Après l’assassinat d’Ismaël Haniyeh, quel avenir pour le Hamas ?

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Ismaël Haniyeh
Yahya Sinwar est sans aucun doute le terroriste islamiste le plus recherché du globe. Illustration Service Picto Le Diplomate.

Par Alexandre Aoun

L’assassinat d’Ismaël Haniyeh va-t-il chambouler l’exécutif du mouvement islamiste gazaoui ? Rapidement remplacé par Yahya Sinwar, le Hamas jouit toujours d’une importante popularité auprès des Palestiniens et son idéologie ne cesse de gagner du terrain et ce, malgré plus de 10 mois de conflit avec l’armée israélienne.

Quelques jours après l’assassinat ciblé d’Ismaël Haniyeh dans la capitale iranienne à l’aube du 31 juillet dernier, le Hamas a jeté son dévolu sur Yahya Sinwar pour prendre les rênes de l’organisation et éviter un vide organisationnel. Plusieurs noms circulaient. Celui de Khaled Mechaal est souvent revenu pour reprendre la tête du mouvement, lui qui avait occupé cette fonction avec Ismaël Haniyeh. Il est également basé au Qatar depuis 2012. Les noms de Khalil al-Hayya, numéro deux du mouvement, résidant aussi dans l’émirat qatari, et Moussa Abou Marzouk, un haut dirigeant du mouvement ayant habité en Égypte et aux États-Unis, avaient également été ébruités.

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Toujours plus proche de Téhéran

Le choix de Yahya Sinwar apparaît comme un message clair à l’Iran et au Hezbollah. C’est un homme de « l’axe de la résistance », contrairement à Khaled Mechaal qui n’était pas dans les petits papiers de Téhéran compte tenu de ses positions divergentes à l’égard du conflit en Syrie. Le pays des mollahs a donc réussi par cette nomination à étendre son influence sur le Hamas.

Jusqu’au-boutiste dans sa lutte pour la résistance palestinienne, intransigeant dans sa mise en œuvre, sanguinaire aussi vis-à-vis de ses compatriotes gazaouis accusés de collaborer avec l’État hébreu ou de s’éloigner de la doxa islamiste radicale qu’il incarne, Yahya Sinwar est un des principaux architectes des attaques du 7 octobre en territoire israélien. C’est un partisan de la première heure du mouvement de cheikh Yassine.

Né en 1962 dans le camp de réfugiés de Khan Younès, où ses parents ont trouvé refuge après avoir fui le nord de l’enclave palestinienne à l’issue de la Nakba en 1948, Yahya Sinwar grandit dans une famille nombreuse. Il rejoint le Hamas en 1987, année de sa création, pendant la première intifada. On lui confie rapidement la direction du Majd, une unité de répression visant à punir les actes immoraux ou de trahison des habitants de l’enclave. L’homme est chargé d’accomplir sa tâche dans le sud de l’enclave. Il a donc la charge de sévir contre les actes jugés immoraux et déviants comme la pornographie, l’homosexualité ou encore les relations extraconjugales. Il participe aussi à la lutte contre les Palestiniens qui coopèrent avec Israël. 

Yahya Sinwar, dit Abou Ibrahim, a été emprisonné entre 1989 et 2011 puis libéré dans le cadre d’un échange avec les autorités israéliennes. Titulaire d’une licence en langue arabe de l’Université islamique de Gaza, il parle également couramment hébreu. En 2012, il est élu membre du bureau politique du Hamas dans la bande de Gaza et chargé du dossier de la sécurité. L’année suivante, il devient membre du bureau politique général et chargé du dossier militaire. En 2015, les États-Unis le placent sur la liste des terroristes internationaux. En février 2017, Yahya Sinwar est élu chef du bureau politique du Hamas dans la bande de Gaza. Il est réélu pour un second mandat en 2021.

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Une popularité grandissante

Malgré les rumeurs sur son état de santé ou sa fuite en Egypte, l’homme est présent dans les tunnels de Gaza depuis le début des hostilités avec l’armée israélienne. «La nomination de l’archi-terroriste Yahya Sinwar à la tête du Hamas, en remplacement d’Ismaïl Haniyeh, est une raison supplémentaire de l’éliminer rapidement et de rayer de la carte cette ignoble organisation», indiquait Israël Katz, chef de la diplomatie de l’Etat hébreu. Sa vie est donc en sursis comme celle des cadres de l’organisation du Hamas.

En effet, depuis le début de la guerre dans l’enclave gazaouie, en plus des bombardements massifs sur le territoire palestinien, Tsahal s’évertue à tuer les têtes du mouvement islamiste. Outre Ismaël Haniyeh, l’armée israélienne a récemment revendiqué la mort de Mohammed Deif, artificier du parti depuis plusieurs décennies, celle Abel Al-Zeriei, responsable des finances et de la logistique et également celle de Samer el-Hajj, responsable de la sécurité du Hamas dans le plus grand camp palestinien au Liban d’Aïn el-Helwé.

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Indépendamment de ces assassinats ciblés pour porter un coup à l’organisation, l’idéologie du mouvement n’a de cesse de gagner du terrain. Le porte-parole du mouvement Abou Obeida a fait savoir en juillet dernier que malgré les bombardements intensifs dans la bande de Gaza, le mouvement avait réussi à recruter des milliers de nouveaux combattants.

D’ailleurs, outre l’enclave gazaouie, l’influence du mouvement, ainsi que celle du Jihad islamique, grandit de manière exponentielle en Cisjordanie, territoire réputé être favorable à l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas. Or, compte tenu du mutisme du leader de Ramallah et de son impopularité grandissante, les mouvements islamistes gagnent du terrain et disposent de nombreuses cellules.

De surcroît, en juin dernier, selon le Centre palestinien de recherche politique et d’enquête, basé à Ramallah, plus de deux tiers des Palestiniens en Cisjordanie et à Gaza continuent de soutenir le Hamas dans sa guerre contre l’armée israélienne dans la bande de Gaza. Ce rapport montre également l’avis favorable des Palestiniens pour le mouvement des Houthis au Yémen qui mènent des opérations en mer rouge mais également pour le Hezbollah qui affronte l’armée israélienne dans une guerre larvée depuis le 8 octobre.

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Au sujet de cette influence grandissante du Hamas dans les territoires occupés, le chef de la diplomatie israélienne a récemment pointé du doigt le fait que la Jordanie devenait un pays transit pour les armes et l’argent iranien à destination du mouvement islamiste palestinien. Des accusations qui avaient été démenties par Amman. A l’échelle du Moyen-Orient, les cadres du mouvement islamiste ont leurs entrées en Turquie, au Liban, au Qatar, à Oman, en Algérie et en Iran. La Russie et la Chine ont également reçu des délégations du mouvement pour tenter d’imposer une feuille de route parmi tous les partis palestiniens. Détruire le Hamas militairement est un objectif qu’Israël peine à atteindre en raison de la densité de population à Gaza et de la résilience du mouvement qui continue à mener des opérations, y compris dans les territoires contrôlés par Tsahal. Les combattants des brigades al-Qassem ont perdu de nombreux bataillons (12 sur 24) mais la mobilisation de nouvelles recrues ne faiblit pas. Concernant l’idéologie du mouvement, elle est plus vivante que jamais et se nourrit du conflit lui-même. Plus les bombardements israéliens continuent, plus la pensée politique islamiste du Hamas gagne en popularité.

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