Par Alexandre Aoun
Depuis le 7 octobre, la France peine à trouver sa place en tant que médiateur dans le conflit à Gaza mais surtout sur le dossier libanais. Elle se cantonne à des communiqués et des visites de courtoisie pour garder un poids de plus en plus relatif.
« Mais où donc est passée la France ?», s’interroge ce 13 août le quotidien libanais L’Orient-Le Jour. L’absence de la diplomatie française pour éviter un conflit régional au Proche et au Moyen-Orient est devenue flagrante. Alors que les chancelleries occidentales font le déplacement à Beyrouth pour tenter de convaincre le Hezbollah de ne pas se lancer dans des représailles qui risquent d’enflammer la région, Paris « semble à la remorque ».
En effet, alors que le Liban a toujours été un interlocuteur privilégié pour la diplomatie française, compte tenu de l’histoire mandataire et des liens avec la francophonie, l’Élysée n’a dépêché que tardivement son ministre des Affaires étrangères depuis que les tensions sont brutalement montées dans la zone. Le quotidien libanais précise que même le Royaume-Uni a envoyé le 1er août dernier, soit deux jours après l’assassinat de Fouad Chokor dans la banlieue sud de Beyrouth, ses ministres des Affaires étrangères et de la Défense David Lammy et John Healey pour jouer les médiateurs.
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Une visite expresse pour ?
La visite de Stéphane Séjourné a tardé à se concrétiser. Même un déplacement de l’émissaire présidentiel pour le Liban, Jean-Yves Le Drian, n’était pas dans les petits papiers de l’Élysée. Seule circonstance atténuante : la France était prise par l’organisation des Jeux olympiques sur son sol et la situation politique interne n’était pas encore réglée. Néanmoins, l’image d’un président français au chevet des Libanais, au lendemain de la terrible explosion au port de Beyrouth le 4 août 2020, « paraît lointaine », indique L’Orient-Le Jour. Une source diplomatique occidentale, citée par le quotidien libanais, déclare avec un brin d’ironie : « À quoi peuvent s’attendre de plus les responsables français s’ils venaient au Liban ? », faisant référence à la paralysie du l’exécutif libanais, sans gouvernement depuis la fin du mandat de Michel Aoun le 31 octobre 2022.
Une fois sur place, le 15 août, Stéphane Séjourné n’a fait que reprendre les mots de l’émissaire américain arrivé la veille. Lors d’une visite de quelques heures, le chef de la diplomatie française a eu à peine le temps de rencontrer son homologue libanais Abdallah Bou Habib, le Premier ministre Najib Mikati et également le chef des armées Joseph Khalil Aoun. Peu de temps avant de se rendre sur place, il avait écrit sur la plateforme X être en faveur de « la désescalade dans la région ». Il a notamment considéré que le fait que le Hezbollah et Israël continuaient d’échanger des tirs alors que les pourparlers pour une trêve avaient repris à Doha n’envoyait pas « le bon message ». En effet, sa visite coïncide également avec l’ouverture d’un nouveau cycle de discussions au Qatar pour tenter d’arracher un accord de cessez-le-feu à Gaza.
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Dans une courte déclaration à l’issue de sa réunion avec le chef du Parlement libanais, le ministre a réaffirmé le soutien de la France au Liban «à un moment où tout le monde est préoccupé» par la situation dans le pays et au Moyen-Orient. Il a également adressé un message aux autorités libanaises, appelant à la « désescalade », message qu’il doit aussi transmettre « aux autres pays de la région ».
« Nous soutenons également la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), ainsi que le renforcement de l’armée libanaise au Liban-Sud », a ajouté le ministre français, indiquant que la France « allait œuvrer à New York dans le cadre des discussions pour prolonger le mandat de la Finul », qui expire le 31 août prochain. « La France est là, la France soutient le Liban et […] souhaite un cessez-le-feu dans la bande de Gaza, qui sera nécessaire pour garantir la paix dans la région », a-t-il dit.
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Une politique de plus en plus atlantiste
«Le Liban est attaché aux règles d’engagement et à son droit à l’autodéfense face à l’agression israélienne, qui n’a pas épargné les civils, les professionnels des médias et les médecins dans ses attaques, sans parler de l’utilisation d’armes internationalement interdites», a quant à lui déclaré le président du Parlement, qui est également chef du mouvement chiite Amal, allié du Hezbollah, dans une référence aux munitions au phosphore blanc dont l’usage est très strictement restreint par le droit international. Sur le terrain, les affrontements entre la milice chiite et l’armée israélienne ont continué. La veille de la visite de Stéphane Séjourné au Liban, l’émissaire américain avait également fait le déplacement au pays du Cèdre, exhortant le mouvement pro-iranien à ne pas riposter pour éviter un embrasement régional. Le numéro 2 du parti chiite Naïm Qassem avait même réagi à la visite d’Amos Hochstein, la qualifiant de « spectacle » qui « n’apporte rien ». Le lendemain, le 16 août, Stéphane Séjourné était en Israël pour apporter son soutien à l’Etat hébreu et pour prôner une désescalade régionale.
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Paris essaye tant bien que mal de garder un contact avec l’Iran. Le président français a tout de même eu récemment au téléphone son homologue iranien Massoud Pezeshkian, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, le Premier ministre libanais Najib Mikati ou encore le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane et le président des Émirats arabes unis, le cheikh Mohammad ben Zayed. Or, pour tenter de garder une certaine influence dans la zone, la France se joint aux déclarations américaines. Le 12 août, avec le Royaume-Uni, l’Italie, l’Allemagne et les États-Unis, la France a fait part de son « soutien total aux efforts en cours pour apaiser les tensions et parvenir à un cessez-le-feu et à un accord sur la libération des otages à Gaza », tout en saluant « l’appel conjoint du président Biden, du président égyptien Sissi et de l’émir Tamim du Qatar à reprendre les négociations ». Le communiqué conjoint rappelle le « soutien à la défense d’Israël contre l’agression iranienne et contre les attaques des groupes terroristes soutenus par l’Iran », mettant en garde Téhéran contre les conséquences d’une riposte à l’échelle régionale. Un appel qui visiblement ne suffira pas : de son côté, l’Iran a rejeté ce 13 août ces doléances occidentales. Téhéran s’est dit « déterminé à défendre sa souveraineté », l’Iran ne demandant « l’autorisation de quiconque pour utiliser ses droits légitimes ». Du fait de sa perte d’influence dans la zone, la France s’arrime à la position américaine et donc plus ou moins au narratif israélien. Ce suivisme et cette diplomatie administrative confirment son statut de puissance secondaire et son manque d’indépendance face aux différents dossiers.
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