L’espion était là où on ne l’attendait pas

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Hamid al-Ahmar

Hamid al-Ahmar, ce nom ne vous dit peut-être rien, mais il représente beaucoup en termes géopolitiques autour du conflit au Yémen, proxy de l’Iran et de la confrérie des Frères musulmans. L’homme politique et grand argentier des islamistes est intimement lié aux Gardiens de la révolution iraniens, au Hamas, au Hezbollah et au pouvoir turc – tant en Afrique qu’en Turquie – et il ne s’en cache pas. Depuis des années al-Ahmar échappe aux sanctions américaines et peut se déplacer librement. Pourtant de Sanaa à Washington, d’Istanbul à Téhéran, plusieurs sources – dont certaines diplomatiques – confirment ce qui se dit déjà à demi-mot dans les milieux des affaires, du renseignement et des chancelleries : Al-Ahmar a été « retourné » par Américains et donc joue sur plusieurs tableaux. Dans ce « spy game » apparait le Qatar en maître du jeu et signe le début de la fin d’un homme sans doute trop pressé. Première partie d’une passionnante et détaillée enquête.

Note de la rédaction à nos lecteurs : cette investigation exclusive et unique en son genre est le fruit du long travail tant de nos sources (correspondances particulières) et de notre rédaction. Nous travaillons exclusivement sous la supervision d’un journaliste professionnel (protection légale de nos sources) avec l’appui d’enquêteurs en sources ouvertes (OSINT). Cette grande enquête – fortement détaillée – est la première d’une longue série signée exclusivement « Le Diplomate ». Fortement documentée, elle est à la fois une enquête financière, diplomatique et géopolitique comme plus aucun média en France ou en Europe ne peut en produire aujourd’hui. L’enquête beaucoup plus détaillée et en PDF sera disponible prochainement pour nos membres premium. En attendant, profitez d’un accès libre et n’hésitez pas à nous soutenir dans nos investigations indépendantes, documentées et apolitiques.

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Grillé, carbonisé. Depuis plusieurs jours, l’homme d’affaires devenu espion pour les Américains a disparu des radars. Il a quitté précipitamment une chambre d’un palace de luxe à Istanbul qu’il occupait de temps en temps et où défilaient chaque soir des femmes de joie, et des produits psychotropes… pas très halal pour ce séducteur qui soigne son statut social, friand de sa belle image dans les médias et la presse en général. L’information qui préoccupe l’homme à la barbe fournie – mais fort bien taillée, il adore les barbiers turcs – a de quoi lui déclencher une apoplexie : plusieurs de ses amis d’affaires proches des pouvoirs en Turquie et au Yémen sont inquiets, ils ont eu vent d’une information et par là, les premiers effets du « téléphone arabe », chose qu’il n’aurait jamais pensé devoir affronter « des diplomates et des gens de chez nous le confirment, tu travailles pour les Américains, c’est un de nos frères en Amérique qui en a trouvé la preuve », le message sur l’un de ses téléphones lui glace le sang. À présent, il va devoir affronter ses partenaires dans le crime : les gardiens de la révolution iranienne et les nombreuses personnes qui l’attendent de pied ferme au Yémen.  

Qui est Hamid Abdullah Hussein Al-Ahmar ? Plus connu sous le court sobrique de Hamid Al-Ahmar, le yéménite est un business man trop lisse, il fait partie de cette génération d’islamistes qui manipulent et séduisent autant les ignares en Occident que les idiots-utiles d’extrême gauche autour du globe. Dans les faits, Al-Ahmar est l’une des multiples courroies de transmission entre les hautes instances du Hamas (la mouvance islamo-terroriste qui occupe Gaza suite à un coup d’état en 2007) et les gardiens de la révolution iranienne, le bras idéologique, armé et financier des mollah iraniens.

Ces informations qui circulent dans des milieux politiques et d’affaires privilégiés sont un coup de tonnerre pour l’Iran qui se méfiait déjà de Al-Ahmar depuis ce jour récent de juin 2024 quand l’agence yéménite SABA annonçait l’arrestation « d’un réseau d’espionnage israélo-américain au cœur même de l’organisation des Houtis » dixit l’agence qui a toujours évité de se mettre à dos un homme puissant issu du grain local. Information à peine démentie dans les chancelleries occidentales, un coup de maître de la Vevak, les services secrets iraniens, et des gardiens de la révolution qui tiennent pour horreur les traitres à la cause. « On sait qu’au cœur-même de ces organisations existent et cohabitent plusieurs branches, familles et membres d’autres organisations et groupes annexes, c’est un jeu de pouvoirs, d’influences et d’argent, Allah leur passe bien au-dessus de la tête, les religieux de l’ancien monde ont laissé place à une jeune génération aux dents longues, plus violente, moins visible, moins marquée religieusement. La fin justifie tous les moyens pour ces nouveaux islamistes qui sont gavés d’argent, de luxe et de pouvoir, la corruption et les coups bas pleuvent, c’est comme on dit ici : méfie-toi du partenaire qui te sourit avec un couteau dans la main, même si tu cuisines avec lui » nous explique l’une des sources diplomatiques locales, un turc francophone qui connait bien les pratiques de cette génération abreuvée au sein des gardiens de la révolution.

