Afrique – Le rôle de la Brigade Bear, la stratégie de Moscou et le recul inexorable de la France

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L’édito de Roland Lombardi

La Brigade Bear, l’une des nombreuses sociétés militaires privées russes, bien qu’officiellement interdites en Russie, joue un rôle clé dans la stratégie actuelle de Moscou en Afrique. Liée de manière étroite au GRU, les renseignements militaires russes, la Brigade Bear, dirigée par Viktor Yermolaev, incarne la restructuration et la reprise en main des sociétés privées par le ministère de la Défense après l’épisode controversé et la rébellion en juin 2023 du groupe Wagner et de son patron, le sulfureux Evgueni Prigojine (mort « accidentellement » dans un accident d’avion un mois plus tard, en août 2023). Cette réorganisation, symbolisée par la nouvelle “Africa Corps” russe, vise à renforcer l’influence de Moscou sur le continent africain tout en assurant un contrôle plus direct et centralisé des opérations.

La politique russe en Afrique repose principalement sur le soutien aux régimes locaux en échange de ressources naturelles et de positions stratégiques.

Or cette approche rappelle fortement la politique des pays occidentaux, principalement celle de la France et de la Grande-Bretagne, durant les années 1960-80.

Les excellents films “Les Oies Sauvages” (1978) et “Les Chiens de Guerre” (1980), les plus fameux du genre, capturent avec brio les aventures de ces mercenaires occidentaux en Afrique au prisme des intrigues géopolitico-militaires inhérentes de cette période…

À cette époque, Paris a ainsi très souvent utilisé des mercenaires (toujours en liens étroits avec Jacques Foccart, le « Monsieur Afrique » des présidents français de 1960 à 1974, ou le SDECE puis la DGSE) comme le plus célèbre, Bob Denard, véritable “Corsaire de la République”, pour maintenir son influence post-coloniale et souvent contrer, durant la Guerre froide, l’influence soviétique en Afrique…

L’URSS qui d’ailleurs ne restait pas en reste à l’époque puisqu’elle envoyait également en Afrique des mercenaires, des agents spéciaux et « conseillers » ou des troupes cubaines pour essayer de nuire aux intérêts américains, britanniques et français… Déjà !

Plus tard, dans les années 1990, une autre génération de mercenaires français, moins flamboyants mais tout aussi efficaces, puis le grand banditisme corse et les réseaux Pasqua ont continué à jouer un rôle important dans la stratégie française pour consolider son pouvoir sur le continent.

De manière similaire, la Russie qui, nous l’avons vu et ne l’oublions jamais, a une longue expérience de l’Afrique, recourt donc elle aussi aujourd’hui à des sociétés militaires privées comme la Brigade Bear et des hommes peu recommandables pour sécuriser ses intérêts. Cette stratégie exploite les faiblesses institutionnelles des États africains et utilise des forces non étatiques pour contourner les obstacles diplomatiques et légaux. En consolidant des régimes favorables, Moscou garantit ainsi sa présence géopolitique durable sur le continent. Cette approche permet également à la Russie de projeter sa puissance tout en minimisant les risques et les coûts politiques directs.

L’une des caractéristiques de cette stratégie est la capacité de la Russie à s’adapter rapidement aux dynamiques locales. Par exemple, dans des pays comme la Centrafrique, où l’État est souvent faible et fragmenté, les sociétés militaires privées russes jouent un rôle crucial en assurant la sécurité et en stabilisant le gouvernement en place. En retour, ces sociétés obtiennent des concessions minières et d’autres avantages économiques. Ce modèle d’échange de sécurité contre ressources est devenu un pilier de la politique russe en Afrique.

Une France définitivement hors-jeu[1]

Un autre aspect important de cette stratégie est l’utilisation de la propagande pour renforcer l’influence russe. Moscou profite du recul de la France sur le continent africain.

La Russie exploite cette situation pour se présenter comme une alternative viable et plus fiable aux anciennes puissances coloniales. Ce narratif est renforcé par des campagnes de désinformation et de propagande qui visent à discréditer les initiatives occidentales et à promouvoir l’image d’une Russie forte, bienveillante et solidaire des aspirations africaines.

Surtout que la France s’est faite avec la Russie un ennemi irréductible depuis 2013 en mordant à chaque fois la main tendue par Moscou (souvenons-nous de l’aide logistique russe lors du début de l’intervention au Mali) et sa position ubuesque et tragique en Syrie puis son suivisme aveugle, atlantiste et européiste stupide depuis la guerre en Ukraine.

De même, les Russes n’ont pas besoin de trop forcer leur propagande pour nous discréditer. Nos dirigeants entretiennent déjà à merveille et à eux tous seuls le sentiment anti-français en Afrique et ailleurs…

Paradoxalement, les Africains ne méprisent rien de plus que ceux qui s’humilient ou s’auto-flagellent en permanence (« la colonisation est un crime contre l’humanité » Macron en 2017).

