Alors que la convention du GOP a débuté dans l’une des villes les plus importantes de l’État du Wisconsin, au lendemain de la tentative d’assassinat sur sa personne, Donald Trump a fait de l’annonce de son colistier, un enjeu majeur pour la suite de sa campagne électorale.
Lors du troisième jour de la Convention nationale républicaine, tous les projecteurs étaient tournés vers le candidat républicain à la vice-présidence, le sénateur J.D. Vance, personnage controversé, ancien critique de Trump, puis fervent supporter de la stratégie assumée « America First ». Qui est-il ?
« Made in Rust Belt »
J.D. Vance, 39 ans, père de trois enfants, marié à une avocate d’origine indienne, investisseur, auteur et homme politique, a remporté une belle victoire aux élections de mi-mandat de 2022, où il a battu son adversaire démocrate, Tim Ryan, aux élections sénatoriales de l’Ohio. Le Républicain est également un auteur à succès, avec son livre « Hillibilly Elegy », « une ode américaine » qui a été adapté par Ron Howard pour Netflix en 2020.
Ce drame américain, basé sur les mémoires de l’homme d’affaires, écrites en 2016, raconte l’histoire familiale de J.D. dans la région des Appalaches, alors jeune étudiant en droit à l’Université de Yale. L’auteur est contraint de retourner dans sa ville natale, une petite municipalité de l’Ohio, alors gangrénée par la toxicomanie et la pauvreté. Son livre a été un best-seller selon le classement du New-York Times. L’adaptation sur Netflix a mis en vedette Amy Adams, Glenn Close et Gabriel Basso.
Le storytelling de « Hillbilly Elegy » met en exergue les valeurs auxquelles adhèrent de nombreux Américains issus de la classe ouvrière, qui sont devenus le socle électoral de Donald Trump.
Vance est né à Middletown, dans l’Ohio, où son père a vécu dans son enfance. Quant à sa mère, cette dernière a lutté toute sa vie contre une dépendance à la drogue et à l’alcool. En grandissant, J.D. Vance a passé beaucoup de temps avec sa grand-mère qu’il appelait « Mamaw ». Vance appartient au corps des Marines américains qui a servi pendant la guerre en Irak. Il a étudié ensuite à l’Université d’Etat de l’Ohio, où il a obtenu une licence en sciences politiques et en philosophie. Il a poursuivi son cursus à Yale où il a obtenu son diplôme en droit.
A cette époque, Vance, a vécu à Cincinnati puis a déménagé à San Francisco, après ses études et a travaillé comme directeur dans une société de capital-risque appartenant au milliardaire Peter Thiel, qui est devenu l’un de ses principaux soutiens financiers lors de sa campagne réussie pour son accession au Sénat en 2022. Vance brigue cette année-là, le siège laissé vacant par le sénateur républicain Rob Portman, qui partait à la retraite. Il s’est ensuite opposé au représentant de la Chambre, Tim Ryan et a battu le Démocrate aux élections de mi-mandat.
Trump a vu dans ce nouveau sénateur, un conservateur populiste, doté d’une forte identité, une voix éloquente qui consolidera certainement l’assise du Parti républicain. De plus, Vance a l’avantage de bénéficier d’un solide appui, en la personne de Donald Trump Jr.
De nombreux Républicains avaient pourtant parié sur l’expérience et la forte médiatisation d’un Marco Rubio, Vance n’est pas connu de l’électeur lambda et son inexpérience relative pour certains, alors qu’il vient d’être élu à une fonction sénatoriale en 2022, reste sujette à caution.
En revanche, pour Donald Trump, J.D.Vance a plusieurs atouts. Il a servi en Irak, ce qui lui confère une certaine crédibilité parmi les militaires, et bien qu’originaire de l’Ohio, il a une solide empreinte dans le Midwest. Quelques Républicains à la Chambre des représentants, ont vu quant à eux, dans la nomination de Vance comme colistier, un signal politique positif pour « la classe ouvrière américaine ».
