteurs de Joe Biden. Il a qualifié la récente approche du président américain de « décision à courte vue, qui sape nos alliés, enhardit nos adversaires et envoie le message que les États-Unis ne sont pas fiables ».
« Nos adversaires n’aimeraient rien de plus que de creuser un fossé entre les États-Unis et Israël », a déclaré Rogers à Fox News Digital, dans un communiqué vendredi. « Israël a le droit de se défendre contre le Hamas et l’Iran » poursuit-il.
L’homologue de Rogers au Sénat, Roger Wicker, membre du Comité des forces armées, a également interpellé le président Biden : « Si le Hamas déposait les armes, la guerre serait terminée. Mais si Israël déposait les armes, ce serait la fin d’Israël » a déclaré Wicker.
Ce dernier conclut : « Malheureusement, le président Biden a rétropédalé. Un jour, il refuse les armes à notre plus fidèle allié, puis s’empresse de déclarer sa solidarité avec le peuple juif le lendemain. »
L’ancienne conseillère adjointe à la sécurité nationale des Etats-Unis, la Républicaine, Victoria Coates déclare : « Biden ne peut pas gagner sur les deux tableaux. Vous allez devoir choisir une équipe, enfiler un maillot et vous battre. L’administration Biden essaie de plaire aux deux parties, et le résultat est qu’ils n’ont réussi qu’à mettre les deux parties prenantes très en colère contre eux. C’est un échec patent, tant sur le plan stratégique que politique ».
Deux autres sénateurs républicains, Ted Budd (Caroline du nord) et Joni Ernst (Iowa), ont adressé à la Maison Blanche une lettre détaillée exigeant du président Biden des réponses précises sur les ventes d’armes et la position de l’administration concernant Rafah :
Certaines de ces questions incluent des demandes précises sur les types de munitions utilisées dans le cas des armes qui seraient retenues et approuvées par le Congrès. La dernière décision de l’administration Biden quant à l’engagement du président le 23 avril dernier, de s’assurer qu’Israël dispose de tous les moyens nécessaires pour se défendre contre l’Iran et les terroristes, est également interrogée.
« Pourquoi votre administration n’a-t-elle pas informé le Congrès de sa décision de suspendre son aide à Israël ? Nous devons donner à Israël les armes dont le pays a besoin pour combattre les terroristes du Hamas qui continuent de détenir des Américains en otage. Nous appelons votre administration à reprendre immédiatement les expéditions d’armes vers Israël ».
Selon le sénateur Ted Budd, « le président Biden rend plus difficile la garantie de liberté des otages ». Il rejoint un autre législateur républicain texan, le président de la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants, Michael McCaul, qui a qualifié la menace d’un embargo sur les armes « d’erreur dangereuse » et de « myopie ».
Dans son programme, Fox News, Life, Liberty& Levin, l’ancien chef de cabinet du ministère de la justice de Reagan, Mark Levin, a déclaré que la position de Joe Biden a « ravivé les anciennes accusations de sang contre les juifs » ; ces accusations diffamatoires, fabriquées dans le seul but de stigmatiser davantage le peuple juif et de leur donner une réputation démoniaque.
Les démocrates ont été pointés du doigt pour n’avoir pas condamné fermement les exactions sur les campus universitaires et les dernières émeutes. Le 27 avril dernier, 27 sénateurs républicains ont adressé une lettre au procureur général Merrick Garland ainsi qu’au secrétaire à l’Éducation, Miguel Cardona, pour exiger une convergence de toutes les forces en présence pour endiguer « l’épidémie de foules antisémites et pro-terroristes sur les campus universitaires américains ».
« Ces émeutiers pro-Hamas ont effectivement fermé les campus universitaires et ont littéralement chassé les étudiants juifs de nos écoles. Le Ministère de l’ Éducation et les forces de l’ordre fédérales doivent agir immédiatement pour rétablir l’ordre, poursuivre en justice les fauteurs de troubles qui ont perpétré des violences et menaces contre les étudiants juifs, révoquer les visas de tous les ressortissants étrangers (tels que les étudiants bénéficiaires de programme d’échanges universitaires) et demander des comptes aux administrateurs scolaires qui sont restés les bras croisés au lieu de protéger les élèves » peut-on lire dans une partie du courrier.