La Russie, la Chine et les autres ne s’embarrassent pas de leçons de morale hypocrites sur la démocratie ou les droits de l’Homme dont nos responsables sont si friands. Ces derniers critiquent même aussi la « Françafrique de papa ». Or les Russes et les Chinois n’ont, quant à eux, aucun scrupule avec leur « Russafrique » ou leur « Chinafrique » actuelles.

Certes la politique africaine de Paris des décennies passées, et que nous avons évoquée plus haut, sentait le souffre. Mais au moins la France était respectée ! Aujourd’hui, pour défendre nos intérêts, au lieu d’envoyer en Afrique des Foccart, des Denard ou les Corses de Pasqua, le gouvernement français préfère missionner dans nos ambassades africaines… des « ambassadeurs thématiques » LGBT+ !

En effet, en 2023, la France a créé un fonds de soutien, doté de 2 millions d’euros, qui sera utilisé par ses ambassades pour défendre les droits des personnes LGBT+ dans le monde…

Comme si cela était la priorité de l’Afrique et des Africains ! D’ailleurs au Cameroun, pourtant l’un des derniers pays du continent à entretenir de bonnes relations avec la France, le gouvernement de Yaoundé s’était catégoriquement opposé, en juin 2023, à la venue de l’ambassadeur français de la cause LGBT…

Plus récemment et sans surprise, la caste dirigeante et progressiste parisienne (Macron, Hidalgo…) et les organisateurs/militants (Jolly, Boucheron…) qu’elle avait choisis ont préféré gâcher la belle cérémonie d’ouverture des JO de Paris pour promouvoir les nouvelles « valeurs » wokes et faire plaisir à une ultra-ultra-minorité occidentale.

Oubliant ainsi la portée mondiale de l’évènement pour aussi choquer et « emmerder » les réacs, la France périphérique et les chrétiens français, « les 12 millions de fachos-cathos-ploucs de province qui avaient voté RN quelques semaines auparavant » (JO de Paris – Cène, Seine et scènes), ils ont surtout choqué « le milliard de téléspectateur chrétien de par le monde, et – par le choix spécifique de leur mise en scène – l’autre milliard de téléspectateurs musulmans qui goûte aussi peu à ce genre d’exhibitions parfaitement hors sujet… » (JO 2024 : une cérémonie sans surprises). Au final, les « dictateurs du bon esprit et de la bien-pensance » ont pris en otage la beauté de Paris pour offrir une piètre image de la France et ridiculiser un peu plus notre nation auprès des 4/5e de la planète, le fameux « Sud Global », qui exècrent et rejettent massivement ces « nouvelles valeurs ». Le tollé devint même mondial et entraîna le retrait de certains sponsors…

Passons à la rigueur sur les épisodes de la garde républicaine, qui sonne l’appel aux morts, mobilisée pour se trémousser avec Aya Nakamura, ou encore le spectacle assez gore de Marie-Antoinette décapitée, qui à mon sens avait lui au moins le mérite, par les temps qui courent, de rappeler au monde (mais également à la caste qui nous dirige…) que le peuple français pouvait parfois être très violent !

Or avec les passages sur le trouple « gender fluide », les Drag Queens, la parodie de la Cène transformée en « véritable Gay Pride » et Philippe Katerine presque nu, « l’élite » française n’a fait qu’apporter encore et toujours de l’eau au moulin de la propagande russe et chinoise.

Poutine et Xi ne cessent de dire, notamment aux Arabes et aux Africains, que l’Occident en général et la France en particulier, sont sénescents, faibles et décadents… à présent ils en ont la preuve et surtout les images ! 

En attendant et pour en revenir à la Russie et l’Afrique, l’exemple de la Brigade Bear sur le continent illustre donc parfaitement la stratégie du Kremlin. En consolidant le contrôle des sociétés militaires privées, le ministère de la Défense russe cherche à éviter les dérives observées avec le groupe Wagner, tout en maximisant l’efficacité des opérations. La création de l'”Africa Corps” russe symbolise cette nouvelle approche centralisée et coordonnée, visant à projeter l’influence de Moscou de manière plus structurée et efficace.

En conclusion, la politique russe en Afrique, incarnée par des entités comme la Brigade Bear, repose sur des stratégies éprouvées d’influence militaire et économique. En utilisant des sociétés militaires privées pour sécuriser ses intérêts, la Russie parvient à contourner les contraintes diplomatiques et légales tout en minimisant les risques politiques. Cette approche, qui rappelle les méthodes employées par la France et la Grande-Bretagne durant leurs périodes de domination post-coloniale, permet à Moscou de renforcer sa présence sur le continent africain et d’assurer une influence géopolitique durable.


[1] https://fr.al-ain.com/article/afrique-france-pre-carre-chronique et https://fr.al-ain.com/article/france-afrique-pre-carre-fin-macron-russie


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