Par Angélique Bouchard
C’est officiel : la vice-présidente Kamala Harris a officiellement décroché vendredi 2 août 2024, la nomination du Parti démocrate à l’élection présidentielle de 2024. Le Comité national démocrate (DNC) a annoncé que la VP (Vice-présidente) avait obtenu les voix d’une majorité de délégués à la convention nationale des Démocrates.
Harris a été la seule candidate à se qualifier pour l’investiture présidentielle de novembre prochain. Il s’agit d’une étape historique aux États-Unis, puisqu’elle devient la première femme de couleur à diriger la liste nationale d’un grand parti politique.
L’obtention de la nomination par Harris intervient moins de deux semaines après l’annonce retentissante selon laquelle le président Biden se retirait de la course électorale de 2024. Le vote officiel par les délégués s’est déroulé à distance. Un appel nominal cérémoniel aura lieu lors de la Convention nationale démocrate du 19 août prochain, à Chicago.
Malgré le soutien immédiat affiché de Kamala Harris à Biden, la VP a réussi, en moins de 36 heures, à assurer sa nomination à la tête du parti démocrate en obtenant la soutien « verbal » de près de 4000 délégués présents à ladite convention. Le dimanche 28 juillet dernier, Kamala Harris annonçait la récolte de la somme impressionnante de 200 millions de dollars de fonds en un peu moins d’une semaine depuis l’annonce du retrait de Joe Biden.
La nomination de Kamala Harris étant désormais confirmée, l’équipe de campagne démocrate a annoncé que la VP et son colistier se lanceront dans une tournée dans les sept États clés de la campagne, avec une première journée en Pennsylvanie.
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Le choix crucial du colistier : les différentes options de Kamala Harris
Quatre favoris se disputent le ticket, en se présentant comme les principaux prétendants à la vice-présidence dans une hypothétique administration Harris : les gouverneurs Josh Shapiro de Pennsylvanie, Andy Beshear du Kentucky, Tim Walz du Minnesota et enfin le sénateur Mark Kelly, Démocrate de l’Arizona. Les positions politiques de chacun sur les questions-clés de la campagne, notamment l’immigration illégale, auront un impact certain sur la conduite de la campagne électorale. La Pennsylvanie est à nouveau un État clé dans ce nouveau cycle électoral. Après avoir voté en faveur du candidat du GOP en 2016, Donald Trump, l’État s’est rangé du côté des Démocrates lors de l’élection présidentielle de 2020. Shapiro pourrait ainsi sécuriser ses 19 votes électoraux clés.
Shapiro, qui est le troisième gouverneur juif de Pennsylvanie, a précédemment occupé le poste de procureur général de l’État et se présente comme un « modéré démocrate », dans l’État de la Rust Belt, qui comprend des villes aussi importantes que Philadelphie et Pittsburgh. Il a fait face, avec courage, à la résistance des émeutiers et des conseils d’administration des universités, qui selon lui, n’ont pas protégé les étudiants de confession juive, au cours de l’année scolaire 2023- 2024 suite à la guerre entre Israël et le Hamas. Shapiro a ainsi visé la dirigeante de l’époque de l’Université de Pennsylvanie, Liz Magill, pour ne pas avoir dénoncé le génocide contre les juifs, lors du pogrom du 7 octobre et sa gestion calamiteuse de l’antisémitisme sur le campus. Magill démissionnera en décembre 2023.
Qualifié par ses détracteurs de « Josh du génocide », en raison de ses positions pro-Israël, dans le traitement du conflit entre Israël et Gaza, Shapiro reste une cible pour les démocrates de l’ultra-gauche, aux positions anti-israéliennes. Toutefois, Shapiro a obtenu des soutiens de poids en Pennsylvanie et notamment celui du sénateur Bob Casey et de la maire de Philadelphie, Cherelle Parker.
Le deuxième candidat est le gouverneur du Kentucky, Andy Beshear. Agé de 46 ans, il dirige le Bluegrass state depuis 2029. Considéré comme un Démocrate centriste, il pourrait séduire les électeurs modérés au niveau fédéral. Beshear est un politique de seconde génération. Il est le fils de l’ancien gouverneur du Kentucky, Steve Beshear, qui a été gouverneur pendant deux mandats et procureur général. Vilipendé par ses détracteurs républicains, Beshear est décrit comme un « chien d’attaque libéral qui se cache derrière une image d’enfant de chœur plutôt mou ». Mitch Mc Connell, le chef de la majorité au Sénat, autre habitant du Kentucky le décrit comme « un homme habitué à se voir servir des emplois sur un plateau d’argent (Source: Harris’ top VP options all have drawbacks that could take them out of contention, par Emma Colton, Fox News, publié le 04 Août 2024).