Deux membres du Congrès de New York, un Démocrate et un Républicain, ont présenté un projet de loi qui permettrait au gouvernement fédéral d’obliger les universités à accepter la supervision d’un organisme de surveillance de l’antisémitisme.
Le projet de loi présenté le 27 avril dernier, par les représentants Ritchie Torres, un démocrate du Bronx, et Mike Lawler, un républicain du comté de Rockland, fait suite aux manifestations anti-israéliennes qui ont secoué l’Université de Columbia. Le Républicain Michael Lawler est à la tête d’un district qui accueille 90 000 citoyens juifs américains.
Les législateurs ont baptisé le projet de loi la loi COLUMBIA (College Oversight and Legal Updates Mandating Bias Investigations and Accountability). Cela permettrait au gouvernement fédéral de faire appel à un observateur extérieur pour surveiller la façon dont les universités accusées d’avoir laissé l’antisémitisme s’envenimer sur les campus traitent ces allégations. Ce projet de loi a été adopté par la Chambre des représentants par 320 voix contre 91 (au motif que ce projet de loi porterait atteinte aux droits du premier amendement).
L’administration Biden doit jouer la transparence
(Source: Biden under investigation after threat to Israel’s offensive aid : « playing political games », par Elisabeth Elkind, Fox News, 10 mai 2024)
Le comité de surveillance de la Chambre des représentants a lancé une enquête sur l’administration Biden concernant la suspension de l’aide à l’offensive militaire d’Israël.
Le président du comité, James Comer, a non seulement remis en question le processus décisionnel mais également le moment choisi par les Démocrates pour procéder à cette annonce, dans une lettre adressée au conseiller à la sécurité nationale du président Biden, Jake Sullivan. Ont été également demandés dans le cadre de cette enquête un briefing du Congrès au Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche, les communications et autres documents liés aux pourparlers sur la suspension de toute forme d’aide militaire à Israël, avec une date-retour fixée au 24 mai 2024.
« Le Comité est alarmé par la volonté de l’administration Biden de jouer à des jeux politiques avec l’aide financée par les contribuables américains, destinée à Israël. Le 09 mai 2024, le président Biden a rendu public qu’il ne fournirait pas d’armes offensives qu’Israël pourrait utiliser dans son offensive sur Rafah, le dernier bastion majeur du Hamas à Gaza. »
D’autres rapports indiquent que le Conseil de sécurité nationale a activement choisi de cacher ces informations au public pendant des jours, en partie pour ne pas saper le discours du président américain vantant son soutien à Israël, le 7 mai dernier, jour de la cérémonie de commémoration de l’Holocauste. Cette prise de parole depuis le Congrès s’est déroulée dans le cadre de la cérémonie annuelle des Jours du souvenir, organisée par le musée américain de l’Holocauste au Capitole.
Le Conseiller en communication pour la sécurité nationale de la Maison Blanche, John Kirby, a suggéré aux journalistes de CNN qu’Israël était parfaitement au courant de l’avertissement de l’administration Biden concernant son aide offensive, avant même l’interview du président.
Le comité de surveillance de la chambre des représentants a déjà enquêté sur le financement par l’administration démocrate de l’Office de secours et des travaux des Nations Unies (UNRWA), après que des membres du personnel de l’organisation pour les réfugiés aient été accusés de liens avec l’attaque terroriste du Hamas, le 7 octobre 2023, dans le sud d’Israël.
« Les priorités de l’administration Biden semblent être motivées par les sondages de popularité et non pas les enjeux de sécurité nationale ou de diplomatie » conclut le rapport du Comité.
Diplômée de la Business School de La Rochelle (Excelia – Bachelor Communication et Stratégies Digitales) et du CELSA – Sorbonne Université, Angélique Bouchard, 25 ans, est titulaire d’un Master 2 de recherche, spécialisation « Géopolitique des médias ». Elle est journaliste indépendante et travaille pour de nombreux médias. Elle est en charge des grands entretiens pour Le Dialogue.