Un analyste francophone spécialisé dans les crimes financiers (compliance/conformité), ex d’un service de renseignement, passé dans le privé et qui travaille au Benelux, précise : « C’est non seulement crédible mais de plus, il est l’atout idéal pour les Américains, et quand le renseignement américain vous retourne, ils n’ont pas forcément le temps de s’adapter au temps et aux mœurs locales, je m’explique, Al-Ahmar dirige plusieurs entreprises dont certaines sont sanctionnées financièrement par les Américains, il est très influent, il possède des télécoms et enfin, il est celui qui fait le lien entre plusieurs organisations islamistes dans une zone qui est le pré carré de l’Iran. En échange d’informations, il bénéficie donc d’une protection des Américains et de leurs instances de régulation et de surveillance : il peut alors voyager avec plusieurs passeports, savoir ses finances protégées et peut passer des coups de fils à ses anges gardiens yankees pour l’aider à dégager son chemin d’éventuels autres criminels, escrocs, partenaires et/ou adversaires. C’est le deal : « On est bien dans le monde réel des sales affaires et du business politique. Le pattern des américains a été trop visible pour les Iraniens qui se sont rapidement méfiés de Al-Ahmar : comment cet homme peut-il autant esquiver les sanctions économiques et financières alors qu’il ne s’en cache pas ? Comment se fait-il qu’il n’ait jamais été ‘approché’ ou ‘tamponné’ alors qu’il est la cible idéale ? Pourquoi n’a-t-il jamais rapporté à ses maîtres aucune tentative de séduction ou une éventuelle menace de compromission ? Ce sont les questions basiques pour n’importe quel service et surtout pour les très paranoïaques agents de la Vevak, les services secrets iraniens, mais aussi pour le MIT, les services turcs, qui sont extrêmement efficaces sur ces questions, j’en sais quelque chose ».

Samir et l’enquête

C’est au cœur de Barcelone, il y a quelques mois, que nous retrouvons au restaurant d’un prestigieux palace, un ingénieur spécialisé dans les technologies de la finance. Ce dernier est l’un des nombreux Français installés dans la vibrante capitale catalane. D’origine sunnite, il traque les avoirs des islamistes : c’est sa façon à lui de vivre son islam, un islam qu’il pense déchu, corrompu, manipulé, à l’image déplorable, un islam qu’il pense en danger de mort : Samir (son deuxième prénom et pour nous un pseudonyme) est un enfant issu de l’immigration et de la mixité, fils d’un français et d’une algérienne. Il y a quelques années, Samir a fait l’école juridique islamique au Koweït, il assume son Salafisme, « le vrai » comme il dit. « Je vis dans un pays mécréant, ce n’est pas négatif pour moi, et je ne suis pas là pour te convertir ou te couper la gorge, je suis sincère avec toi depuis le début, je te considère comme un vrai journaliste, tu me l’as prouvé plusieurs fois, ce que j’aime chez toi c’est ton écoute et ta connaissance de la Oumma, ta sincérité nous honore, ton sens du réalisme et tes amitiés, ta connaissance et ta soif de dialogue entre nous tous m’a séduit. Je comprends aussi quand tu dis qu’il faut parler jusqu’au bout et qu’il faut frapper les plus violents quand c’est nécessaire, c’est avec des gens comme toi que nous les musulmans, voulons parler ».

Le décor est donc posé pour les lecteurs, la confiance avec Samir a été ainsi été scellée quand – lors d’une conversation musclée – votre serviteur a cité al-Boukhari, une référence culte du sunnisme. A toutes fins utiles pour nos lecteurs abreuvés de bêtises télévisées et dires d’experts à roulettes des plateaux de télévision : le salafisme est quiétiste, les salafistes craignent la guerre et le chaos, « sauf le jour du jugement dernier » (sic). Jadis, c’est Samir que nous avons suivi dans les rues d’une grande ville française il y a plus de dix ans, quand les Merah, les Kouachi et leurs frères terrorisaient la France. Il faisait alors partie de ces musulmans qui n’intéressent pas les médias : à chaque attentat, à chaque bombe, ils descendaient dans la rue au contact des « mécréants et des juifs » mais aussi des autres musulmans « égarés », prospectus jaunes et rouges dans les mains, où étaient écrit en gros caractères : « Mise en garde contre les groupes terroristes de Daesh et Al-Qaïda et la position islamique authentique à adopter à leur égard » mais encore «  Un guide simple pour comprendre le terrorisme » ou « La position de l’islam vis-à-vis des actes terroristes perpétrés à Paris et la mise en garde contre le groupe Daech ».

En tant que journaliste et investigateur reconnu et spécialisé dans ces questions, j’ai toujours apprécié le réalisme et les postures sincères, Samir est l’une de mes nombreuses sources avec qui je puis débattre de la place de l’Islam, des musulmans, des arabes, de l’Algérie, des Turcs, du Hezbollah, de l’Iran, d’Israël, des juifs et des textes sacrés, c’est un shoot profond de culture, sans complotisme et loin des décérébrés des réseaux « cas sociaux ». De grands moments rares, avec celui que je considère comme un frère, un garçon cultivé, un ingénieur, un réaliste.

Nous avons décidé d’échanger de l’information, vérifier les rumeurs, plonger dans les comptes bancaires, les mouvements, les influences, les manipulations, chacun y trouve son compte, mais le bonheur se situe ailleurs : chaque rencontre est une bulle d’air frais, nous ne nous cachons rien, nos réussites, nos travaux, nos amours, nos déceptions et même nos doutes. Et quand on a un frère, on se dit tout : Il a eu un enfant, son premier enfant, sa femme veut le quitter, il n’est pas bien, je plaisante comme il aime « Ney le maréchal, tu es un homme bon et un excellent compagnon de route, Allah est sur ton chemin, il t’a toujours accompagné, tu le sais, c’est pas possible d’avoir vécu ce que tu as vécu et d’avoir un humour aussi dingue ! », parfois je perçois encore un petit accent du 93, planète où nous nous sommes connus. Je le recroise donc dans cette investigation, l’un des épisodes d’une longue série, Samir et moi sommes des enfants de la patience, un mot nous lie tous les deux : As Sabr, la patience en arabe.

