Industrie spatiale satellitaire : non au déclassement de la France

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David Lisnard Industrie spatiale

Par David Lisnard, président de Nouvelle Energie et maire de Cannes – Son site 

TRIBUNE – Par David Lisnard, maire de Cannes, Président de l’agglomération Cannes Lérins, Président de Nouvelle Energie et Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse, Président de Toulouse Métropole

Un autre fleuron industriel français, dû notamment à l’action visionnaire du Général de Gaulle et de Georges Pompidou, va-t-il lui aussi disparaître ?

Le premier trimestre 2023 a été marqué par plusieurs alertes sur la santé des industriels français dans le secteur du spatial : Thales Alenia Space a annoncé l’obligation de redéploiement sur le groupe Thales de 1.300 postes, dont 1.000 en France, entre Cannes et Toulouse, Airbus Defense&Space a dû inscrire dans ses comptes une charge de 600 millions d’euros, et le Groupement des Industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS) a fait part au Gouvernement de ses inquiétudes sur la situation économique préoccupante de la filière.

Ces difficultés rencontrées par nos fleurons nationaux interrogent sur la stratégie française en la matière. D’autant plus que, parallèlement, le marché du spatial connait une croissance exponentielle : Morgan Stanley estime que l’industrie spatiale mondiale générera un chiffre d’affaires de plus de 1 000 milliards de dollars en 2040, contre environ 350 milliards de dollars en 2020 !

La France, qui jusqu’alors disposait de la première industrie spatiale en Europe et rassemble près de 40% des 57 000 emplois du secteur, est en train de se faire rattraper, et bientôt distancer, en raison de son désinvestissement – au propre comme au figuré – du satellitaire.

La Loi de Programmation militaire 2024-2030 a supprimé le satellite Syracuse 4C, a drastiquement étalé les flux de paiement et n’a pas prévu de nouvelle commande de satellite.  Les choix actuels de financement, en faveur des missions européennes au détriment des projets nationaux innovants, risquent de diluer notre expertise et notre influence.

Quant au volet « spatial » du plan de relance France 2030, il semble dicté par l’idéal de la start-up nation et la chimère qui obsède le Président de la République d’afficher à tout prix des licornes, sans vision globale de la filière économique (sous-traitants, équipementiers, fournisseurs) et action cohérente au service des entreprises et des emplois, qui ont besoin de l’activité, au rôle moteur vital, des opérateurs historiques.

Les conséquences ne se sont pas fait attendre.

Notre industrie spatiale peine à faire face aux changements de paradigmes que connait le secteur, avec la réduction du marché des satellites géostationnaires, remplacés par les constellations de télécommunications, le développement à marche forcée de lanceurs réutilisables et la croissance exponentielle d’opérateurs privés ultra-innovants et entreprenants, voire agressifs, qui sont, eux, fortement soutenus par des États engagés dans une compétition féroce pour dominer l’espace.

En effet, en plus des exemples américains et chinois, les stratégies déployées par d’autres pays, bien plus proches de nous, devraient nous inspirer.

L’Allemagne a soutenu par des financements considérables des projets spatiaux ambitieux comme le programme de satellite radar SARah. L’Italie, surtout, entend dédier 2.2 milliards d’euros au spatial dans le cadre de son Plan national pour la Reprise et la Résilience (PNRR) ! Elle investit massivement dans ses infrastructures et technologies satellitaires – création d’une usine d’intégration de satellites à Rome, projet « Citta de l’aerospazio » à Turin -, avec des succès immédiats à l’export et de nouveaux contrats pour ses industriels. À ce rythme-là, l’Italie ne va pas tarder à passer devant la France dans la course au satellitaire, ce qui était totalement impensable il y a seulement dix ans.

Or, au vu des enjeux croissants de souveraineté nationale et de sécurité, exacerbés par un contexte géopolitique de plus en plus instable, au vu aussi des immenses perspectives économiques de l’exploitation des ressources, au vu enfin de l’implication exponentielle dans ce secteur de pays amis concurrents et d’empires étrangers hostiles et conquérants, le domaine spatial exige des investissements institutionnels prioritaires en France.

Les satellites, lanceurs et infrastructures spatiales sont essentiels pour la défense nationale, les communications sécurisées, la surveillance environnementale et de l’espace et la gestion des crises. Ne pas investir de manière substantielle dans ces domaines compromettrait notre indépendance technologique et stratégique, rendant notre pays vulnérable et dépendant des puissances étrangères.

Alors qu’à l’échelle mondiale, 72% du chiffre d’affaires « spatial » est réalisé sur les marchés institutionnels (défense, météo et science), de manière incompréhensible, la France fait figure d’exception, avec seulement 49% du chiffre d’affaires porté par ces commandes essentielles à l’indépendance du pays.

Une fois de plus – de trop ! – nous abandonnons un avantage et une souveraineté française.

Nous sommes à un tournant de l’histoire du spatial : la révolution du marché des lanceurs et des satellites reconfigurables va ouvrir d’immenses opportunités pour inventer les technologies du futur.

Face à la concurrence mondiale, la filière spatiale française a besoin d’une feuille de route claire, « duale », portant à la fois sur le civil et le militaire, qui présente les priorités nationales en termes de programmes et financements et qui vise à investir dans l’innovation et le développement de nouvelles solutions de services dans les secteurs stratégiques de l’observation, de la communication, de la cybersécurité, de l’Intelligence artificielle et du quantique.

C’est en renforçant son soutien aux industriels par une commande cohérente de démonstrateurs entiers et l’investissement, via France 2030 et la création d’un fonds d’investissement dédié aux technologies spatiales, que notre pays pourra anticiper les évolutions technologiques et adapter l’appareil de production aux nouveaux besoins. La France peut et doit ainsi réaffirmer sa souveraineté dans le secteur spatial tout en portant une nécessaire ambition européenne.

Tribune publiée dans La Tribune, le 18/07/2024


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