En effet, Vance trouve un écho favorable auprès des travailleurs et travailleuses, y compris à New-York. Il s’est enrôlé deux ans après les attentats du 11 septembre, son histoire familiale parle aux Américains de tout le pays : c’est un homme issu de la classe ouvrière, élevé par une grand-mère qui était une fervente démocrate, très à gauche et qui s’est fait à la force du poignet, en obtenant son diplôme de droit. Il parle également aux syndicats et New-York demeure l’un des plus importants bastions syndicalistes des États-Unis, en termes d’adhésions.
L’animal politique, qu’est Donald Trump a perçu de suite l’attrait de Vance dans la Rust Belt. Si Vance lui permet de remporter la Pennsylvanie voisine, l’élection est terminée. L’équipe rapprochée de Joe Biden considère que l’avance du Parti démocrate se réduit considérablement et la marge de manœuvre est étroite pour remporter une victoire dans les États-clés que sont la Pennsylvanie, le Michigan et le Wisconsin.
Le porte-flingue de Donald Trump comme candidat républicain favori en 2028
Vance a reconnu avoir violemment critiqué Donald Trump en 2016, pointant le racisme et la xénophobie qui animaient certains partisans du candidat. “Il y a définitivement une part du soutien de Donald Trump qui tire ses bases du racisme et de la xénophobie“, déclarait-il lors d’un entretien avec la chaîne PBS, critiquant la politique menée par l’ancien président, la qualifiant de “nocive” ou d'”impasse“.
Un rapprochement opportun, des excuses présentées et le tour est joué ! Il n’en a pas fallu plus pour que le camp démocrate dégaine sur les réseaux sociaux :
« Trump a choisi l’extrémiste d’extrême-droite MAGA (Make America Great Again), J.D. Vance comme colistier. Vance est un négationniste, il soutient une interdiction nationale de l’avortement et a voté contre l’accès à la FIV » a publié Biden-Harris HQ, le compte officiel de la campagne démocrate de 2024 sur X, avant de poursuivre :
« Voici ce qui se passe avec J.D.Vance. Il parle beaucoup de travailleurs, mais maintenant, lui et Trump veulent augmenter les impôts des familles, des classes moyennes, tout en poussant à de nouvelles réductions fiscales pour les plus riches ». (Source : Biden campaign slams JD Vance, says Trump VP pick will « enable » an « extreme MAGA agenda », par Brianna Herlihy, Fox News, publié le 15 juillet 2024).
L’ancien représentant démocrate, Tim Ryan, battu lors des sénatoriales de 2022, dans l’État de l’Ohio par Vance le qualifie de « plus extrême que Trump » : « Au mieux J.D. Vance est un imposteur. Au pire, il a des opinions extrêmement dérangées sur les femmes. Son programme politique est encore plus extrême que celui de Trump et son historique personnel malhonnête et opportuniste nous conduit à ne pas lui faire confiance » a déclaré Ryan sur le réseau social X.
Il est certain que Vance ne sera pas le prochain Mike Pence. Il soutiendra le candidat et ancien président Trump car il semble avoir l’expérience vécue et l’expertise politique nécessaire pour mettre en place une déclinaison précise de la stratégie programmatique « America First ».
A un moment précis où les Américains, notamment les classes moyennes, sont étranglées par une inflation sans précédent et un marché immobilier inabordable, Vance sent le pouls de la réelle Amérique, celle des travailleurs, qui n’arrive plus à faire le plein d’essence pour aller travailler, ni à se loger. C’est une mauvaise nouvelle également pour l’Ukraine….
Et Mitch McConnell !
Ce que le duo Trump-Vance signifie pour la poursuite de la campagne d’aide militaire à l’Ukraine
En février 2022, cinq jours avant le début de l’offensive militaire russe, il disait à la télévision : « Je vais être honnête avec vous, je me moque de ce qui arrivera à l’Ukraine », estimant « ridicule » que les Etats-Unis se focalisent sur la frange orientale de l’Europe (Le Monde).
Le sénateur de l’Ohio a toujours vivement critiqué les différents programmes d’aide étrangère, notamment celui qui comprenait une assistance à l’Ukraine, dans sa guerre en cours contre la Russie. Il se présente comme « un opposant aux guerres sans fin ». Au printemps dernier, le Républicain de l’Ohio a voté contre le plan d’aide étrangère de 95 milliards de dollars en faveur de l’Ukraine, d’Israël et de la région indopacifique. Ce plan a été finalement adopté.
