Jusqu’à sa mort en 2014, Jean de Dieuleveult soutiendra la thèse de la bavure militaire, les membres de l’expédition étant assimilés, à tort, à des mercenaires. Photo DR/Montage Le Diplomate
Par Charles de Blondin, fondateur et le rédacteur en chef du média Billet de France
Philippe de Dieuleveult est un journaliste et animateur de télévision français. Il est particulièrement célèbre pour avoir été la vedette de l’émission « La Chasse aux trésors » et être porté disparu avec son équipe en août 1985 au Zaïre.
Presque 40 ans que les doutes persistent. Que s’est-il passé ce 6 août 1985 non loin du barrage d’Inga au Zaïre (actuelle république démocratique du Congo) ? Ce jour-là, les 7 membres de l’équipe de l’expédition « Africa Raft » dont faisait partie le reporter Philippe de Dieuleveult disparaissent corps et âmes. Les hypothèses de la disparition de l’animateur du célèbre jeu télévisé « La Chasse aux trésors » restent controversées. Entre noyade, bavure militaire et assassinat, cette disparition est sujette à de nombreuses hypothèses. Retour sur la vie de ce « découvreur d’oxygène ».
Un aventurier dans l’âme
Né le 4 juillet 1951, Philippe de Dieuleveult grandit dans une famille de l’aristocratie bretonne anoblie au XIXe siècle. Dernier d’une fratrie de 8 garçons, son père travaille dans l’assurance et la vie familiale n’est pas simple. Dans son livre « J’ai du ciel bleu dans mon passeport », il décrit un quotidien où « l’ordre et l’autorité » règnent en maître. L’utilisation de la ceinture de cuir est de rigueur. En guise de première aventure, il effectue son service militaire chez les parachutistes et termine ses études à l’ESTP. Sa soif de liberté se matérialise très vite dans tous les éléments de sa vie. Ses vacances aux abords de la vieille cité corsaire de Saint-Malo, son mariage avec Diane de Torquat (1977), descendante du corsaire Robert Surcouf, et ses premiers métiers dans le monde de la presse caractérisent sa personnalité.
Il commence sa carrière en tant que cadreur puis pigiste à Antenne 2. Très naturellement, il s’intéresse de près au reportage. En mars 1978, il participe à l’émission télévisée francophone « La Course autour du monde » et se classe troisième ce qui lui permet de se faire connaitre. En échange d’un reportage hebdomadaire, l’émission permet au vainqueur de partir pendant 4 mois à la découverte du monde. L’année suivante, il s’engage comme reporter d’images pour France 3 puis part en Iran (1981) dans le cadre d’une mission humanitaire clandestine pour Médecins sans frontières (MSF) comme bénévole.
Un chasseur de trésor
En 1981, c’est la consécration. Jacques Antoine le recrute pour sa nouvelle émission qu’il baptise « La Chasse aux trésors ». Philippe de Dieuleveult est projeté dans un pays où il doit trouver un trésor grâce à des énigmes résolues par des candidats dans un studio parisien. Muni d’une combinaison rouge, il dispose d’une petite heure pour chercher le trésor placé par la production. Dans le studio de la capitale, les candidats doivent déchiffrer les énigmes (une lors de la première saison puis trois par émission ensuite) accompagnés par un animateur. Le succès de l’émission est croissant jusqu’en 1984. Elle fait appel à des moyens conséquents pour l’époque : un hélicoptère, une équipe technique qui suit l’animateur vedette dans ses péripéties (escalade, sauts en parachute, plongeons etc.).
Le format impose une description et une communication constante avec de Dieuleveult qui n’est relié au studio que par une transmission en direct grâce à un avion relais. Ses émissions sont caractérisées par son aisance relationnelle, sa sympathie auprès des populations locales et son goût constant du risque. Elles rencontrent un grand succès marquant plus d’une génération de Français. Mais le jeu a failli ne pas exister. Le pilote de l’émission est réalisé en 1980 au fort Boyard, un test qui n’a d’abord pas plu à la direction d’Antenne 2 obligeant Jacques Antoine à améliorer en profondeur son jeu. La même année, Philippe de Dieuleveult manque de se noyer en voulant accéder au fort Boyard lors d’une mer agitée.
