« Je suis déterminé à me présenter » a déclaré Joe Biden, jeudi 11 juillet dernier, lors de sa conférence de presse solo qui a duré près de 58 minutes.
Cette conférence a été le point d’acmé, censée dissiper les inquiétudes des électeurs et alliés traditionnels du Parti démocrate sur la santé mentale de l’actuel président et candidat à sa réélection en novembre prochain. Elle fait suite à l’accueil par Biden des dirigeants de l’OTAN, à Washington D.C, pour le 75ème anniversaire de l’OTAN.
« Est-ce que je fais le travail ? Pouvez-vous me citer quelqu’un qui a fait passer plus de lois importantes en trois ans et demi ? J’ai créé 2 000 emplois la semaine dernière. Donc si je ralentis, je ne pourrai plus faire le job », a déclaré Biden à propose de son maintien dans la course. (Source : Biden stages hour-long press conference, takes multiple questions in bid to allay fears over mental decline, par Emma Colton, publié sur Fox News, le 11 juillet 2024).
La conférence de presse a été ponctuée de quelques gaffes de la part du président, notamment lorsqu’il a confondu sa vice-présidente Kamala Harris avec l’ancien président Donald Trump, lorsqu’il a brandi face caméra une liste de journalistes qu’il devait appeler.
« Ecoutez, je n’aurais pas choisi la vice-présidente Trump pour être vice-présidente, si je n’avais pensé qu’elle n’était pas qualifiée pour être présidente » a déclaré Biden, sans avoir relevé son erreur.
Les conservateurs ont qualifié la conférence de presse de nouveau « désastre » tandis que certains démocrates et alliés de l’administration ont salué une « très bonne performance ».
Cette conférence de presse fait suite à une autre gaffe très embarrassante plus tôt dans la journée, lorsque Biden a confondu le président ukrainien Volodymyr Zelensky avec le président russe Vladimir Poutine.
« Et maintenant, je veux transmettre la parole au président ukrainien, qui a autant de courage que de détermination (…) Mesdames et messieurs, le président Poutine ».
Biden a semblé se rendre compte de sa confusion monumentale et s’est corrigé rapidement :
« Il va battre le Président Poutine. Le président Zelensky. Je suis tellement concentré sur le fait de battre Poutine. Nous devons nous en préoccuper. Quoiqu’il en soit, Monsieur le Président. »
Les conservateurs se sont engouffrés dans la brèche pour qualifier cette conférence de désastre, d’humiliation personnelle du président mais également de l’ensemble du pays.
Pourquoi donc ses proches conseillers n’interviennent-ils pas ?
Contrairement aux critiques sur le plan intérieur, les dirigeants de l’OTAN ont fait preuve d’une grande déférence envers Biden, en ignorant ou minimisant son comportement, son apparence et sa difficile compréhension des enjeux. Ils ont salué son leadership et les réalisations de l’Alliance durant son mandat à la Maison-Blanche, notamment la mobilisation des alliés pour s’opposer à l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022 et l’adhésion de la Finlande et de la Suède à l’OTAN.
« Nous pouvons tous avoir des lapsus »
Le président Français Emmanuel Macron et le nouveau Premier ministre britannique Keir Starmer ont été interrogés sur cette série de gaffes, mais ont refusé de porter la charge directement.
« Nous pouvons tous avoir des lapsus. Cela m’est arrivé. Je suis sûr que cela m’arrivera encore demain et je vous demanderais d’être tout aussi gentils avec moi ».
Macron a déclaré avoir eu une longue discussion avec Joe Biden lors du dîner du mercredi 9 juillet, avec les dirigeants de l’OTAN. Il a décrit Biden comme un homme « très au courant de la situation », qui « connaît les enjeux et autour de la table, (qui) est parmi ceux qui ont la connaissance la plus approfondie des questions internationales ».
Keir Starmer, qui a fait ses débuts sur la scène internationale, s’est bien gardé, lors du sommet de l’OTAN, de tout commentaire et a éludé les nombreuses questions des journalistes. Il a félicité plutôt Biden pour son « leadership » et sa « préparation dans l’organisation d’un tel événement international, pour garantir des résultats solides pour l’allié ukrainien ».