Contrairement à Shapiro, qui pourrait faire basculer un État clé, Beshear vient d’un État profondément rouge, acquis à la cause du GOP. En 2012, le candidat à la présidentielle Mitt Romney a remporté le Kentucky, suivi par Donald Trump, lors des élections successives de 2016 et de 2020. Beshear est également confronté aux critiques des électeurs de gauche pour sa position jugée « molle » sur l’avortement, qui a été interdit dans l’État en 2022 (Le 24 juin 2022, par l’arrêt Dobbs v. Jackson Women’s Health Organization, dit Dobbs, la Cour suprême des États-Unis supprimait le droit constitutionnel à l’avortement. L’emblématique arrêt Roe v. Wade de 1973 était renversé). Beshear est pro-choix et a fait campagne lors de sa réélection pour l’accès à l’avortement, mais les militants du Kentucky affirment qu’il aurait pu faire davantage pour élargir l’accès à la procédure.
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Le troisième candidat est issu de l’État du Minnesota, Tim Walz. Politicien chevronné, il a siégé au Congrès américain de 2007 à 2019, date à laquelle il a été élu gouverneur de l’État du Midwest. Il a été réélu au poste de gouverneur en 2022. À l’instar de Shapiro, Walz serait un atout majeur pour Kamala Harris, si sa nomination était susceptible de faire augmenter la participation électorale en faveur du ticket démocrate dans l’État. Toutefois, Walz cumule deux handicaps majeurs : sa gestion de la COVID-19 et des émeutes qui ont secoué Minneapolis en 2020. Certains de ses détracteurs y ont vu un manque de courage politique, la peur de s’aliéner sa base « progressiste/ woke » qui soutenait les émeutiers. De plus, Walz a été celui qui a fait l’erreur politique de mettre en place une ligne téléphonique pour signaler les résidents qui ont violé les obligations du port du masque à l’intérieur pendant la pandémie de la COVID-19.
Le dernier candidat en lice est le sénateur de l’Arizona, Mark Kelly. Il est certainement le plus reconnu à l’échelle nationale, puisqu’il est un astronaute de la NASA à la retraite et marié à la députée Gabby Giffords, qui a survécu à une tentative d’assassinat en 2011. Originaire d’Orange dans le New Jersey, Kelly est diplômé de l’Académie de la marine marchande des États-Unis. Il a ensuite fréquenté l’US Naval Posgraduate School, où il a obtenu une maîtrise en génie aéronautique en 1994. Kelly est devenu aviateur naval en 1987 et a été affecté à l’escadron d’attaque 115 au Japon. Il a également effectué près de 40 missions de combat dans le cadre de l’opération « Tempête du désert ». Il a reçu de nombreuses distinctions pour son service militaire et a pris sa retraite de la marine en octobre 2011. Avec son frère jumeau Scott Kelly, il a été sélectionné par la NASA pour servir comme pilote de navette spatiale en 1996. Au cours de son illustre carrière d’astronaute, il aurait passé plus de 54 jours dans l’espace, bien au-delà de l’atmosphère terrestre. Mark Kelly n’est pas le premier astronaute à être élu au Congrès. On compte dans l’histoire américaine, John Glenn, Harrison Schmitt et Jack Swigert.
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Kelly est considéré par de nombreux stratèges politiques comme un choix sûr pour Harris. Agé de 60 ans, il a été élu au Sénat américain, lors du cycle électoral de 2020 et sa victoire marque la première victoire démocrate dans l’État depuis 1953. L’Arizona est un autre État clé pour les Démocrates.
Donald Trump a remporté l’État en 2016, mais Biden a été victorieux lors des Présidentielles de 2020. Mark Kelly pourrait être le catalyseur des votes en faveur de Kamala Harris, dans l’État qui se trouve le long de la frontière sud avec le Mexique. L’enjeu de la résolution de la crise cristallisée autour de la frontière sud est fondamentale pour les Démocrates. Si Kelly est choisi comme colistier de Harris, il laisserait derrière lui un siège vacant au Sénat, dans un État clé, ce qui suscite une certaine inquiétude. Considéré, à l’annonce du retrait de Biden, comme le choix le plus probable de Harris pour le poste de vice-président, il est aujourd’hui détrôné à la première place par Shapiro.
