Les urnes ont parlé et le résultat des élections législatives françaises est inattendu. Du fait de l’entente contre-nature de l’ensemble des forces politiques, le Rassemblement national, premier parti de France, s’est retrouvé minoritaire en sièges.
La Gauche a exulté. D’autres ont été gagnés par un lâche soulagement : encore quelques mois de gagné. C’est pourtant une victoire à la Pyrrhus, obtenue au prix de pertes si lourdes pour le vainqueur qu’elle équivaut quasiment à une défaite. Ensemble a perdu son âme en s’alliant avec LFI (on aura ainsi vu le ministre de l’Intérieur soutenu par des anti-flics primaires !).
Côté droit, certes le groupe les Républicains sort finalement assez renforcé de cette crise, mais à quel prix ? La position d’indépendance officielle n’a pas dissimulé des accords dans tous les sens, et on aura vu certains responsables dits de Droite appeler à voter pour nos adversaires idéologiques. Le parti est paralysé par la querelle juridique de l’alliance décidée seul par son président.
Le résultat global est du reste inquiétant. Ce qui se dessine, c’est une paralysie gouvernementale découlant d’un parlement sans majorité.
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Bien entendu, les appareils politiques vont essayer de tordre la réalité pour trouver un mode de gouvernance mais cela ne pourra se faire qu’en trahissant encore un peu plus les engagements pris devant les électeurs. Il n’y a aucune coalition qui se serait appelée « Le Front Républicain » qui n’a gagné les élections, et voilà bien le problème : transformer un barrage de circonstances en programme de gouvernement.
Or, si le RN est isolé, aucun partenaire en dehors du NFP n’acceptera de cohabiter avec Mélenchon. Sauf que LFI et RN représentent 203 sièges sur 577.
Le PS s’est engagé à gouverner avec LFI, mais cela ne fait que 198 sièges. La Gauche lorgne donc vers En Marche. Mais, comment imaginer une coalition allant d’Ensemble au Nouveau Parti Anticapitaliste ? Il faudrait donc rompre avec Mélenchon (- 73) pour épouser Macron (+ 169), soit un apport net de 96 sièges permettant d’atteindre 294 sièges (il en faut 289). Les électeurs de Gauche ayant voté pour le NFP seront trahis.
À moins qu’Ensemble n’explose entre une faction de gauche rejoignant le NFP (136 sièges au maximum) et une faction de droite (Horizons et Udi, soit 33 sièges), mais dans ce cas les électeurs du bloc central auront été dupés.
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Le scénario du pire ne fait donc que débuter. A force de ne faire campagne que pour empêcher l’autre de gouverner, personne ne sait qui exactement a été désigné pour gouverner (même pas la Gauche du reste), sur quel programme, et personne n’est légitime pour clarifier la chose. C’est ce que j’avais appelé le parlement des castors.
Dans ces conditions, la Gauche croit avoir gagné, mais pour combien de temps ?
Du reste, s’il y a peut-être une forme de victoire politique, tout cette affaire ressemble à une terrible défaite morale. On a emprunté le nom de la République pour dévoyer la logique démocratique, suivant laquelle la minorité s’incline devant la majorité.
Les électeurs du RN sont frustrés et gagnés par la colère.
Le Rassemblement national a montré une certaine impréparation au pouvoir en investissant certains candidats repoussoir et ne peut constater que l’instrumentalisation de son histoire fonctionne toujours pour l’empêcher d’accéder à la dernière marche. Pour les électeurs du bloc national, le constat est là : si la technique de la diabolisation continue à fonctionner, ce sera peut-être l’opposition à vie. Enfin, la rapidité avec lequel le RN a dilué son programme pour accéder au pouvoir ne laisse rien augurer de bon en matière de courage politique.
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Pour résoudre les maux qui frappent la France, je suis convaincu qu’il faut l’entièreté des pouvoirs, ce que la cohabitation n’offre pas, mais aussi avoir le courage de récupérer d’entrée de jeu certains des attributs de la souveraineté. Aucune lutte sérieuse sur le problème d’immigration ne sera possible si on n’agit pas simultanément sur l’autorité judiciaire (CEDH, jurisprudence laxiste) et l’Union européenne (Schengen, Frontex). Aucune politique de remise en ordre du pays ne fonctionnera si les responsables politiques peuvent être pénalement poursuivis ou juridiquement empêchés lorsqu’il faudra remettre de l’ordre dans les banlieues.
L’alternance sera radicale et courageuse, ou elle ne sera pas.
Également, en matière économique, il y a un nœud gordien à trancher : comment assainir nos finances publiques, protéger notre compétitivité, alléger nos entreprises tout en simultanément répondant à la soif de proximité et d’humain dans nos services publics ? Les atermoiements de LR comme du RN sur ces questions montrent la complexité du problème.
Nous avons trois ans pour y répondre intelligemment.
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