Samir revient de Marbella, où il a plongé en apnée dans les comptes d’un exilé Libanais qui a décidé de se « conformer » à la législation financière européenne… « il va prendre cher, mais il a décidé de vivre tranquille, il payera son amende au gouvernement espagnol et pourra enfin s’établir sans avoir peur de terminer au trou ou pire… dit-il d’un air satisfait, tu le connais, on l’avait rencontré ensemble la dernière fois », puis Samir me montre sa moustache du signe de la main, et fait les deux cercles de ses doigts autour de ses yeux « Jumlat Higgins » ! je percute, j’explose de rire. « C’est toi qui leur donnes des surnoms tellement réalistes » on se marre. Voilà l’une de mes sources, il est rare que je décrive mes sources, je ne l’ai presque jamais fait, mais le personnage et l’environnement sont importants pour comprendre les informations à venir, et surtout leur authentification et leur validation auprès de nos lecteurs.

Sanaa, nid d’espions ?

Mais revenons à nos moutons et surtout à al-Ahmar, que Samir avait déjà dans ses radars depuis plusieurs années, quand nous avions alors travaillé sur les routes de la coke du Hezbollah au cœur même du Venezuela, de l’hégémonie iranienne auprès du régime du dictateur Nicolas Maduro, un héritage empoisonné de Hugo Chavez qui avait alors signé un pacte avec le diable. Depuis, l’empire du mal s’est étendu, menaçant, soumettant et utilisant des nobles familles commerciales d’origine syro-libanaises – mais latines depuis plusieurs générations – installées, par exemple, dans le nord du Venezuela. Ce fameux nord du Venezuela est un lieu hautement stratégique, carrefour des routes maritimes, terrestres et aériennes, comme nous le disons souvent à nos étudiants :  il suffit de regarder une carte… Le nord est détenu par trois grandes familles liées au Hezbollah, aux Gardiens de la révolution et donc, à l’Iran. Ports, aéroports, compagnies téléphoniques, routes… tout est à eux. Avec Samir nous avions tracé les finances qui nous avaient conduit jusqu’au généraux de l’armée maduriste, un clan, un cabinet noir, un cartel : Le Cartel des Soles, le cartel des soleils, en référence aux soleils portés en grades par les généraux de cette armée diabolique.

Une armée qui sécurise les routes de la came, les vols et les cargaisons. Le « Hezbollah International » n’a plus rien à voir avec celui du Liban, les jeunes loups informaticiens, bardés de diplômes de droit, de finance et surtout de commerce, sont les rois de la poudre noire et blanche… ils n’ont cure des vieux religieux, le Hezb est devenu une famille, une mafia islamiste, seul compte l’argent et le business, la destruction d’Israël est, certes, un objectif, mais le plan a beaucoup changé depuis, beaucoup. Des tensions existent, le Hezb, grâce à la coke, est devenu plus puissant que les Gardiens de la révolution, comme deux grands frères qui se disputent un empire…

Samir, qui a lu l’article de l’agence SANA, celui qui dénonce un réseau d’espionnage au service des occidentaux, m’explique avoir quelques noms, nous nous plongeons dans nos innombrables notes, et nous travaillons sur nos versions de TAILS (un système entièrement sécurisé) sur des ordinateurs vierges, cryptés et uniquement réservés à ces dossiers. Samir me précise le pédigrée ainsi que l’environnement de al-Ahmar, je rajoute, je supprime, une boite par-ci, une boite par-là, un IBAN par-ci, un compte en Turquie…  « Ils ne se cachent même plus, tu dois écrire ça dans ton papier » dit-il d’un air sérieux. J’acquiesce.

Effectivement, trop surs d’eux… grâce aussi à un journalisme aphasique embourbé dans des idéologies gauchistes proches des mouvances islamistes ou très souvent acquis sans vergogne aux préceptes des frères musulmans et de leur banquier le Qatar, l’Iran et la Turquie.

Sûrs de leur impunité, ils le sont ces argentiers de l’islamo-terrorisme, car ils surfent aussi sur un islam endormi, voire paralysé, certains au plus profond d’eux-mêmes sont persuadés que leur cause est du bon côté de l’histoire. C’est là que je sors mon joker : deux dossiers sur al-Ahmar : l’un entièrement réalisé à partir d’informations blanches et grises, de l’open-source (OSINT) et l’autre à partir de sources noires, une information très difficile à obtenir sans avoir des relais bien placés.

En croisant nos sources et nos dossiers on commence à dessiner l’homme et son environnement. Le point de départ de ce dossier se situe à Sanaa, ce jour où les Houtis au Yémen avaient exposé au public ledit réseau d’espionnage. Ce 22 juin 2024, en grandes pompes, les services de sécurité Houtis appuyés en arrière-plan par les Gardiens iraniens ont présenté à la presse et au public ce qui était des aveux issus d’un « réseau d’espionnage américano-israélien, des aveux importants et étendus concernant le ciblage de l’économie nationale, de ses institutions et politiques connexes dans les secteurs public et privé » comme le précise l’article de l’agence SANA (agence aux mains des Houtis, donc de l’Iran). Ils poursuivent : « les aveux d’un certain nombre d’espions ont révélé les activités suivantes : activités hostiles américaines visant l’économie nationale, le secteur financier et bancaire, le secteur commercial, les banques, les institutions financières et le secteur de l’énergie, entre autres ».

