Par Razika Adnani – Son site : https://www.razika-adnani.com
DECRYPTAGE. Bien que l’imam se soit excusé par la suite, le mal était fait. La philosophe et islamologue Razika Adnani juge cet acte éminemment provocateur comme un acte à forte symbolique.
Le 13 janvier dernier depuis la tribune du Parlement bruxellois un imam pakistanais, Muhammad Ansar Butt, a récité en psalmodiant pendant trois minutes et 30 secondes des versets du Coran, ce qui est un scandale politique d’une extrême gravité étant donné que cet imam ne s’est pas retrouvé au Parlement bruxellois par hasard. Il a été invité par des parlementaires. Il s’agit également d’un scandale politique car ceux qui l’ont invité ne pouvaient pas ignorer son activisme islamiste fondamentaliste, surtout qu’ils l’ont invité pour lui remettre une médaille de la bonne intégration. Des parlementaires bruxellois considèrent donc que son profil de fondamentaliste islamiste est un exemple de la bonne intégration des musulmans en Belgique. On marche sur la tête.
Pas une maladresse
Cet événement doit être pris avec la gravité qu’il représente. Il n’est pas une simple maladresse. L’imam savait parfaitement ce qu’il faisait et réciter le Coran au sein du parlement n’est pas anodin. Pour lui, il s’agissait d’un signe fort pour les islamistes non seulement de Belgique mais du monde entier sur la capacité de l’islam à s’imposer en Occident non seulement dans les lieux publics, mais aussi au sein du parlement, lieu où on exerce la politique par excellence et où on légifère. Le choix des versets a également un sens. L’imam a récité les versets 41 à 47 de la sourate 33, Les Coalisés, qui appellent à embrasser l’islam et rappellent les récompenses que Dieu réserve aux musulmans. L’imam a donc fait de la prédication, il a appelé à embrasser l’islam, au sein du Parlement Bruxellois.
Pour les islamistes, la symbolique est forte. Le piétinement de la neutralité de l’État est également fort, la religion s’est immiscée par la grande porte dans la politique.
Ce scandale politique soulève des questions importantes sur l’audace de l’activisme islamiste en Occident et jusqu’où il peut aller. Cet activisme qui a fait non seulement échouer le processus de modernisation des sociétés musulmanes, qui a eu lieu entre le XIXe siècle et le XXe siècle, mais les a également poussées à renoncer à ce qu’elles ont réalisé lors de cette période comme je l’explique dans mon étude Maghreb : l’impact de l’islam sur l’évolution sociale et politique, publiée par Fondapol en décembre 2022. L’activisme islamiste s’attaque aujourd’hui à cette même modernité mais en Occident, c’est-à-dire sur sa propre terre natale. Il n’y a pas un islamisme spécifique à l’Occident comme le pensent certains. L’activisme islamiste en Occident s’inscrit dans la continuité de celui mené dans les pays musulmans. On ne peut pas comprendre l’islamisme qui s’active en Occident si on le dissocie de celui des pays musulmans, sa matrice.
Complaisance du Parti socialiste
Il soulève des questions sur la complaisance du Parti socialiste avec l’islamisme et jusqu’où il peut aller pour faire plaisir à ses alliés islamistes, étant donné que l’imam fondamentaliste a été invité par le Parti socialiste et précisément par le député Hasan Koyuncu, vice-président de la Cocof. La secrétaire d’État bruxelloise à l’Égalité des chances de ce même parti, Nawal Ben Hamou, est celle qui l’a décoré. Il soulève des questions sur les élus musulmans ou issus de familles musulmanes et leur capacité à résister à la pression des islamistes sans avoir peur d’être accusés d’incrédulité ou de trahison. Le comportement de cet imam et de beaucoup d’autres islamistes n’est pas dans l’intérêt des musulmans d’Occident. Si ces derniers veulent s’intégrer dans leurs pays d’accueil et vivre en harmonie avec les autres, s’ils ne veulent pas être rejetés par l’Occident, ils doivent respecter les valeurs et les lois de leur pays et être munis de la force nécessaire pour que jamais leur religion ne prime sur les lois de leur pays et ses valeurs, dont la neutralité de l’État chèrement acquise
Tribune publiée dans La Libre, le 21/02/2024
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