Ne pas effrayer l’électorat modéré américain. And the winner is ….
Tim Walz, ancien professeur de lycée, entraîneur et membre de longue date de la Garde nationale.
Walz en est à son deuxième mandat en tant que gouverneur du Minnesota. Élevé dans une zone rurale du Nebraska, il s’est enrôlé dans la Garde nationale en 1981, peu de temps après avoir obtenu son diplôme d’études secondaires. Il a enseigné l’anglais et l’histoire américaine en Chine pendant un an, dans le cadre d’un programme à l’Université d’Harvard avant d’être embauché en 1990 comme professeur et entraîneur de football et de basket-ball dans le Nebraska. Déployé en Italie pour soutenir l’opération Enduring Freedom en 2003, Tim Walz a pris sa retraite deux ans après au grade de sergent-major de commandement. (Source : Vice President Kamala Harris names Minnesota Gov. Tim Walz as her running mate, par Paul Steinhauser, Brooke Singman, Chris Pandolfo, Fox News, publié le 6 août 2024).
Walz, 60 ans, ancien membre du congrès, a consolidé ses assises dans le Minnesota. Il a été élu à la Chambre des représentants en 2006 et a été réélu cinq fois, représentant le 1er district du Congrès du Minnesota, un district essentiellement rural couvrant la partie sud de l’État, qui comprend un certain nombre de villes moyennes. Au cours de ses deux dernières années au Capitole, il a été membre de haut rang du Comité des anciens combattants de la Chambre. Walz a été élu gouverneur en 2018 et sera réélu quatre ans plus tard.
Les Démocrates ont régulièrement remporté les élections présidentielles durant des décennies dans l’État du Minnesota. La candidature de Walz au poste de VP aidera Kamala Harris à consolider ses positions, non seulement dans le Minnesota, mais également, à gagner du terrain dans les deux champs de bataille voisins du Midwest, le Wisconsin et le Michigan.
Les stratèges démocrates ne se sont pas trompés dans leur casting. Tim Walz est le président de l’Association des gouverneurs démocrates. Il sera un levier incontournable pour conforter la collecte de fonds record cette année pour l’appareil de parti démocrate.
Le gouverneur Walz pourra également mettre en avant son bilan politique marqué par une série de victoires « progressistes » dans le Minnesota, à savoir, la protection du droit à l’avortement, la légalisation de la marijuana « récréative » et la restriction de l’accès aux armes à feu pour éviter les tueries de masse.
Or, la majorité des Américains n’ont jamais entendu parler de Tim Waltz. Le sondage NPR/PBS News Marist (https://maristpoll.marist.edu/) a révélé que Kelly avait la plus grande cote de popularité des trois candidats au poste de VP à la Maison Blanche.
Quant à Walz, le favori progressiste, il est de loin, le plus méconnu des trois candidats, avec 71% des personnes interrogées déclarant qu’elles n’étaient pas sûres de le connaître ou n’avaient jamais entendu parler de lui (Source : Most Americans have never heard of Tim Waltz, Harris’ VP pick, par Chris Pandolfo, Fox News, publié le 6 août 2024).
Harris était à Washington DC le week-end du 2 août pour mener des entretiens en personne avec ses potentiels colistiers. Avant ses rencontres avec chaque candidat, elle a été briefée par une équipe de « sélection » dirigée par l’ancien procureur général Eric Holder.
Philadelphie sera le lieu de la première visite de Kamala Harris et de son colistier Tim Walz en Pennsylvanie, en tant que candidate démocrate à la présidence. S’ensuivra une tournée ambitieuse dans les États clés de Pennsylvanie, du Wisconsin, du Michigan, de Caroline du Nord, de Georgie, d’Arizona et du Nevada, les sept « swing states » qui détermineront l’issue de l’élection présidentielle de novembre 2024.
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Diplômée de la Business School de La Rochelle (Excelia – Bachelor Communication et Stratégies Digitales) et du CELSA – Sorbonne Université, Angélique Bouchard, 25 ans, est titulaire d’un Master 2 de recherche, spécialisation « Géopolitique des médias ». Elle est journaliste indépendante et travaille pour de nombreux médias. Elle est en charge des grands entretiens pour Le Dialogue.