Il est alors question d’un agent, l’espion Jamil Al-Faqih qui aurait avoué que la nature de son travail au sein du département économique consistait à collecter des informations sur la situation économique du pays, était donc visé le secteur économique en général « qu’il s’agisse de la banque centrale et de son activité, ou des différentes banques commerciales et les banques gouvernementales, ainsi que la collecte d’informations sur le pétrole, les sociétés d’exploitation, le ministère des finances, l’autorité douanière, l’autorité fiscale, le ministère de l’industrie et la chambre de commerce ».

Cela parait plutôt crédible, précisions que les Houtis insistent sur le fait que ces espions devaient aussi « créer un réseau de relations et recruter diverses sources dans tous les ministères et agences gouvernementales pour fournir des informations ». L’article est long et détaillé, trop long et trop détaillé pour être un faux, et aux Etats-Unis, à l’heure où tombe la dépêche, personne ne dément, le pire est à venir.

Golden boy made in Yemen

Hamid Abdullah Hussein Al-Ahmar, 56 ans, est le fondateur de Trend Gayrimenkul Yatirim Ortakligi AS, dont il a été le président de 2007 à 2022. Il est également le fondateur d’Investrade Co. B.S.C, mais il est surtout à la tête de SabaFon, Al Ahmar Group et la Saba Islamic Bank. Il occupe actuellement le poste de président d’Investrade Portfoy Yonetimi AS. Dans le passé le golden boy yéménite a travaillé comme directeur chez Islami Insurance Bangladesh Ltd. Al-Ahmar a obtenu son diplôme de premier cycle à l’université de Sanaa en 1994. Une information publique disponible sur sa fiche ch.zonebourse.com.

Pour comprendre l’homme d’affaires et la mécanique d’influence locale et financière internationale, il est important de survoler les points importants de son pedigree. Hamid bin Abdullah bin Hussein al-Ahmar est un homme politique yéménite vivant actuellement en exil aux côtés du reste des hommes politiques qui ont fui le Yémen lors de la prise de contrôle de Sanaa par les Houthis. Il est l’ancien secrétaire général du Comité préparatoire du dialogue national pour le JMP et membre du parti d’opposition Congrégation yéménite pour la réforme, communément appelé Islah.

Hamid al-Ahmar
Al-Ahmar (au centre) avec les membres l’Agence internationale pour le développement du Yémen en 2021. Respecté parmi ses pairs, même en exil en Turquie, al-Ahmar continue les projets et les donations pour le développement au Yémen.
Photo yiad.org

Hamid al-Ahmar est le fils d’Abdullah ibn Husayn al-Ahmar, l’ancien chef de la confédération tribale Hashid d’Islah qui est maintenant dirigée par le frère aîné de Hamid, Sadeq, qui vit dans la capitale Sanaa, et l’ancien président de la HR yéménite depuis 1993. Son oncle, en l’honneur duquel il porte son nom, a été exécuté par l’imam yéménite Ahmed Hameed Al-deen pendant la guerre civile yéménite de 1962-1968. Surdoué et très influent, al-Ahmar est aussi membre de la Chambre des représentants yéménite depuis les élections législatives de 1993. Il a été membre du Conseil de la Choura de la Congrégation yéménite pour la réforme, connue sous son nom arabe court Islah, qui signifie « réforme ». On lui attribue le mérite d’avoir dirigé l’opposition yéménite lors des élections présidentielles contre Saleh en septembre 2006. La presse locale l’avait alors cité comme la seule figure forte de l’opposition. « C’est le genre de portrait dont raffolent les patrons des services secrets turcs et iraniens, ils adorent avoir ce genre de golden boy issus du terroir local » explique Samir.

Iran et Qatar, les influences

Nous avons vu que de par ses convictions tribales et islamiques, al-Ahmar était initialement un opposant au mouvement zaïdite-chiite houthi au Yémen. Choses qu’il faut intégrer pour approfondir ce conflit interne au Yémen, les principales clefs sont relativement simples si on se donne la peine de ne pas trop réfléchir : les Houthis zaidi-chiites sont soutenus par l’Iran (Chiite) et le Hezbollah tandis qu’al-Islah (la branche yéménite des Frères musulmans) qui est étroitement liée à la famille al-Ahmar, est alignée sur les principaux pays sunnites : l’Arabie saoudite, la Turquie (dans la Turquie héritée de Mustapha Kemal, être musulman sunnite est constitutif de l’intégrité nationale, l’islam pratiqué est donc à essence sunnite) et… le Qatar (les Qataris sont sunnites dans leur très grande majorité car le courant qui domine est bien le wahhabisme). Nous conseillons aux lecteurs de bien relire ce passage encore une fois (note sérieuse de l’auteur). Nous éviterons ici d’expliquer la véritable genèse de l’organisation des Frères musulmans qui a autant vu le jour sous Saïd Qutb en Egypte que sous Navvab Safavi en Iran, le fondateur des Fedayin ne déposera pas simplement une franchise mais y fondera les Frères musulmans en Iran dans les années 50. D’ailleurs Qutb et Safavi ont partagé beaucoup sur le plan intellectuel et sont devenus de très bons amis. L’islamisme est un Rubik’s Cube rond à cinq dimensions, il ne faut essayer de le comprendre mais de suivre ses mouvements sans trop réfléchir.