La dernière expédition
Une nouvelle émission est prévue pour 1985 mais Philippe de Dieuleveult souhaite se consacrer à d’autres projets professionnels. Cette année, il décide d’organiser une expédition baptisée « Africa Raft ». L’objectif est de descendre le fleuve Zaïre (actuelle fleuve Congo) en radeau pneumatique, depuis sa source jusqu’à son embouchure, sur une distance d’environ 4 700 kilomètres. Réputé pour sa taille imposante, ce fleuve traverse plusieurs pays d’Afrique centrale jusqu’à l’océan Atlantique. Il est le deuxième fleuve au monde après l’Amazone avec un débit moyen d’environ 50 000 m3/s à son embouchure. Les chutes d’Inga constituent un obstacle naturel à la navigation.
A l’été 1985, l’expédition s’élance du lac Tanganyka. Son équipe est répartie sur deux radeaux pneumatiques surnommés « Godelieve » et « Françoise » spécialement construits et équipés pour cette aventure. La descente se déroule comme prévu mais peu à peu des tensions naissent entre les différents participants. Un membre de l’équipe Thierry Sadoun se désiste, quitte l’expédition et rentre sur Paris. Le matin de la tragédie, François Laurenceau et Jean-Louis Amblard renoncent devant la dangerosité des rapides d’Inga et restent au bivouac de l’expédition sur l’île aux hippopotames. Quelques heures après, les deux radios des rafts cessent d’émettre alors qu’ils entretenaient une communication quotidienne avec Paris. Philippe de Dieuleveult et 6 de ses compagnons disparaissent à jamais.
Une bavure militaire ?
Les circonstances de sa disparition donnent lieu à plusieurs hypothèses. La version officielle du gouvernement français depuis 1985 est celle de la noyade, acceptée par une partie de la famille de Dieuleveult. Ce qui n’est pas le cas de son frère, Jean de Dieuleveult, ancien militaire qui ne croit pas à cette thèse mais à celle de la bavure militaire. Il révèle que son frère était officier de réserve à la DGSE, les services de renseignements français. Une information confirmée par le directeur du service à l’époque, l’amiral Pierre Lacoste assurant pourtant que l’animateur n’était pas en mission. Plusieurs jours avant l’arrivée de l’expédition, un télégramme arrivé de France auraient mis en alerte les soldats zaïrois annonçant l’arrivée de mercenaires dans la zone.
Un autre message de Kinshasa les prévenait du passage de l’expédition afin justement de ne pas les prendre pour les mercenaires. Une information qui n’aurait pas été transmise aux hommes chargés de la protection du site stratégique. Les deux compagnons qui ont quitté l’aventure le matin de la disparition ont été retenus par des soldats zaïrois qui leur ont fait signer un document attestant « n’avoir jamais entendu aucun coup de feu ». Plus étonnant encore, l’épave du Godelieve a été retrouvée déchiquetée, ce qui avance la thèse de la noyade tandis que le cas du Françoise sur lequel se trouvait Philippe de Dieuleveult est bien différent. L’embarcation a été retrouvée intacte sur une plage où, sous des rochers, se trouvaient des affaires du radeau, ce qui laisse supposer à un débarquement.
Jusqu’à sa mort en 2014, Jean de Dieuleveult soutiendra la thèse de la bavure militaire, les membres de l’expédition étant assimilés, à tort, à des mercenaires. Son fils, Alexis de Dieuleveult continue le travail de son père dans son ouvrage Noyade d’État dans lequel il demande à Emmanuel Macron de démentir la thèse officielle du gouvernement de l’époque. En mai 2023, la demande de réouverture de l’enquête a été refusée par le Parquet de Paris. Un combat de plusieurs décennies pour tenter de lever le doute qui plane sur le mystère Dieuleveult. Dans sa chanson Capitaine abandonné, le groupe de musique Gold rend hommage au célèbre animateur ainsi qu’à l’aventurier Arnaud de Rosnay disparu en mer 9 mois auparavant.
Ce texte a été initialement publié sur Billet de France
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