« Pelosi a versé l’essence et Clooney a craqué l’allumette »
L’ancienne présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, démocrate de Californie, a toujours soutenu publiquement Joe Biden, alors que le président fait face à de multiples appels à se retirer de la course électorale de 2024.
En privé, par contre, elle encourage les manœuvres des législateurs pour faire pression sur Biden afin qu’il reconsidère sa décision de maintenir sa candidature. Plusieurs Démocrates de la Chambre des représentants ont déclaré qu’elle travaillait avec « acharnement en coulisses », que ce soit auprès des « Démocrates en première ligne dans des districts difficiles ou des vétérans les plus endurcis, dotés d’une forte influence institutionnelle » pour que Biden quitte la course.
Elle se battrait pour empêcher le Parti d’approuver la reconduction systématique de la candidature de Biden, avant même qu’il « y’ait un débat plus large sur les conséquences potentiellement dommageables de cette décision ».
L’état-major de campagne de Biden a clairement indiqué quelle était sa stratégie : ignorer le problème, jouer la montre et forcer le reste des Démocrates à faire avec ».
Pelosi, comme un certain nombre de Démocrates, ressentent une « urgence à contrecarrer cette stratégie ». (Source : Pelosi moving behind the scenes to get Biden to reconsider presidential run, par Mike Lillis et Mychael Schnell, The Hill, publié le 11 juillet 2024).
Nancy Pelosi est une alliée de longue date de Joe Biden. Elle a dirigé le Parti démocrate à la Chambre des représentants pendant toute la durée des deux mandats de vice-présidence de Biden et a été présidente de la Chambre pendant les deux premières années de sa présidence, faisant passer au Congrès, les principaux éléments programmatiques de Biden, notamment le plan de sauvetage américain et la loi bipartite sur les infrastructures.
Malgré tout elle aime gagner. Pour Pelosi, qui est une anti-trumpiste enragée, ce dernier représente une menace existentielle pour la démocratie américaine. Il doit donc être battu en novembre, un exploit qui hors d’atteinte sous « le lead » de Joe Biden.
Les Démocrates n’ont donc aucune alternative au maintien d’un statu quo. Au moins 17 législateurs démocrates ont ouvertement appelé Biden à renoncer à sa nomination.
La star hollywoodienne, Georges Clooney, partisan démocrate qui a organisé une collecte de fonds pour Joe Biden le mois dernier, lui a retiré son soutien dans un article d’opinion accablant publié dans le New -York Times, affirmant que Joe Biden n’était plus le même homme qu’en 2020.
Hollywood a toujours été « la cash-machine » du Parti démocrate. L’événement organisé par Clooney, en compagnie de Julia Roberts, a permis de récolter plus de 30 millions de dollars, soit la plus grande collecte de fonds démocrate de l’histoire.
Clooney, qui se décrit lui-même comme un démocrate de longue date a écrit : « Nous n’allons pas gagner en novembre avec ce président. De plus, nous ne gagnerons pas la Chambre des représentants et nous allons perdre le Sénat (…) Ce n’est pas seulement mon opinion, c’est l’opinion de tous les sénateurs, membres du Congrès et gouverneurs avec qui je me suis entretenu en privé. Chacun d’entre eux, indépendamment de ce qu’il ou qu’elle a déclaré publiquement ».
Notons que le cofondateur de Netflix, Reed Hastings, l’héritière de l’empire Disney, Abigail Disney et le scénariste Rob Reiner soutiennent le retrait de Biden. Le scénariste Damon Lindelof a proposé que ses collègues de l’industrie hollywoodienne cessent de signer des chèques aux Démocrates jusqu’à ce que Biden se retire.
Le torchon brûle…
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Diplômée de la Business School de La Rochelle (Excelia – Bachelor Communication et Stratégies Digitales) et du CELSA – Sorbonne Université, Angélique Bouchard, 25 ans, est titulaire d’un Master 2 de recherche, spécialisation « Géopolitique des médias ». Elle est journaliste indépendante et travaille pour de nombreux médias. Elle est en charge des grands entretiens pour Le Dialogue.