Retour à nos moutons. Au Yémen, les dirigeants houthis ont alors remplacé la famille d’al-Ahmar en tant que principaux courtiers et gestionnaires des « pouvoirs » du pays. Cependant, la politique tribale yéménite et un alignement d’intérêts ont vu al-Ahmar nouer ses relations avec l’Iran et par la suite avec les Houthis par le biais de liens commerciaux avec les Gardiens de la révolution iranienne (le CGRI, les Pasdaran) et le fils du chef des Houthis. « C’est la confluence des influences et des intérêts familiaux, le Yémen a ses tribus et ses groupes, l’Iran ses familles et ses groupes, le Qatar laisse faire, agit en sous-main et observe, pourtant à qui profite le crime ? Ce sont bien les Houtis qui sont à l’origine de l’enquête qui prouve que al-Ahmar est un espion au service des Américains qui aurait donc manipulé les Houtis ? Qui donc y trouve son compte ? L’Iran ? je n’y crois pas ! Les Israéliens ? encore moins ! Le Qatar est pour moi le seul à qui le crime peut profiter, et il y non seulement un passif mais une détestation xénophobe : pour les riches qataris, traiter ou négocier avec un yéménite c’est négocier avec un ‘sauvage qui a de l’argent’, on retombe dans les guerres de castes arabo-africaines » m’assure avec fermeté Samir, tel un prof de géopolitique. Et il n’a pas tort. Parfois la géopolitique se joue entre tribus et clans familiaux, ce que nous avons beaucoup de mal à comprendre en occident.

Diner avec les diables

Le rapport de nos équipes LD-OSINT (Le Diplomate – OSINT) est on ne peut plus clair : il nous présente – preuves publiques à l’appui – un Hamid al-Ahmar, comme étant « un homme d’affaires yéménite lié à des investissements et organisations dirigés par les Pasdaran iraniens et le Hamas ». Le rapport détaille le business d’al-Ahmar, ses liens avec ces groupes islamo-terroristes, ses relations familiales et son statut social. Pour faciliter la lecture et l’imbrication des différents acteurs du dossier, nous proposons à nos lecteurs les points clefs qui donnent à comprendre l’environnement, les activités et l’influence de la galaxie al-Ahmar.

En résumé côté face :

  • Al-Ahmar possède des entreprises dans divers secteurs au Yémen, en Afrique et en Turquie. Il entretient des relations avec des hauts responsables turcs et des représentants politiques. Il a également des liens avec des entités sanctionnées par les États-Unis. Plus récemment, il a signé un contrat pour un projet pétrolier au Yémen et a rencontré une délégation sénégalaise en Turquie d’où il vit en exil, c’est un rappel fort utile.
  • Les relations commerciales se cristallisent à travers les rôles et les participations des dirigeants houthis et des pasdaran dans la société Sabafon, dont al-Ahmar détient principalement les parts (directement ou par l’intermédiaire de ses sociétés). La société est désormais effectivement « divisée en deux » : une société « Sabafon » exploitée par al-Ahmar dans le nord du Yémen, et « Sabafon » qui est exploitée par les Houthis à Sanaa.
  • La société Sabafon Yémen dans laquelle al-Ahmar détient directement et indirectement des actions a été impliquée dans des affaires de fraudes fiscales, de faux en écritures, il est notamment question de sociétés offshore dans le monde entier au nom de personnes liées à Sabafon.

Voilà pour les premiers détails, à présent voici les activités publiques et prouvées de al-Ahmar côté pile :