De son côté, le chef de la minorité au Sénat, Mitch McConnell a fait du soutien à l’Ukraine, sa priorité. Le sénateur du Kentucky a annoncé qu’il quitterait la tête du groupe républicain à la Chambre haute en février 2025, mais qu’il resterait au Congrès.
La guerre contre la Russie relève pour lui « d’un défi mondial pour les démocraties » :
« Reagan se retournerait dans sa tombe s’il pensait que nous ne sommes pas prêts à défendre les gens qui luttent pour leur indépendance, en particulier contre les Russes » a –t-il déclaré (Source : Punchbowl News,Does McConnell think Congres scan pass more Ukraine aid ?, publié le 15 juillet 2024).
En revanche l’opposition de Vance au soutien à l’effort de guerre ukrainien trouve son fondement dans son expérience traumatisante en Irak. Ayant servi dans le corps des Marines de 2003 à 2007, il relate avoir cru à la propagande du gouvernement de George W. Bush selon laquelle les États-Unis devaient envahir l’Irak pour préserver la liberté et la démocratie. Pour lui, cet épisode en Irak fut « le plus honteux de l’histoire du Parti républicain ». Cette guerre en Irak, a déploré le sénateur, a permis au final à l’Iran d’obtenir une influence déterminante sur ce pays, au détriment des États-Unis.
« Le problème en Ukraine, c’est qu’il n’y a pas de point final clair » avait-il déclaré auparavant, répercutant les nombreuses critiques d’autres Républicains sur l’état du conflit (Source: What Trump-vance ticket means for Mitch McConnell’s Ukraine aid crusade, par Julia Johnson, Fox News, publié le 15 juillet 2024).
Vance a également remis en question l’aide continue en Ukraine en raison d’un manque de surveillance et d’un arsenal législatif encadrant l’utilisation des fonds :
« Les États-Unis ont envoyé des dizaines de milliards de dollars d’aide militaire à l’Ukraine, avec étonnamment peu de transparence sur la destination de ces ressources (…) Par exemple, nous savons que plus de la moitié des armes soumises à une surveillance renforcée sur leur utilisation finale, n’ont pas été suivies conformément aux normes imposées par le Département de la Défense américain. C’est totalement inacceptable. Ma législation obligerait l’administration Biden à maintenir un niveau de normes beaucoup plus élevé en termes de suivi des armes que nous envoyons à l’étranger. Si l’administration ne peut pas maintenir ces normes, elle perdra toute autorité pour l’envoi d’armes en premier lieu ».
Si le ticket républicain l’emporte, le prochain vice-président Vance semble avoir une vision très claire des grands enjeux de sa future administration en matière de politique étrangère. Il estime, comme Trump, que cette guerre est une distraction par rapport aux grands défis que doivent affronter les États-Unis dans la région indopacifique, notamment face à Pékin. L’effort financier et militaire doit être concentré sur cette zone névralgique.
Au final, comme tous les observateurs les plus sérieux le crient dans le désert depuis plus de deux ans déjà, l’enjeu géopolitique majeur d’aujourd’hui et de demain pour les États-Unis est beaucoup moins la Russie que la Chine. Comme Trump dès 2016, Vance semble bel et bien l’avoir compris lui aussi. Il sait que cette élection de novembre sera peut-être l’une des plus cruciales pour l’avenir de l’Empire américain (et donc de l’Occident !) … et le sien ! En 2028, le potentiel futur Vice-président aura seulement 44 ans…
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Diplômée de la Business School de La Rochelle (Excelia – Bachelor Communication et Stratégies Digitales) et du CELSA – Sorbonne Université, Angélique Bouchard, 25 ans, est titulaire d’un Master 2 de recherche, spécialisation « Géopolitique des médias ». Elle est journaliste indépendante et travaille pour de nombreux médias. Elle est en charge des grands entretiens pour Le Dialogue.