  • Depuis la prise de contrôle de Sanaa par la milice houthie soutenue par l’Iran en 2014, al-Ahmar vit en Turquie, dans des villas et des palaces de luxe d’où il poursuit ses activités commerciales. À Istanbul, al-Ahmar utilise une organisation appelée la Ligue des parlementaires pour Al-Qods (LP4Q) pour défendre l’organisation islamo-terroriste des Frères musulmans mais surtout sa filiale palestinienne, le Hamas. Il a cultivé des liens étroits avec le gouvernement du Parti de la justice et du développement (AKP), le parti islamiste du président turc pro-Hamas, Recep Tayyip Erdogan. Il est un des hommes d’affaires proche de Erdogan et de ses différents associés commerciaux.
  • Al-Ahmar a été accusé d’être responsable de l’attentat à la bombe contre le palais présidentiel de Sanaa qui a failli tuer le président Ali Abdullah Saleh en 2011. L’enquête sur l’attentat avait révélé l’utilisation de cartes SIM appartenant à Sabafon, le plus grand opérateur de réseau mobile du Yémen et détenu majoritairement par al-Ahmar.
  • Un article publié le 12 novembre 2023 concernant Al-Ahmar, indique qu’il a intensifié ses efforts de lobbying en faveur du Hamas, en organisant de nombreuses réunions avec des responsables du gouvernement turc et des représentants de divers partis politiques. Il l’a fait avec une délégation ad hoc spécifiquement dirigée par lui-même, en organisant des réunions avec des responsables, des législateurs et des groupes islamiques. La délégation a rencontré le président du Parlement, Numan Kurtulmuş, et le bras politique du Hezbollah soutenu par l’Iran, Huda-Par.
  • Al-Ahmar était accompagné de Hasan Turan, un député islamiste de l’AKP et chef du groupe d’amitié parlementaire Palestine-Turquie. Selon les déclarations de Turan, l’organisation a recueilli le soutien d’environ 500 membres de parlements du monde entier et est activement impliquée en Afrique, en Asie et en Amérique latine.
  • Al-Ahmar est également impliqué dans plusieurs sociétés à but lucratif, dont certaines sont liées à des membres clés de l’opération de financement au niveau international du Hamas.
  • En raison de la protection politique accordée par le président Erdogan, al-Ahmar ainsi que ses « opérations commerciales » en Turquie sont restés à l’abri de toute action réglementaire locale et n’ont fait l’objet d’aucune enquête administrative ou judiciaire.
  • Une indication supplémentaire des liens d’al-Ahmar avec la direction du Hamas est la rencontre qui a eu lieu en octobre 2021 entre Ismail Haniyeh (président du bureau politique du Hamas, neutralisé par Israël le mercredi 31 juillet à Téhéran) al-Ahmar et Abdelmajid al-Zindani (un islamiste de premier plan, fondateur et directeur de l’Université Iman au Yémen, chef du mouvement politique des Frères musulmans yéménites).
  • Al-Ahmar était proche de la direction du Hamas : Ismail Haniyeh avait transmis ses condoléances en privé à al-Ahmar pour le décès de son frère Cheikh Sadiq Al-Ahmar, décédé des suites d’un cancer en phase terminale.
  • Ismail Haniyeh avait alors fait l’éloge du défunt frère de al-Ahmar, nous le citons :  « son soutien à la cause palestinienne et ses positions arabes authentiques …/… il a suivi les traces de son père, le grand Cheikh Abdallah bin Hussain Al-Ahmar …/… Nous présentons nos sincères condoléances …/… à la noble famille et de toutes les tribus Hashid et du peuple yéménite frère et de tous les amoureux et disciples du défunt Cheikh ».
Hamid al-Ahmar
Al-Ahmar, à droite en présence du leader islamo-terroriste du Hamas Ismaël Haniyeh (ou Ismaïl Haniya) au centre, et surtout de la figure locale islamiste du Yémen, Abdul Majeed Al-Zindani, à droite. Lors du décès de ce dernier en avril 2024, le Hamas avait présenté ses sincères condoléances en déclarant: “la Palestine a perdu aujourd’hui l’un de ses grands défenseurs et une voix sincère en faveur de la résistance et de la lutte légitime de notre peuple”. Les trois hommes étaient très proches, Haniyeh a été liquidé par Israël en juillet dernier à Téhéran. Il ne reste que al-Ahmar encore en vie, reconnu comme espion pour les américains, combien de temps lui reste-t-il à vivre ? Photo DR.
Hamid al-Ahmar
Hamid al-Ahmar
Hamid Abdullah Al-Ahmar est un homme politique yéménite et homme d’affaires millionnaire dont la famille dirigeait le réseau des Frères musulmans au Yémen. Il a parrainé des réseaux islamistes dans le monde entier et a aidé le président turc Erdogan à influencer des groupes musulmans non turcs. Al-Ahmar, qui a un accès direct à Erdogan, gagne des millions en Turquie grâce à la corruption, le blanchiment et les alliances d’affaires. Proche de Erdogan selon plusieurs services diplomatiques et agences de renseignement, il fait souvent, en privé et en public, l’éloge du président islamiste turc. Ici, le 14 décembre 2018 lors de la 2e réunion annuelle de la Ligue des parlementaires pour Al-Quds, a fourni une plate-forme à #Erdogan pour promouvoir sa marque politique islamiste à Istanbul. Rappelons que cette organisation dirigée par Al-Ahmar est la couverture légitime de l’Institut international Al-Qods, celui-même qui a été désigné organisation terroriste par les Américains (lire plus bas).
Photo provenant des médias sociaux utilisée conformément à l’article 27a de la loi sur le droit d’auteur – Fair Use et DR.
Hamid al-Ahmar
Photo provenant des médias sociaux utilisée conformément à l’article 27a de la loi sur le droit d’auteur – Fair Use et DR.
Hamid al-Ahmar
Al-Ahmar au parlement turc, en présence des islamistes et des donateurs/soutiens du Hamas et des mouvances terroristes armées au Moyen-Orient et en Afrique.
Photo DR.
Hamid al-Ahmar
Nureddin Nebati (à gauche) vice-ministre des Finances et du Trésor en Turquie, il est l’homme de référence d’Erdogan pour gérer le portefeuille des Frères musulmans et un des proches de notre golden boy islamiste, Hamid Abdullah Al-Ahmar (à droite). Ici tous les deux face à Erdogan lors de la conférence de tous les leaders, donateurs et influenceurs du Hamas en Turquie. Photo provenant des médias sociaux utilisée conformément à l’article 27a de la loi sur le droit d’auteur – Fair Use et DR. Montage Le Diplomate.

Les sanctions américaines glissent sur lui

Les États-Unis jouent un rôle important dans la lutte internationale contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et d’autres crimes financiers en imposant des sanctions économiques contre les pays, les entités et les individus impliqués dans ces activités. Entre donc en jeu la fameuse « liste des sanctions de l’OFAC » (Office of Foreign Assets Control ou bureau pour le contrôle des avoirs étrangers). Cette liste contient des informations sur les cibles actuelles des sanctions imposées par les États-Unis. L’OFAC maintient à jour plusieurs listes de sanctions, chacune traitant d’un groupe de cibles. Parmi les autres types de listes de sanctions gérées par l’OFAC, citons la liste d’identification des sanctions sectorielles, la liste des fraudeurs aux sanctions étrangères, la liste plus spécifique du Conseil législatif palestinien ainsi que la liste des sanctions contre l’Iran. La liste SDGT pour Specially Designated Global Terrorist, cette liste regroupe les organisations et membres d’organisations considérés comme terroristes par les États-Unis, autant dire que c’est l’arme nucléaire pour tout homme ou femme d’affaires qui dépasse la ligne rouge. Et dans notre cas précis, al-Ahmar a dépassé la ligne orange et rouge plusieurs fois, on peut même dire qu’il les survole. « Une fois ton nom sur la liste colorée de l’OFAC, toutes les portes se ferment, c’est une arme financière puissante, elle est aussi devenue une arme géopolitique contre l’hégémonie des islamites tout autour du globe surtout depuis les attentats du 11 septembre 2001 » précise notre spécialiste luxembourgeois de la lutte contre le blanchiment. Le 17 janvier dernier, le Département d’État américain a annoncé la nouvelle désignation d’Ansarallah (les Houthis) en tant qu’organisation terroriste transnationale spécialement désignée, la fameuse liste SDGT. La décision de redésigner Ansarallah est intervenue après plusieurs mois d’attaques menées par les forces houthistes (parrainées par l’Iran) contre des navires maritimes internationaux dans la mer Rouge et dans le golfe d’Aden.

Reprenons les points clefs qui concernent al-Ahmar :

  • Al-Ahmar a pris sa retraite du poste de président et a renoncé à la participation majoritaire de « Trend GYO » en 2022 après la désignation des États-Unis à l’OFAC. Il détient toujours 10,75 % des actions de la société, désignée comme liée au Hamas par les Américains.
  • Outre Trend-GYO, al-Ahmar a de nombreuses relations commerciales avec d’autres personnels liés au Hamas, tels que le Dr Amer Alshawa (sanctionné par l’OFAC et le SDGT) par le biais d’entités commerciales en Turquie et à Bahreïn, et Hisham Qafisheh par le biais d’une société détenue au Royaume-Uni par les proches des deux hommes.
  • Al-Ahmar est le président de la « Fondation internationale Al-Quds », une organisation qui a des succursales dans plusieurs pays du monde (notamment à Beyrouth, à Gaza, en Syrie, en Afrique du Sud, en Iran, au Soudan, en Malaisie et en Algérie) et qui soutient les familles des prisonniers du Hamas en collectant des fonds pour des programmes et des projets dans les territoires palestiniens destinés à étendre l’influence et le contrôle du Hamas. Les États-Unis ont sanctionné la Fondation internationale Al-Quds en 2012 « pour être contrôlée par et agir pour ou au nom du Hamas ».

Après avoir longuement plongé dans une documentation fournie et en plusieurs langues, avec Samir nous nous sommes penchés sur le pourquoi du comment avec quatre simples questions :

Comment al-Ahmar peut échapper aux sanctions de l’OFAC et à son inscriptions sur la liste SDGT (terrorisme, rappel) ?

Pourquoi al-Ahmar peut échapper aux sanctions de l’OFAC et à son inscriptions sur la liste SDGT ?

Qui a intérêt à le protéger de toutes sanctions ?

Qui a « balancé » al-Ahmar ?

Nous allons y répondre le plus simplement du monde dans cette partie et dans la prochaine.

Pétrole, saoudiens et chinois en embuscade

« C’est Hubris qui tué al-Ahmar, donc lui-même », je regarde Samir et j’acquiesce, on nous rapporte un énième café sur ce roof top barcelonais, et nous enquêtons, fouillons et passons en revue des dizaines de documents en shorts de bain, lunettes Carrera sur le nez. Samir regarde la piscine, on plonge à la santé de al-Ahmar.

Les personnes souffrant du « syndrome d’Hubris » développent un narcissisme, une confiance et une arrogance excessifs avec un sentiment de toute puissance. Elles se surestiment en permanence, ont toujours l’impression d’avoir raison, sont intolérantes à la contradiction, et ne se remettent jamais en cause ni en question, surtout elles ont subitement arrêté un jour d’apprendre, tout en baissant la garde. C’est le cas des tyrans comme Staline, Hitler, Maduro, mais pas que. C’est David Owen, ancien ministre des Affaires étrangères britannique, qui a nommé ce syndrome pour la première fois dans un ouvrage intitulé « The Hubris Syndrome ». Selon lui, tous les dirigeants auraient une propension à voir le pouvoir transformer leur personnalité. Pourtant on peur rajouter une majorité de politiques, de millionnaires, de milliardaires et même parfois des petits patrons, des conseillers politiques, des militaires, des magistrats… bref, tout homme ou toute femme qui goûte au pouvoir et qui le retient suffisamment pour se sentir « sécurisé ».

« Je repère tout de suite quelqu’un qui est à ce stade du narcissisme, j’ai des clients qui sont simples, adorables, des crèmes, et d’autres qui puent la haine dans le regard, les gestes, ils ont besoin de nous alors ils nous traitent bien, mais parfois la réalité revient au galop » m’explique Samir. Elles sont impulsives, n’hésitent pas à user du mensonge et de la manipulation pour parvenir à leurs fins. Pour elles, les apparences sont reines et ce qui les conduit à la chute c’est qu’elles perdent peu à peu le contact avec la réalité, se sentent invulnérables, ont une confiance excessive dans leurs décisions. C’est bien le cas de al-Ahmar.

Et l’erreur, le pas de trop est arrivé il y a quelques mois : À la mi-mai 2024, des médias yéménites s’intéressent au contrat que notre golden boy local a signé avec une société chinoise pour mettre en œuvre un projet pétrolier stratégique dans le gouvernorat de Shabwa, dans le sud du Yémen. Le but du projet est d’établir une raffinerie de pétrole, dans ce qui est décrit comme l’un des projets pétroliers les plus importants du sud du Yémen. C’est donc dans un total excès de confiance et pour la première fois qu’al-Ahmar conclut un accord majeur dans le gouvernorat pétrolier depuis que son parti, Islah, en a été évincé du contrôle il y a des années.

Et ce genre d’accord nécessite des autorisations en haut-lieu, on vous le donne en mille : La participation d’al-Ahmar au projet a été approuvée par l’Arabie saoudite. En effet, des sources au sein du ministère du Pétrole du gouvernement saoudien ont rapporté que l’Arabie saoudite avait donné le feu vert à Al-Ahmar pour étendre ses investissements dans le gouvernorat pétrolier. Vous pouvez donc sentir grincer les dents des mollah iraniens d’ici, et mêmes celles des patrons du Qatar… Dans l’art imbécile de se foutre tout le monde à dos alors que tout va bien, al-Ahmar est passé Grand Maître.

Fin avril dernier, al-Ahmar a rencontré en Turquie une délégation du Sénégal, qui comprenait Amadou Mame Diop, le président sénégalais et président de l’Assemblée nationale (deuxième rôle le plus important dans la politique sénégalaise), l’ambassadeur du Sénégal en Turquie et d’autres responsables du parlement.

Et tenez-vous bien, la réunion a eu lieu dans le cadre de la 5e conférence de la Ligue des parlementaires pour al-Qods, une organisation dirigée par Al-Ahmar qui est la couverture légitime de l’Institut international Al-Qods, celui-même qui a été désigné organisation terroriste par… les Américains.

« C’est fort probable au vu de son pedigree qu’il ait agacé ses partenaires en jouant sur plusieurs tableaux, c’est généralement quelque chose qu’il faut éviter, surtout dans le coin. On peut avoir des partenaires, mais il faut jouer cartes sur table, là, on a l’impression que al-Ahmar est parti dans une fuite en avant contre un mur de chameaux en plein désert » explique notre spécialiste de la lutte contre le blanchiment.

On rembobine :

Comme vous l’avez vu plus haut, en 2022 al-Ahmar prend sa retraite « forcée » du poste de président de « Trend GYO » en 2022 après la désignation des États-Unis à l’OFAC. Or, il détient toujours 10,75 % des actions de la société qui est désignée comme liée au Hamas par les Américains. Ensuite al-Ahmar est le président de la « Fondation internationale Al-Quds », les États-Unis ont sanctionné la Fondation internationale Al-Quds en 2012 « pour être contrôlée par et agir pour ou au nom du Hamas ». Selon nos sources les Américains lui auraient proposé un deal, du renseignement contre « le calme financier », grosso merdo : on ne touche pas à tes finances, tu n’es placé sur aucune liste mais c’est donnant-donnant. « Il faut avouer que les Américains savent y faire, et c’est agréable de se savoir protégés par eux, un homme comme al-Ahmar a souvent menacé des adversaires de ‘les faire inscrire sur une liste américaine’, c’est une menace prise très au sérieux, et son narcissisme a pris le dessus » résume l’une de nos sources proche du dossier. Donc les Américains le tiennent, peuvent le menacer mais ferment les yeux en lui procurant une protection financière  comme nous le confirme l’un des acteurs du dossier au Moyen-Orient : « C’est l’homme idéal pour un service de renseignement, il est bien placé, possède des télécoms, est influent tant en Turquie qu’au Yémen, il côtoie le Hamas, les Iraniens, il gère leurs fortunes et blanchit leur argent, on peut détester quelqu’un mais quand il vous fait gagner de l’argent, on ferme les yeux » Sauf… Sauf si vous dépassez les bornes.

Non seulement al-Ahmar garde des participations dans une société sous sanctions américaines, mais en plus, organise la 5e conférence de la Ligue des parlementaires pour al-Qods, qui comme nous l’avons vu plus haut, est une organisation bidon dirigée par Al-Ahmar. Cette Ligue est la couverture légitime de l’Institut international Al-Qods, institut désigné organisation terroriste par les Américains. On rajoute le deal pétrolier avec les Chinois et les Saoudiens sous le nez des Iraniens et du Qatar et la dispute familiale vire au pugilat et aux coups bas.

Dans la prochaine partie (samedi prochain) il sera question de l’enquête approfondie sur Sabafon, les relations avec les Houtis, les noms, les sanctions, les écoutes et les sociétés off-shore de al-Ahmar ainsi que l’évasion fiscale pour un montant de 325 millions de dollars.

Hamid al-Ahmar
Al-Ahmar a pris sa retraite du poste de président et a renoncé à la participation majoritaire de « Trend GYO » en 2022 après la désignation des États-Unis à l’OFAC. Il détient toujours 10,75 % des actions de la société, désignée comme liée au Hamas par les Américains. Ici le résultat de la recherche sur le site de l’OFAC accessible à tous.
Hamid al-Ahmar
Hamid al-Ahmar
Al-Ahmar a de nombreuses relations commerciales avec d’autres personnels liés au Hamas, tels que le Dr Amer Alshawa (sanctionné par l’OFAC et le SDGT) par le biais d’entités commerciales en Turquie et à Bahreïn (ci-dessus) et Hisham Qafisheh (ci-dessous)par le biais d’une société détenue au Royaume-Uni par les proches des deux hommes.
Hamid al-Ahmar

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